7 au Front

Une vision à contre-courant de la filière batterie au Canada

Peu de voix dissidentes à l’implantation d’une filière batterie se sont fait entendre depuis l’annonce du gouvernement…et pourtant. Le professeur en économie de l’Université du Québec à Trois-Rivières, Frédéric Laurin, jette un pavé dans la mare. Il s’est entretenu sur sa position à contre-courant avec Marie-Claude Julien à l’émission Toujours le matinCet article est disponible en anglais et en italien ici : Articles -anglais-italien-du 18 Decembre 2023

Frédéric Laurin est professeur d'économie à l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). (Archives)

Frédéric Laurin est professeur d’économie à l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR). (Archives)© Yoann Dénécé/Radio-Canada

Comment voyez-vous l’arrivée de la filière batterie dans la région?

On est dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, de pénurie d’électricité, de pénurie d’espaces industriels… On a des pénuries de logements, puis en contexte de pénurie, l’objectif d’une politique de développement économique, ce n’est pas de majoritairement créer de l’emploi… Donc là c’est qu’on amène des entreprises étrangères, des usines d’assemblage qui vont créer des milliers d’emplois, mais on manque d’employés…et les conditions de vie des employés sont précaires (NDÉ).

Quel sera l’impact de l’arrivée de ces grandes entreprises?

Ça va tuer notre base entrepreneuriale québécoise formée de PME nationale  et en particulier ici dans la région en Mauricie, au Centre-du-Québec, on est, les deux régions qui se sont le plus améliorées économiquement dans les cinq dernières années. Et ça, ce sont les PME qui ont porté cette croissance-là et donc on va soustraire de l’emploi dans nos PME qui ont fait bonne figure ces dernières années… Maintenant, on est sorti de la dévitalisation économique pour revenir dans un vieux modèle de développement économique basé sur de grandes entreprises. (De fait la croissance économique sous le capitalisme se déroule toujours de la même façon – une phase de développement de nouveaux marchés et d’innovation ou les PME foisonnent  – suivi d’une phase d’expansion monopolistique ou les multinationales milliardaires consolident leur emprise sur les marchés…quitte à détruire et/ou absorber la concurrence PME nationale (NDÉ)

Mais on nous dit qu’on souhaite amener de la nouvelle main-d’œuvre?

Oui, mais on pourrait aussi amener de nouvelles personnes chez nous, pour nos PME, à nous, parce qu’il y a 30 ans, on aurait tous été heureux… quand le taux de chômage était à 9 %, puis qu’on avait des surplus d’électricité, pas de problème d’espace industriel… Ce que je dis, c’est que la rentabilité la plus forte c’est de mettre de l’argent dans des entreprises d’abord qui innovent parce qu’il faut bien comprendre que ces usines-là il n’y aura pas d’innovation, ce sont des usines d’assemblage… les technologies ont été développées ailleurs, mais il y a beaucoup plus de retombées en matière de développement économique quand on finance des secteurs d’activité où il va avoir beaucoup d’innovations.

Mais il va y en avoir de l’innovation avec l’UQTR par exemple?

Oui, mais à la fine pointe d’une technologie qui a déjà été développée ailleurs, avec un siège social qui est ailleurs, c’est une usine d’assemblage… si on avait un centre de recherche et de développement comme ça arrive parce qu’à Montréal, ils reçoivent beaucoup de multinationales où il y a un bâtiment qui va créer de la recherche et du développement, là ça serait complètement différent comme histoire. Mais normalement, quand on accueille des entreprises comme ça, les clés de succès… c’est du développement régional.

Comment pourrait-on tirer profit de cette filière batterie? Le gouvernement a tout de même investi 9 milliards de dollars pour 3 usines transnationales?

Ce qu’il faut faire, c’est essayer de minimiser les conséquences négatives pour l’écosystème entrepreneurial du Québec, donc vraiment de travailler sur les pénuries de main-d’œuvre encore de façon plus marquée…faut bien comprendre que c’est une catastrophe pour les entreprises locales – nationales et multinationales. Les conséquences de la pénurie de main-d’œuvre, c’est pire qu’une récession. Les gouvernements nationaux doivent-ils se mettre au service des multinationales milliardaires ou au service des PME nationales? Les gouvernements bourgeois peuvent-ils l’éviter ??? (NDÉ)

Alors vous souhaitez quoi pour la région?

