Le point sur la guerre par procuration en Ukraine

L’interview de Syrski – Mobilisation – Coupure de l’énergie


Par Moon of Alabama − Le 29 mars 2024

Le général Syrski, commandant en chef de l’armée ukrainienne, a donné une interview à un média ukrainien.

Sa description de la guerre semble bien optimiste :

La situation sur le front est vraiment difficile. Cependant, il ne peut en être autrement sur le front. Il ne fait aucun doute que chaque jour exige un effort maximal de la part de nos soldats et de nos officiers. Mais nous ne sommes pas seulement sur la défensive, nous avançons aussi dans des directions différentes chaque jour. Récemment, le nombre de positions que nous avons récupérées est supérieur au nombre de positions perdues. L’ennemi n’a pas réussi à progresser de manière significative dans les zones stratégiques, et ses gains territoriaux, s’il y en a, sont d’une importance tactique. Nous surveillons cette situation.

 

Les différentes personnes qui cartographient les lignes de front semblent ne pas être d’accord avec lui.

1er février 2024

29 mars 2024

Encore du Syrski :

L’expérience des derniers mois et des dernières semaines montre que l’ennemi a considérablement augmenté l’activité de ses avions, utilisant des FAB – des bombes aériennes guidées qui détruisent nos positions. En outre, l’ennemi a recours à des tirs denses d’artillerie et de mortier. Il y a quelques jours, l’avantage de l’ennemi en termes de munitions était d’environ six contre un.

Cependant, nous avons appris à nous battre non pas en fonction de la quantité de munitions, mais en fonction de l’habileté avec laquelle nous utilisons les armes dont nous disposons. En outre, nous tirons le meilleur parti des avantages des véhicules aériens sans pilote, bien que l’ennemi essaie de nous rattraper avec cette arme efficace.

Avec un avantage d’artillerie de 6 contre 1, la qualité des artilleurs n’a pas vraiment d’importance. Le camp qui a le plus de tirs l’emporte évidemment. La suprématie des drones ukrainiens est également très douteuse.

Les chiffres sont cependant encore pires :

Il est clair qu’il s’agit de statistiques, mais il est important de savoir qu’au cours des seuls mois de février et mars de cette année (au 26 mars), l’ennemi a perdu plus de 570 chars, environ 1 430 véhicules blindés de combat, près de 1 680 pièces d’artillerie et 64 systèmes de défense antiaérienne. Dans le même temps, les forces de défense ukrainiennes continuent de contrôler les hauteurs et les zones de défense clés. Notre objectif est d’empêcher la perte de notre territoire, d’épuiser l’ennemi autant que possible, de lui infliger les pertes les plus importantes, et de former et préparer des réserves pour des opérations offensives.

Il est également très significatif que l’activité aérienne de l’ennemi ait été réduite, bien sûr, grâce aux compétences de nos unités de défense aérienne. En seulement dix jours en février, elles ont abattu 13 avions ennemis, dont deux avions d’alerte précoce et de contrôle A50 d’une importance stratégique.

Depuis le 1er février 2024, le ministère russe de la défense a revendiqué la destruction de 202 chars ukrainiens, 550 véhicules de combat blindés ukrainiens et 686 pièces d’artillerie ukrainiennes. Syrski affirme que les pertes russes sont deux à trois fois plus élevées ? Je doute plus que sérieusement que ses chiffres soient exacts. Un commandant ne devrait pas tromper ses troupes de la sorte.

En ce qui concerne les avions, seul un A-50 a probablement été abattu et deux autres avions semblent avoir été des pertes confirmées. En fait, les chiffres de février ont été largement moqués et l’armée de l’air ukrainienne a depuis cessé d’émettre de telles affirmations.

Syrski a été aussi interrogé sur l’actuel sujet brulant de la politique ukrainienne :

Q : Des rapports antérieurs indiquaient que 500 000 personnes supplémentaires devaient être mobilisées pour maintenir la capacité de combat et assurer la rotation des unités et des formations des forces armées ukrainiennes sur le front. Dans quelle mesure ce chiffre est-il réaliste aujourd’hui ?

