Imposante grève des prolétaires du textile au Bangladesh (G. Bad)
Manifestation des ouvriers du textile, à Dacca (Bangladesh) le 1er novembre 2023. (abed Hasnain Chowdhury/NurPhoto. AFP)
Le Bangladesh est le deuxième exportateur de textile mondial, comme toujours c’est le faible coût de sa main d’œuvre qui en fait un concurrent redoutable sur la scène mondiale. Ses 3.500 usines de confection représentent 85% des exportations du pays1 et emploient 4 millions de salariés. Ces usines fournissent en majorité des entreprises comme H&M, Levi’s, Zara, Asos, Primark, Uniqlo ou Gap. Ce faisant les ouvrières et ouvriers s’ affrontent aussi bien au capital national qu’à celui international des firmes ci-dessus.
Cette grève, fait suite à un puissant mouvement qui a des le 28 octobre 2023 mis 100.000 personnes dans les rues de la capitale pour exiger la démission de Sheikh Hasina la Première ministre. Là encore, une répression très dure s’était abattue sur les manifestants,
« Dacca (AFP) – De violents heurts avec les forces de l’ordre ont éclaté samedi au Bangladesh lors d’une manifestation de masse d’opposants à la Première ministre Sheikh Hasina, provoquant la mort d’un policier et d’un manifestant et faisant de nombreux blessés. » 1
C’ est donc dans un contexte émeutier que la grève de 600 usines de confection va éclater
Les syndicats réclament un minimum par mois . Le secteur, est composé à 80% de femmes qui exigent un triplement de leur salaire, soit 23.000 takas (195 euros)pour faire face à une inflation galopante. Malgré la proposition faite par la Première Ministre d’une augmentation de 56%,elles repoussent la proposition et continuent la grève,
Selon l’AFP la police avait tiré sur quelque 400 travailleurs qui manifestaient pour obtenir de meilleurs salaires sur une autoroute de la ville industrielle de Gazipur, proche de la capitale Dacca. « Six à sept personnes ont été blessées par balle. »
Des affrontements auront lieu dans la ville industrielle d’Ashulia, à l’ouest de Dacca, lorsque 10 000 ouvriers ont tenté d’empêcher leurs collègues de reprendre leur poste.
« Ils ont lancé des pierres et des briques sur des policiers et des usines, et ont tenté de bloquer les routes », a déclaré à l’AFP le chef de la police d’Ashulia, Mohammad Sarowar Alam. « Nous les avons dispersés en tirant des gaz lacrymogènes. »
La colère ouvrière va monter d’ un cran
Une situation tragiquement illustrée par les incendies de l’usine textile de Tazreen et ses 110 morts en 2012, et du tristement célèbre effondrement de Rana Plaza en 2013, qui avait fait plus de 1135 morts.
Effondrement du Rana Plaza en 2013. Photo : Rijans / Flickr
C’est d’ailleurs suite à cette catastrophe qu’un « conseil du salaire minimum » avait été créé pour canaliser la colère qui avait suivi. Le gouvernement s’était engagé à augmenter les revenus tous les cinq ans. Et c’est précisément cette année 2023 que les salaires devaient être revalorisés ce qui n’a pas eu lieu. Cela signifie qu’ils sont restés bloqués depuis 2018, alors même que l’inflation avait rongé les salaires de10% cette année pendant que le taka subissait une dépréciation d’environ 30% par rapport au dollar américain depuis début 2022.
« Les travailleurs n’ont jamais été aussi pauvres et avec un pouvoir d’achat aussi bas » explique Salma Lamqaddam pour L’Ob, spécialiste de la condition ouvrière dans l’industrie textile bangladaise.
La colère monte et déjà, une cinquantaine d’entreprises sont saccagées, quatre brulées, et .de nombreuses routes bloquées.
vidéo-https://twitter.com/i/status/1722677823649804694
Une femme a été tuée par balle mercredi 8 novembre quand la police a ouvert le feu sur des ouvriers du textile manifestant pour de meilleurs salaires près de la capitale Dacca, ont indiqué les autorités et la famille de la victime.
Jalal Uddin, un ouvrier du textile de 42 ans qui avait été blessé lors d’affrontements avec des policiers au début du mois à Gazipur, au nord de la capitale Dacca, est mort des suites de ses blessures. Son décès porte à quatre le nombre d’ouvriers tués depuis le début des manifestations le mois dernier. Il faut se souvenir qu’ au printemps 2006 des révoltes violentes avaient touché 4000 usines, et que les exportateurs de vêtements du pays (BGMEA) firent appel aux forces de l’ ordre. Celles ci, vont tirer sur la population, le bilan de la répression, trois ouvriers tués, et des centaines seront blessés par balles, d’ autres emprisonnés. (voir l’ article d’ Echanges N°119-hiver 2005 /2006)
REVOLTE OUVRIERE AU BANGLADESH EN 2006
« Plusieurs dizaines de milliers d’ouvriers du textile bangladais avaient incendié au moins seize fabriques et en avaient saccagé 300 autres la semaine dernière, au cours de violentes manifestations à Dacca et dans des zones industrielles voisines, en particulier à Ashulia. Deux ouvriers avaient été tués et de nombreux blessés lorsque des membres des forces de sécurité avaient tiré sur les protestataires.
