La crise mondiale du secteur agricole – l’exemple français (dossier)

Par Robert Bibeau.

 

En quelques termes l’auteur de la vidéo ci-dessous résume le présent et l’avenir du secteur agricole dans tous les pays capitalistes.  Ces mots choisis pour décrire le « modèle » français sont : Concentration – monopolisation – fusion – financiarisation – spéculation – mécanisation – robotisation – rationalisation – rentabilisation – marchandisation et  mondialisation de l’agriculture industrielle française, européenne, occidentale et mondiale. Ce secteur économique subit le même sort que le reste de l’économie marchande moderne et mondialisé.  La voix paysanne a disparu depuis longtemps des champs et des prairies françaises et européennes…remplacée par les flux numériques transitant sur les marchés boursiers interconnectés.

Les petits propriétaires fonciers capitalistes agraires entonnent leur chant du cygne désespéré…alors que les prolétaires agricoles, de plus en plus nombreux sur ces immenses exploitations mécanisées, cherchent une voix parmi les décombres anthropiques, coincés entre les mythes du « retour à la paysannerie« , du « retour au lopin mystique« , du « retour au marché national protectionniste« , en avant pour le « Frexit » et  la sortie de l’Union Européenne honnie, en avant pour l’utopique « démondialisation« . Enfin, de la part des fascistes « verts » on entend « développons une agriculture industrielle de masse sans engrais, fertilisants, pesticides et herbicides« …et autres fadaises.

Ces stratégies de confinement agricole nationaliste sont irréalistes…dans un monde déjà très fortement mondialisé, numérisé, interconnecté, mécanisé, robotisé et massifié. Ne pas oublier que le secteur économique agricole et l’industrie agro-alimentaire doivent nourrir plus de 8 milliards d’individus. Le Grand capital international qui commande aux succursales nationales du capital gouvernemental ne laissera aucune force politique ou populiste s’opposer à ses plans de guerre généralisé, pas davantage à ses volets agraire, ou alimentaire, qu’à son volet militaire.

Que faire alors? Il est faux de prétendre que le Grand capital mondial – multinational et national français cherche à détruire le secteur agricole français, canadien, américain ou européen ! Au contraire, les contraintes que le Capital mondial impose aux marchés agricoles visent à rendre ces secteurs plus productif, plus performant, plus rentable, à son profit bien entendu. Pour atteindre ces objectifs l’agriculture doit se plier aux contraintes de : Concentration – monopolisation – fusion – financiarisation – spéculation – mécanisation – robotisation – rationalisation – rentabilisation – marchandisation et  mondialisation… quitte à jeter sur le pavé des milliers de petits capitalistes agraires et des milliers de travailleurs agricoles excédentaires.

Il est impossible de « réformer » ou d’améliorer le fonctionnement du capitalisme pour le bénéfice du peuple, des travailleurs agricoles et du prolétariat international. Pour survivre le prolétariat agricole et de l’agro-alimentaire comme celui de tous les secteurs de l’économie bourgeoise doivent renverser ce mode de production décadent et créer un nouveau mode de production.

En attendant, nous soutenons la révolte des petits agriculteurs en cours de paupérisation et de prolétarisation, et des ouvriers agricoles qui luttent pour la défense de leurs conditions de vie et de travail à la ferme et à l’usine, en France, au Canada, en Europe et dans le monde.




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Crise de l’agriculture, crise du système capitaliste et question paysanne

Depuis plusieurs semaines, et ce à une échelle européenne (Allemagne, Pays-Bas, Belgique, Roumanie, etc.), de nombreux agriculteurs manifestent. Même si les causes sont multiples, le mouvement est lancé et, en France, c’est dans un effort pour survivre que ces travailleurs manifestent.

