LE MAGE ET LA PORTEUSE DE BOIS — UNE HISTOIRE D’AMOUR (Claude Bolduc et Paul Laurendeau)
Tout au long de ce processus pictural
de plus d’une dizaine d’années
il m’a fallu faire parader
en mon imagination débridée
une panoplie
d’insolites et intemporels guignols.
(Claude Bolduc, postface de Le Mage et la porteuse de bois, p 136)
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Le canevas de l’existence est configuré comme un tarot. Merlin et Jézabel s’aiment. Or le cosmos et les familles résistent à cette séculaire et irrépressible pulsion. Les amoureux se lanceront donc dans une immense réinterprétation du déroulement de leur quête. Comme Alice, ils suivront un Lapin blanc. Et il en jaillira ce que le groupe musical Genesis appellera autrefois… une fleur. Voyages temporels, rencontres de personnages providentiels, lutte contre une dragonesse, immolation, mort et renaissance, les cartes du vieux tarot deviennent autant de tableaux et autant de chapitres de la plus atavique des entreprises humaines. Aimer.
Mi-humains mi-monstres, Jézabel et Merlin s’avancent hardiment dans un monde torve et intemporel, un dispositif universel gorgé de symboles et de métaphorisations zoomorphes et anthropomorphes. Entre eux, c’est l’inconditionnel Amour. Jézabel et Merlin œuvrent à se joindre mais un ensemble d’enjeux multidimensionnels perturbe, trouble et habite leur combat, puis leur quête. Leur cheminement fatal les confronte à des instances cruciales émanant, par pulsions, des héritages païens, mythologiques, christiques, démonologiques ou pop-modernes. Il y a aussi, fatalement, les familles et les belles-familles, parents, enfants, Dragonesse, Moine, Antéria, et autres figures symboliquement expiatoires. Aucune de ces figures tutélaires n’est ouvertement hostile mais la majorité d’entre elles est problématisée comme le seraient les forces mouvantes jonchant les étapes digressantes d’un cauchemar. Chaque figure crypto-mythique, découverte ou redécouverte, est cernée d’une camarilla complexe de personnages fourmillants et hauts en couleurs. Le tout de la chose est, de fait, picturalement éclatant, doit-on dire. Ce dense dispositif mytho-social, amplifié et métaphorisé, est multiple, polymorphe et, inexorablement, il dicte un cheminement où l’œil se prend et s’englue, si on ne le guide pas subtilement. Jézabel et Merlin vivent un tourment paradoxal de plus à chaque tableau, et cela se passe à chaque fois un peu comme le plus gros des tours qu’on leur jouerait. Au fil de ces rebondissements, ils survivront et s’aimeront. C’est dit. Nous le savons. Tant et si bien qu’il nous devient possible de les perdre un peu de vue, de temps en temps, et de se laisser enchanter par les mondes qui se déploient et surtout les anomalies qui les hantent. Suis-les bien.
Les arcanes sont de Claude Bolduc. Le picto-récit est de Paul Laurendeau.
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