– Internationalistes du 3e camp (1940-1952)

2 – Internationalistes du 3e camp (1940-1952)

En 2014, dans le cadre du 70ème anniversaire du débarquement en Normandie, nous avons mis une série de textes émanant des divers groupes que notre histoire qualifie « d’Internationalistes du 3ème camp », c’est-à-dire des groupes qui se distinguent par le refus de tout soutien à un quelconque camp impérialiste comme écrit dans un tract en italien diffusé par les Communistes Révolutionnaires en 1943 : « N’espérez nullement en Roosevelt, Churchill, Staline et au Pape« . Alors qu’aujourd’hui le poison nationaliste déferle un peu partout dans le monde, il nous paraît important de rappeler que dans un passé pas si éloigné, une attitude de classe intransigeante, internationaliste se soit affirmée malgré le contexte de guerre et ses polarisations inter-impérialistes.

Le poison nationaliste se présente toujours de deux façons : soit directement défense d’un camp étatique contre un autre (ex. de l’Ukraine et de la Russie), soit plus subtilement défense d’une lutte qualifiée de libération nationale (en Palestine, au Pays Basque, au Kurdistan…) contre un Etat reconnu comme tel avec ses frontières, son armée, son drapeau, ses usines et autres prisons. Or ces groupes dénoncèrent ce même poison pour ce qu’il était : un enfer pour le prolétariat, transformé en objet, en chair à profit et chair à canon.

En conséquence, nous nous inscrivons dans ces voix discordantes qui rappellent à tous les défenseurs du nationalisme que la défense d’une patrie – déjà établie ou dans les rêves de nationalistes avides de pouvoir – implique toujours soumission, exploitation, aliénation et jamais libération sociale, abolition de l’Etat, affirmation du communisme.

Aujourd’hui, mai 2015 nous sommes en mesure de rendre disponible encore plus de documents, d’une part une série de numérisations réalisées à partir de documents originaux, d’autre part la mise en ligne de nouveaux textes. Ces documents supplémentaires proviennent des archives que Marc Chirik a gardées tout au long de sa vie militante et aujourd’hui détenues soigneusement par un camarade qui nous en a permis la reproduction et apporte sa contribution active à la mise en forme de nombreux textes.

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Après avoir mis en ligne toute une série de textes des gauches communistes française, italienne, et germano­-hollandaise, nous continuons avec des textes publiés pendant la deuxième guerre mondiale, par des militants prolétariens qui ont refusé tout soutien à l’un des 2 camps impérialistes en présence. C’est le pourquoi de la terminologie « troisième camp ».

Ces camarades affirment leur lutte contre les deux camps en présence, refusent une quelconque Union Sacrée, défense d’une patrie qu’elle soit affublée des termes socialiste, démocrate, fasciste. Ils inscrivent leur lutte dans le droit fil de ceux qui pendant la guerre précédente s’opposèrent à tous les camps en présence et dénoncèrent l’ignominie qui consiste à appeler les prolétaires de tous les pays à défendre chacun leur pays en s’étripant « joyeusement » pour le plus grand profit du capital. À ce titre, il nous apparaît important de rappeler et d’affirmer que la guerre n’est jamais autre chose que l’écrasement du prolétariat, le triomphe du nationalisme, la négation de tout projet d’abolition des classes, de la propriété, de l’État.

La guerre va pousser ces militants à se positionner plus clairement, surtout sur un point cardinal et incontournable à l’époque : la nature de l’État russe. Ils s’affrontent principalement aux trotskistes qui, continuant à défendre l’idée que l’État soviétique, bien que dégénéré, reste socialiste dans ses fondements, affirment qu’il est nécessaire d’adopter une stratégie militante différente de celle qui doit être menée contre les États « démocratiques », « fascistes » qualifiés ouvertement de bourgeois. Cette analyse va ainsi mener certains groupes trotskystes à se faire les défenseurs de l’Armée rouge [1]. Par contre les militants du « troisième camp » vont rompre avec cette analyse et affirmer que la nature de l’Etat russe est capitaliste [2]. Qu’en conséquence il ne saurait être question de soutenir pas plus ce camp­ là que les autres.

Ces militants surent défendre pied à pied les traditions internationalistes encore vivaces quelques années auparavant, défendre la simple idée que les prolétaires n’ont pas de patrie, que la lutte du prolétariat ne connait pas de frontière et que ses intérêts sont les mêmes dans tous les pays. En un temps où l’hystérie nationaliste prenait le dessus et dont une des expressions horribles fut le mot d’ordre stalinien « à chacun son boche » [3], ces militants trouvèrent encore la force de se battre contre, de faire œuvre de propagande et d’organiser concrètement dans les pires difficultés des actes de fraternisation en direction de soldats allemands cantonnés à Brest (en collaboration avec des militants trotskystes) [4] Aujourd’hui il est important de rappeler ces faits oubliés et que s’évertuent une fois de plus de recouvrir d’un voile de silence les adorateurs de la Résistance et autres lutteurs de l’antifascisme démocratique dont le rôle central fut de crédibiliser et renforcer l’Etat, fut de contraindre des prolétaires à abandonner toutes velléités de lutte autonome qui se concrétisait ici et là, plus ou moins fortement – Grèce, Italie, Balkans, France… ­et au final à devoir se retrousser les manches, subir une exploitation accrue pour reconstruire l’économie nationale.