Les manifestants réclament un salaire d’au moins 11 takas (16 cents) par pull-over, contre 7 aujourd’hui, le paiement régulier et plus élevé des heures supplémentaires et un jour de congé hebdomadaire. » Sources Fashion
En 2010, le Parti nationaliste du Bangladesh BNP lance un appel à la grève générale le 2 juin 2010 , la répression sera de nouveau violente, 1000 manifestants blessés et de nombreuses arrestations.
Pour conclure
Si l’ élément spontané des différents mouvements grève est alimenté par l’ exploitation capitaliste national et internationale, L’ exploitation se trouve maquillée par un temps de travail officiellement de 48 heures hebdomadaires, avec un jour de congé. La réalité est toute autre, 10 à 12 heures par jour, et sept jours sur sept est une pratique courante. A cela il faut ajouter les nombreuses heures supplémentaires non payées et des obligations de verser des bakchichs aux superviseurs. C’ est la le moteur historique de nombreuses luttes et émeutes au Bangladesh qui perdurent aujourd’hui, à cela il ne faut pas sous estimer l’influence d’obédiences se disputant le pouvoir, il s’ agit ; Du Bangladesh Nationalist Party (BNP) et la Ligue Awami, l’un et l’autre éventuellement soutenus par de petites formations souvent plus radicales, de «gauche » pour la Ligue et musulmanes pour le BNP; de plus, le BNP aurait le soutien de l’armée qui, après les dictatures militaires du début de l’indépendance, ponctuées de coups d’Etat, continue de jouer un grand rôle en sous-main.
Celle du BNP– Parti nationaliste du Bangladesh- A son origine, le Bangladesh Jatiyatabadi Dal (BJD) . Établi au pouvoir en 1976 en tant que Front nationaliste, le parti s’unit et change son nom en septembre 1978 pour devenir le Parti nationaliste du Bangladesh. L’année suivante, ce parti de centre-droit se consolide lorsqu’il absorbe plusieurs factions ayant quitté d’autres partis. En 1995, il est renversé par de nombreuses manifestions de désobéissance civile, instiguées par la Ligue Awami . Selon Amnesty International, « La Ligue Awami, parti actuellement au pouvoir, et le Parti nationaliste du Bangladesh, parti d’opposition, ont occupé alternativement le pouvoir depuis le début des années 1990. Lorsqu’ils sont au gouvernement, tous deux autorisent les forces de sécurité à attaquer des manifestations de l’opposition, à frapper les manifestants, à arrêter des membres de l’opposition, à traduire des opposants en justice pour des motifs politiques, et à infliger des actes de torture et d’autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, en toute impunité. »
Celle de la ligue Awami- La Ligue Awami du Bangladesh (AL) est un parti politique de centre-gauche fondé en 1949 dans le but de s’opposer à la Ligue musulmane. Bien qu’il ait été originalement créé en tant que Ligue Awami musulmane, ce parti est essentiellement séculariste. Lors d’élections libres en 1970, la Ligue remporte un triomphe mais Yahya Khan, président du moment, refuse le verdict des urnes et envoie des troupes pour réprimer les Bengalis. En 1971, le Bangladesh, aidé par l’Inde d’Indira Gandhi, devient indépendant et est dirigé par la ligue Awami, première force politique nationale. Elle est présidée depuis 1981 par Sheikh Hasina, fille de Sheikh Mujibur Rahman.
Celle du parti communiste marxiste léniniste
Ce parti dirige des organisation de masse, il adhère à la FSM Fédération syndicale mondiale il a certainement joué un rôle dans les diverses manifestations.
Par G.Bad le 16 novembre 2023
1 Des policiers tirent des balles en caoutchouc pour disperser des militants du Parti nationaliste du Bangladesh (BNP) qui tentent de bloquer une autoroute à Araihazar, près de Dacca, le 31 octobre 2023 au Bangladesh (AFP – Munir UZ ZAMAN) en réalité « La police est arrivée et a ouvert le feu. Un militant du BNP est mort sur place et un autre à l’hôpital », « plus de 100 personnes ont été blessées ».
1Soit 85 % de ses 55 milliards de dollars d’exportations annuelles du pays.
Versão em Língua Portuguesa:
https://queonossosilencionaomateinocentes.blogspot.com/2023/11/gbad-greve-macica-dos-trabalhadores.html