Comme élément déclencheur, notamment, l’entreprise géante de la vente de lait, Lactalis, avait récemment annoncé vouloir baisser son prix d’achat du lait à 405 euros pour 1000 litres, alors que le coût de production des agriculteurs pour produire cette quantité est environ de 450 euros. D’un côté, de plus en plus de paysans et de paysannes ne vivent plus de leur travail. De l’autre, les prix de l’alimentation explosent et les salariés sont toujours plus nombreux à être en difficulté pour manger correctement.
Si les premières actions étaient plutôt pacifiques, comme retourner les panneaux des villages, le mouvement a pris un tournant dans la contestation. Partant de Toulouse et du sud-ouest en général, le mouvement s’est étendu dans le nord et l’est, et bientôt partout en France. Des villes comme Strasbourg, Rouen, Le Havre, Bordeaux, Poitiers, Grenoble, etc., ont vu se mettre en place de nombreuses actions coup de poing et blocages en tous genres.

C’est bel et bien contre l’exploitation et les monopoles que cette lutte se construit.

L’asphyxie généralisée que ressentent tous les travailleurs et travailleuses pousse les petits et moyens agriculteurs à la faillite, tout en renforçant de surcroît les géants de l’agriculture et de l’agroalimentaire. Tel est par exemple le cas d’Arnaud Rousseau, président de la FNSEA (Fédération Nationale des Syndicats d’Exploitants Agricoles) et surtout grand patron, propriétaire d’une exploitation de 700 hectares de terrains agricoles et directeur de l’entreprise Biogaz de Multien, une entreprise de méthanisation. Arnaud Rousseau prétend défendre les intérêts des petits agriculteurs, mais n’agit et ne lutte qu’en fonction des intérêts patronaux, et ce à travers l’escroquerie syndicale qu’est la FNSEA pour augmenter les profits par le lobbying.

Certaines actions interrogent : ainsi le 26 janvier des membres de la Coordination rurale ont pendu et éventré un sanglier devant l’Inspection du travail d’Agen. Ce qui n’est pas sans rappeler qu’un agriculteur tua deux inspecteurs du travail en septembre 2004 en Dordogne…

D’autres organisations comme la Confédération Paysanne, par certains aspects, expriment un but fondé sur les luttes sociales de l’ensemble des travailleurs et travailleuses, démontrant la nécessité de soutenir le mouvement tout en y combattant ceux qui tentent de le récupérer pour le camp de la réaction. Le nouveau gouvernement de bandits et de menteurs de M. Attal a annoncé des mesures, dont 400 millions d’euros, qui ne changeront rien durablement à la situation de la paysannerie.

Le capitalisme ruine les petites exploitations.

La propagande bourgeoise a su faire peur à la paysannerie en présentant les « partageux », les collectivistes comme les ennemis et fossoyeurs de la petite exploitation agricole. La réalité atteste que c’est le développement capitaliste lui-même qui ruine les petits paysans et concentre toujours plus les terres au profit d’une poignée de grands propriétaires fonciers. La paysannerie ne constitue pas une classe ni une couche sociale homogène puisqu’elle se divise en ouvriers agricoles (prolétariat), paysans-travailleurs (paysan et ouvrier d’usine), petits propriétaires (petits-bourgeois) et grands capitalistes agraires.

Longtemps la France fut un pays de petites exploitations, et c’est avec retard et donc brutalité que le processus de concentration s’est accéléré.
En 1945, il y avait encore 10 millions d’agriculteurs, aujourd’hui (chiffres 2020) ils sont moins de 390 000 (-100000 en 10 ans) ! La taille moyenne des exploitations est passée en 10 ans à 69 hectares (+14hect). En 50 ans, l’érosion démographique a touché les agriculteurs, y compris les moins de 50 ans, dont le nombre a été divisé par 4,5 (de 738 000 à 164 000), et à peine 20% des agriculteurs ont moins de 40 ans. Les femmes représentent 26,2% des exploitant-e-s agricoles. Cette politique capitaliste de concentration a été soutenue, multipliée par le plan Marshall (1947) puis par la construction impérialiste de l’Europe. Cette politique a été de pousser à l’agriculture intensive avec de hauts rendements en ayant recours aux emprunts, aux engrais et pesticides, à la spécialisation régionale, ce qui ruinait au fur et à mesure les entreprises familiales affaiblies par les dettes et la concurrence des gros agrariens.