R : À la suite de la révision de nos ressources internes et de la clarification de la composition des forces armées au combat, ce chiffre a été considérablement réduit. Nous espérons que nous aurons suffisamment de personnes capables de défendre leur patrie. Je ne parle pas seulement des mobilisés, mais aussi des combattants volontaires.

Quelle que soit l’ampleur de la réduction du nombre d’hommes nécessaires, les chances de persuader suffisamment d’Ukrainiens que leur service et leur vie sont nécessaires pour sauver le pays sont proches de zéro.

Ivan Katchanovski @I_Katchanovski – 15:43 UTC – 28 mars 2024

Cela suggère que plus d’un million d’hommes en Ukraine sont recherchés par la police pour avoir échappé à l’appel sous les drapeaux, avant même l’entrée en vigueur de la nouvelle loi de mobilisation drastique : « Dans la région de Poltava, environ 30 000 personnes ne se sont pas présentées aux départements du TCC et du SP. Le TCC a lancé un appel à la police pour qu’elle livre ces personnes au commissariat militaire. Et environ 40 000 hommes sont recherchés pour les mêmes raisons dans la région d’Ivano-Frankivsk ».

https://www.pravda.com.ua/news/…

Le contrat social en Ukraine prévoit que les personnes au pouvoir sont autorisées à piller tant qu’elles ne dérangent pas ceux qui sont en dessous d’elles. Ce n’est pas une société qui permet d’enrôler des personnes pour des objectifs qui ne sont soutenus que par une minorité de la population. Sur six avis de conscription envoyés, un seul reçoit une réponse. La nouvelle loi sur la conscription qui s’insinue lentement dans les procédures parlementaires n’y changera rien.

On notera que The Economist rejette la responsabilité de cette situation sur Zelenski :

Mais en Ukraine, les tentatives de recrutement sont toujours coincées dans les méandres du processus démocratique ; plus de 1 000 amendements auraient été déposés au Parlement sur un projet de loi qui donnerait au gouvernement une plus grande marge de manœuvre pour constituer l’armée dont il a besoin. À court d’argent et craignant l’impopularité, le président Volodymyr Zelensky n’a pas fait assez d’efforts pour obtenir ce qu’il voulait.

Le projet de loi a fait l’objet de plus de 6 000 amendements, dont 4 300 ont été examinés par la commission et d’autres sont à venir. Il faudra encore des mois avant que cette loi ne soit promulguée. Il est probable qu’elle n’aura que peu d’effet.

Le gouvernement ukrainien a annoncé qu’à l’avenir, le pays produirait lui-même les armes dont il a besoin pour la guerre. La Russie a réagi en lançant une nouvelle campagne visant à mettre hors tension les régions ukrainiennes qui comptent le plus d’installations industrielles :

L’Ukraine a déclaré vendredi qu’elle avait imposé des coupures d’électricité d’urgence dans trois régions après que la Russie a tiré des dizaines de missiles et de drones sur ses centrales électriques au cours de la nuit.

Moscou a intensifié ses bombardements aériens sur l’Ukraine ces dernières semaines, ciblant les infrastructures énergétiques en réponse aux assauts meurtriers de l’Ukraine sur les régions frontalières de la Russie.

L’opérateur du réseau national Ukrenergo a déclaré que son centre de répartition avait été “contraint d’appliquer des programmes de coupure d’urgence dans les régions de Dnipropetrovsk, Zaporizhzhia et Kirovograd jusqu’à la soirée“.

Des restrictions étaient déjà en place dans les grandes villes de Kharkiv et de Kryvyi Rih à la suite d’une frappe russe la semaine dernière.