Moi, je commencerais par regarder c’est quoi les besoins de nos PME ici? De quoi elles [PME] ont besoin en temps normal pour se développer? Puis de quoi elles [PME] ont besoin pour répondre à la filière batterie? Parce que ce n’est pas vrai que les entreprises de technologie verte d’ici vont pouvoir servir la filière batterie parce qu’elles sont toutes dans des technologies différentes. Lorsqu’on pense à des panneaux solaires, qu’on pense à des bornes électriques, qu’on pense à des systèmes de recyclage, ça n’a rien à voir avec la batterie, mais ces entreprises ont besoin de développement, de soutien, notamment en matière d’innovation.

Vous avez l’impression qu’on accompagne mal nos PME actuellement, qu’on les a oubliées au profit des multinationales de la filière batterie?

La première chose, c’est que je veux qu’on porte de l’importance aux PME d’ici, partout au Québec, parce qu’elles ont des besoins… La deuxième chose c’est que je veux qu’on change notre modèle de développement. On ne peut plus avoir un modèle de développement en volume quand on a des pénuries, on a les entreprises, on manque d’emplois et on manque d’espace. On ne peut pas faire de l’expansion volume, il faut faire de l’expansion en valeur, donc travailler sur notre productivité, sur l’innovation, sur la qualité de notre produit, sur les caractéristiques de notre produit, sur le service à la clientèle. Et pour ça, on peut augmenter les prix ou choisir nos meilleurs clients plutôt que d’aller en volume. Il faut que le gouvernement du Québec s’adapte à cette nouvelle réalité.

Vous craignez quoi pour la région?

Ma crainte, c’est qu’on nous avait dit de nous diversifier économiquement…donc on avait toutes ces grandes entreprises qui ont fermé les portes les unes après les autres et donc on a réalisé cette diversification-là et ça a été difficile. Mais la Mauricie est la région qui s’est le plus améliorée économiquement dans les 5 dernières années et ça a été porté par des PME et donc ce que je ne voudrais pas, c’est qu’on revienne au vieux modèle. De dire que notre croissance va reposer sur de grandes entreprises étrangères  (la mondialisation inévitable NDÉ). Ce dont j’ai le plus peur c’est qu’on affaiblit l’écosystème de PME de la Mauricie et du Centre-du-Québec, c’est ça que j’ai peur, c’est ça qui est ma grande crainte.

Source: D’après une entrevue réalisée à l’émission Toujours le matin.  Une vision à contre-courant de la filière batterie (msn.com)

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

2 réflexions sur “Une vision à contre-courant de la filière batterie au Canada

  • Les choses sont simples, il me semble, mais cela risque de choquer les communistes : INTERDIRE l’implantation des supranationales PARTOUT, et pour cela il faut que les citoyens soient maîtres chez eux, dans leurs communes. Il faut se débarrasser totalement de la notion de PROFIT, de celle de développement pour revenir à un système où prime totalement la demande, et non l’offre. Ce qui inverse toute l’économie, puisque cela conduit à produire à la demande, avec juste un petit volant de stock d’urgence.
    Incidemment cela résout largement les besoins énergétiques, les gaspillages de ressources du sous-sol, cela abaisse le taux de pollution à un taux très bas, et ramène le chômage à un taux également très faible.
    Bien entendu, OUI, ben entendu, c’est un processus qui rend l’État quasi, ou totalement, inutile. Il suffit que, au gré des circonstances, des communes se concertent pour un projet collectif uniquement quand c’est nécessaire. Plus de grandes décisions dogmatiques imposées à l’échelle d’un continent.
    Bien entendu aussi, disparaissent pratiquement les banques qui vivent le plus souvent de ces Grands Projets souvent inutiles. C’est dire combien cela changerait les choses. Pratiquement terminée, la mondialisation ; définitivement terminée la globalisation.
    Alors, on y va ?

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