L’UE, dès sa création, fixa une « politique agricole commune » (PAC) qui, à coups de quotas de production et de « subventions », va parachever le développement monopoliste à la campagne. La stratégie de Bruxelles et la politique des divers gouvernements capitalistes vont entraîner la plus massive suppression d’emplois, la paupérisation absolue de ceux qui gardent leur terre, la désertification de certaines zones rurales. Les conséquences sont aussi la différenciation toujours plus accentuée de la paysannerie, la polarisation sociale entre petites exploitations et grandes exploitations agro-industrielles et la ruine de nombreux agriculteurs. En 30 ans, 60% des exploitations de moins de 20 hectares ont disparu ! Sous couvert de « remembrement », la loi concurrentielle capitaliste a permis aux gros agrariens de s’emparer des terres de ceux qui étaient endettés et conduits à la liquidation de leur exploitation.

Ouvriers/paysans tous unis !

Les communistes-révolutionnaires, pour fixer les nécessaires alliances de classes, partent de la différenciation survenue à la campagne, ils sont les défenseurs du prolétariat agricole et de la petite exploitation et s’opposent au capitalisme agraire. Dans le domaine agricole, les médias également obscurcissent la réalité et relaient les orientations de la FNSEA qui subordonnent la petite paysannerie aux intérêts des grandes firmes comme Nestlé, Lactalis, Danone, Sodiaal, Aventis et des agro-capitalistes. Ces derniers ont besoin de faire payer leurs investissements à l’ensemble des travailleurs, la PAC s’est traduite par une politique « d’aides » et de « subventions » qui conduisent à la paupérisation et à la ruine des petits agriculteurs. 50 % des subventions vont seulement à 5 % des exploitations alors que 50 % des fermes ne produisent que 5 % du total des revenus agricoles.

Certains « marxistes » (influence du trotskisme) affirment que la question paysanne a perdu de son importance, qu’il faut laisser faire le capitalisme qui liquide une couche sociale hostile dans le passé, au socialisme. C’est oublier qu’au XXème siècle, la petite paysannerie s’est alliée à la classe ouvrière, qu’on se souvienne d’Octobre 17 ou de la résistance armée antifasciste ! L’agriculture est un secteur fondamental d’activité qui touche au domaine de l’agro-alimentaire qui conditionne notre quotidien. De plus, la paysannerie laborieuse a acquis une grande combativité et une expérience de luttes. Marxistes-léninistes, nous appelons la classe ouvrière à soutenir les revendications sociales de la petite paysannerie représentée par le MODEF (Mouvement de défense des exploitants familiaux) et la Confédération paysanne dans une certaine mesure.

L’unité ouvriers/paysans se forge par le combat contre l’UE, ses diktats et ses « quotas », UE qui conduit à la liquidation de la pêche, de la viticulture, à la programmation de la suppression de milliers de petites exploitations, à la mal-bouffe.

Nous soutenons le combat des petits paysans contre l’agriculture intensive qui engendre des profits fabuleux aux monopolistes de la ville et de la campagne ; en menaçant la santé publique à coups d’engrais et de produits chimiques ; contre les quotas qui entraînent l’appauvrissement des producteurs et les gaspillages et destructions.

Contre tous ces méfaits, nous devons nous unir pour imposer des reculs à la politique agraire du capital, des intermédiaires et grandes chaînes de magasins !

Le PCRF se bat pour faire grandir le mot d’ordre d’annulation des dettes des petites exploitations, pour favoriser la vente directe par les petits producteurs. Ce sont là des mesures immédiates, mais qui ne garantissent pas l’avenir. Ce dernier ne réside pas dans le capitalisme qui est aussi l’ennemi des paysans, mais dans le socialisme qui, en nationalisant la terre permettra la planification et supprimera la rente foncière, la grande propriété capitaliste, et donnera les terres à l’ensemble des petits paysans dans des coopératives de production ou socialistes assurant la pérennité des emplois, une agriculture de qualité et permettant l’utilisation gratuite des machines produites par la classe ouvrière.

Ouvriers, paysans, tous unis dans la lutte pour le socialisme !

La nationalisation de la Banque de France garantira grâce à la révolution socialiste son indépendance vis-à-vis de la BCE. Les banques et organisme de crédits démocratisés assureront les cultures et le cheptel contre les catastrophes climatiques, les forces destructrices de la nature, les épizooties et autres dégâts etc., lesquels seront pris en charge socialement par la société.