Il ne reste que quelques systèmes de défense aérienne en Ukraine. Ils sont nécessaires pour couvrir le front, protéger les installations énergétiques et les centres politiques. Actuellement, ils ne peuvent faire ni l’un ni l’autre. Même si les États-Unis reprenaient leur soutien à l’Ukraine, il n’y aurait pas assez de systèmes disponibles pour couvrir l’Ukraine.

Des rumeurs font état d’une grande offensive russe à venir. Je n’y crois pas encore. Il reste suffisamment d’éléments de l’armée ukrainienne pour poursuivre le lent processus de broyage qui en a déjà éliminé une grande partie.

Moon of Alabama

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

3 réflexions sur “Le point sur la guerre par procuration en Ukraine

  • 4 avril 2024 à 13 h 34 min
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    Ce qu’ils essaient de nous dire, c’est que comme les choses sont tellement cuites pour eux, ils sont en recherche de deux facteurs essentiels à l’espoir qu’ils ont de voir survivre un lopin de terre entre leurs mains, qu’ils continueraient d’appeler. Ukraine.
    D’abord pour ça, il faudrait un élargissement géographique au conflit donc, sa mondialisation plutôt que sa limitation dans l’espace euro-atlantique, ensuite, c’est l’effet temporel qui devrait s’imposer à leurs alliés, une guerre éclair plutôt qu’une guerre longue à laquelle rien d’eux ne survivrait quoi qu’on fasse.
    Parce que leurs alliés, comme eux, pour diverses raisons chacun, sont dans l’incapacité matérielle de mobiliser et, comme ni les uns ni les autres n’ont d’objectifs militaires fixés à atteindre, qu’ils n’ont actuellement plus de moyens politiques et pour impliquer plus fortement les soutiens ukrainiens, que d’arriver par des négociations avec la Russie, où celle-ci ne ferait pas perdre totalement la face à l’occident, l’option actuelle est de construire un bloc défensif constituant une dissuasion pour que l’armée russe n’aille pas au-delà des frontières de l’Ukraine quand elle aura fini de digérer celle-ci à la fin de l’été.

    Les États-Unis avec les enseignements qu’ils tirent en mer Rouge, savent très bien dorénavant que même eux ne peuvent pas mener une guerre sur deux océans, alors encore moins sur quatre voire cinq, avec comme ennemis, la Russie, la Chine, l’Iran et la Corée du Nord au minimum.
    Leur totale destruction est assurée là.
    Sur la Russie elle-même, en dépit des simagrées, aucune déclaration de guerre formelle n’étant obligatoire de nos jours, il n’existera pas dans sa périphérie, de forces militaires suffisamment puissantes et conséquentes en aérien comme en terrestre susceptibles de constituer une vraie menace sur son existence, ce qui veut dire, qu’il va falloir céder à un moment ou un autre, soit capituler devant elle, qui, c’est là toute la question.
    Il semblerait que ce rôle d’ampoulé, Macron soit potentiellement prêt à le faire supporter à notre pays.
    Cela aurait un tel effet dévastateur sur le moral des citoyens que beaucoup de choses pourraient leur être faîtes avant qu’ils n’aient compris et soient en capacité de réagir.
    Effectivement, depuis Crocus, nous ne sommes plus dans la même guerre.
    Et, il serait quand même fortement intéressant de se questionner à savoir, si cette opération de pieds nickelés captagonnés et meurtriers en Russie, n’étaient pas surtout une manière de piéger cette grande gueule de Macron, envoyée au front contre Poutine, pour au final devenir son bouc émissaire pratique, forcé par ses partenaires à s’humilier devant lui.

    Je trouve tellement bêtes ses références à Napoléon et d’autres époques guerrières alors que nous sommes à un moment dans notre histoire, où les guerriers ne voient jamais leurs ennemis ni d’où arrive et quand arrive leur mort, que certains devraient commencer à comprendre, eh bien que, si ça coince trop longtemps de laisser gagner la Russie, tout va se terminer en quelques minutes pour de nombreux millions de gens.

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