Juin 2014

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Présentation des différents groupes et leurs publications – (Revu en avril 2016)

L’histoire des différents groupes révolutionnaires ayant eu un positionnement et une pratique internationaliste pendant la 2ème guerre mondiale en France [5] est complexe. Nous pouvons les présenter schématiquement ainsi :

1) Des militants qui sont issus de groupes trotskistes, comme ceux qui constituèrent les RKD (Revolutionäre Kommunisten Deutschlands – Communistes-Révolutionnaires d’Allemagne) en septembre 1939 et venant des RKÖ (Revolutionäre Kommunisten Österreichs – Communistes-Révolutionnaires d’Autriche). Puis en octobre 1944 ils participèrent à la création de l’OCR (Organisation Communiste Révolutionnaire).

2) Des militants qui vont constituer le GRP (Groupe Révolutionnaire Prolétarien) en 1942 qui se transformera en UCI (Union des Communistes Internationalistes) en 1944.

3) Des militants qui proviennent de la gauche italienne dans l’émigration, organisée autour de la revue Bilan (1933-1938), puis Octobre (1938-1939) qui s’organiseront en Fraction italienne de la Gauche communiste en 1944 et suite à des désaccords éclatera en 2 morceaux : d’une part la Fraction Française de la Gauche communiste qui publie l’Etincelle puis l’Internationaliste et d’autre part la Gauche Communiste de France qui publie Internationalisme et L’Etincelle. En Belgique, il y aura une Fraction Belge de la Gauche Communiste Internationale.

Après ce bref aperçu nous proposons aux lecteurs d’accéder directement aux différentes rubriques qui proposent autant un cadre historique, des documents numérisés que des mises en texte d’articles significatifs :


Brochures

  • Pierre Lanneret
    • Les internationalistes du « troisième camp » en France pendant la seconde guerre mondiale [6]
    • Internationalists in France during the second world war [7]
  • Hommage à Jeannine Morel (1921-1998) [8]
  • Madeleine Bossière, souvenirs… [9]
  • Souvenirs autour de Maxime Rubel avant et pendant la deuxième guerre mondiale, Roger Bossière

Notes :

[1] Comme on peut le lire dans les Cahiers Léon Trotski n° 23 à la page 106, disponible sur le site Marxist.Org. Ou encore dans le journal La Vérité n° 58 du 10 février 1944 qui titre : « Les drapeaux de l’Armée Rouge se joindront à nos drapeaux rouges ».

[2] Voir le texte Révolution et contre­révolution publié par le Prolétaire n° 2­-3, mars 1946.

[3] En octobre 1942, c’est le mot d’ordre central que l’on retrouve dans le journal France d’Abord : « tous debout et chacun son boche ». Cité dans Le Peuple Français n° 7.

[4] Voir la rubrique GRP/UCI où nous revenons en détail sur cette collaboration dans le point 4. Nous avons mis en ligne par ailleurs le journal Arbeiter und Soldat.

[5] Si au début de l’ouverture de cette rubrique – 2014 – nous nous sommes limités à l’activité de ces groupes en France, ce n’est évidemment pas par choix politique, mais en raison des documents en notre possession qui se limitait à ce pays. Puis par la suite nous avons pu mettre la main sur du matériel en langue italienne du Parti Communiste Internationaliste d’Italie, ce qui a donné une dimension plus large à la rubrique initiale. Si nous pouvions mettre à la disposition des lecteurs des documents de groupes internationalistes ayant eu des attitudes similaires, comme le MML (Marx-Lénine-Luxembourg Front) en Hollande ; comme l’Union des Communistes Internationalistes (KDEE) en Grèce, nous ferions de même. Il existe par ailleurs un groupe aux Etats-Unis qui s’est inscrit dans un même positionnement et qui publiait la revue Living Marxism.

[6] Editions Acratie, 1995, épuisé.

[7] D’abord la première version publiée à compte d’auteur sous le pseudonyme de Ernest Rayner en 1985, puis publiée par les éditions Phoenix Press, Londres en 1994, épuisé.

[8] Sous la direction de Paolo Casciola et Claudine Pelletier-Benmansour, Quaderni Pietro Tresso n° 15, janvier 1999.

[9] Bulletin n° 44 du CIRA-Marseille.

Une réflexion sur “– Internationalistes du 3e camp (1940-1952)

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