Notre Parti est pour engager une politique de socialisation, de développement de coopératives, de mise en commun des moyens, des matériels, machines agricoles, etc. afin de mieux travailler. Des aides publiques leur seront accordées. Ces moyens collectifs qui vont de pair avec une politique de réindustrialisation (machines, engins agricoles…) seront d’un bien moindre coût pour les agriculteurs que s’ils devaient s’en rendre eux-mêmes acquéreurs. Des bonus encourageront les paysans à adhérer à des coopératives agricoles (pôles agricoles démocratiques), car le travail collectif est bien plus rentable, moins pénible, moins coûteux.

Chaque agriculteur, éleveur, paysan, aura droit aux vacances et au repos par l’organisation de ceux-ci et à cette fin, de même qu’une meilleure assurance santé et maladie.

Une planification centralisée et démocratique de la production par la socialisation de la très grande propriété foncière sera mise en œuvre. La terre reviendra dans ces très grandes propriétés foncières à celles et ceux qui la travaillent, la font fructifier collectivement. Chaque année en France, environ 1million de salariés agricoles et 200 000 ouvriers agricoles travaillent la terre.

Nous devons nous battre contre la bureaucratie bourgeoise, plus tatillonne qu’utile et efficace et y compris après la révolution prolétarienne contre les tendances bureaucratiques de l’État socialiste. Les circuits courts doivent être privilégiés pour les producteurs de fruits et légumes et les éleveurs.

L’agriculture, c’est d’abord la nature maîtrisée par l’homme. Celles et ceux qui travaillent la terre savent qu’il y a interdépendance entre les cultures, les élevages, les paysages. Cette nature, nous y vivons tous ensemble. Les catastrophes climatiques telles que les inondations seront prises en compte afin d’en limiter ou supprimer les conséquences tant sur la population que sur les terres agricoles. Les digues et retenues d’eau seront rénovées ou construites et entretenues selon des techniques et matériaux les plus modernes de même que les fossés et rivières.
Toutes et tous, nous devons faire nôtres ces questions essentielles du développement de l’aménagement de notre territoire et nous ne devons rien céder aux décideurs aux services de l’oligarchie financière capitaliste.

Le développement agricole va de pair avec l’exploitation scientifique de la forêt, exploitation rationnelle bridée par la propriété privée des parcelles.

De même les agriculteurs, éleveurs ne seront pas seuls comme aujourd’hui face aux grand groupes monopolistes de la chimie, des semences, de l’agro-alimentaire etc. (Monsanto-Bayer, Danone, Lactalis, Mérial etc). Nous sommes pour un processus démocratique de nationalisation sans indemnisation (et avec contrôle de la population) de ces monopoles vitaux pour le pays.

Ces développements harmonieux nécessaires, les agriculteurs, éleveurs le feront dans le respect de la nature qu’ils connaissent bien. Empoisonner la terre, l’eau, les animaux et les humains ne fait pas partie de l’esprit paysan. Produisons localement ce dont nous avons besoin, grâce aux progrès des sciences et des techniques, freinés ou détournés par le capitalisme, nous produirons plus, respectueux de la nature et des ressources naturelles, et ainsi nous combattrons le chômage, la précarité qui gangrènent notre pays.

Nos propositions et axes de lutte, sont impossibles sans que les paysans et ouvriers « tous ensemble » soient mobilisés massivement. Les paysans ont un pouvoir de lutte et de rapport de force de premier plan. Dans un processus révolutionnaire, les masses en lutte par leur créativité pourront par exemple initier la mise en place de comité ruraux démocratiques, tout comme dans les villes des comités de quartiers, avec pouvoir budgétaire. Seule la lutte de la paysannerie et du prolétariat unis, organisée avec un Parti communiste révolutionnaire contre la bourgeoisie et son État, nous libérera de l’exploitation capitaliste.

Source: Crise de l’agriculture, crise du système capitaliste et question paysanne – Parti Communiste Révolutionnaire de France (pcrf-ic.fr)


 

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

Une réflexion sur “La crise mondiale du secteur agricole – l’exemple français (dossier)

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