7 au Front

Niger 1/2 : Un an après le coup d’État du 26 juillet 2023

RENÉ NABA — Ce texte est publié en partenariat avec www.madaniya.info.

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Le coup d’État du 26 juillet 2023, un coup de grâce à la présence outrageusement insolente de la France en Afrique.

Interview René Naba au journal «Le relais du Bougouni» Mali, partenaire du site https://www.madaniya.info/


Signe prémonitoire, la perte du pré carré français en Afrique, l’été 1023, portait en germes la déconfiture de la classe politique française aux élections européennes de juin 2024 avec le triomphe de l’extrême droite française et l’effondrement des grands partis politiques traditionnels qui ont co-géré la Vème République française depuis 1958.

Retour sur cette séquence calamiteuse avec Un président post gaulliste affairiste, condamné par la justice de son pays, Nicolas Sarkozy; Un socialo motoriste davantage préoccupé par sa vie amoureuse nocturne alors que son pays était engagé dans deux guerres en Afrique et en Syrie, François Hollande, et un troisième qui se proclamait Jupiter de France et s’est révélé un balnéaire du Touquet hors sol, Emmanuel Macron


Niger et Gabon ont constitué un été meurtrier pour la France et sonné le glas de la présence française en Afrique. La débandade française dans son pré carré pose en filigrane la question du bien-fondé du maintien à la France de la qualité de membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies.

  • L’épouvantail russe brandi par la propagande occidentale est un faux prétexte. La plupart des putschistes africains ont été formés dans les académies militaires occidentales
  • Il n’appartient pas au tiers monde arabo-africain de soutenir le train de vie de l’élite politico-médiatique française et ses vacances paradisiaques, sur le budget du contribuable des peuples affamés.

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Le Niger, nouvelle ligne de défense de l’Occident au Sahel ?

Le Relais du Bougouni : Quelle est votre analyse sur les coups d’État au Mali, en Guinée, au Burkina Faso et au Niger ?

Réponse René Naba : Epilogue d’un bras de fer de deux mois, La France, sous la contrainte, a finalement cédé aux exigences du Niger et a décidé de retirer, et son ambassadeur Sylvain Itté et les 1.500 soldats français stationnés dans ce pays.

Soucieux de masquer ce camouflet diplomatique et militaire majeur, le président Emmanuel Macron en a fait l’annonce le 24 septembre 2023 au terme d’une semaine de grande intensité diplomatique marquée par la double visite du Roi Charles III en France et du Pape François à Marseille.

Toujours dans le souci de masquer son nouveau revers diplomatique, le retrait des premiers détachements français du Niger est intervenu dans la foulée de l’offensive palestinienne contre Israël, le 7 octobre 2023, alors que la planète médiatique bruissait du coup de massue asséné à Israël par le Hamas, la formation paramilitaire islamiste palestinienne depuis Gaza.

Pourquoi un tel revirement ? Très simplement parce que le Niger et le Gabon ont constitué un été meurtrier pour la France, et sonné, en 2023, la fin de la présence française en Afrique. Les bruits de bottes de la CEDEAO (Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest), attisés par les coups de menton du Jupiter de France paraissent avoir réduit leur volume sonore, sans doute en raison de la défection de l’allié américain et des faibles capacités tant de l’ancienne Métropole que de ce groupement économique africain disparate.

L’édifice était délabré et lézardé. La relation franco-africaine se consumait, lentement mais sûrement, mais les politiciens et journalistes français regardaient ailleurs. Ou plutôt se gargarisaient de belles paroles en admirant leur nombril. Dans le cas particulier du Niger, ce nouvel avatar français en Afrique interroge sur les capacités du renseignement français, déjà plombé par l’échec au Mali.

Dix ans exactement après le lancement de l’opération Serval au Mali, l’armée française est chassée de tous les pays où elle s’était installée pour combattre les insurrections djihadistes.

Au Mali, puis au Burkina Faso et désormais au Niger, des officiers ont renversé des présidents élus, mobilisant une rhétorique souverainiste et instrumentalisant le ressentiment contre l’ancienne puissance coloniale.

Les gouvernements de transition du Mali, du Burkina Faso et du Niger ont signé, le 16 septembre 2023, une charte établissant une alliance défensive, l’«Alliance des États du Sahel» (AES), prélude à ce qui pourrait constituer un «Front de refus» anti occidental dans l’Afrique francophone. Les trois pays se proposent de créer une «confédération», antidote à la balkanisation du continent africain.

Effet retard d’une décolonisation formelle corsetée par l’ancienne puissance coloniale par deux instruments corrosifs – la Françafrique et le France CFA – le basculement dans le camp anti français de la majeure partie de l’Afrique Occidentale Française (AOF) -le fameux pré-carré- met en péril la posture internationale de la France en ce que cette débandade pose en filigrane la question du bien-fondé du maintien à la France de la qualité de membre permanent du Conseil de Sécurité des Nations Unies, alors que tout un continent l’Afrique n’en dispose pas.

Pas plus que l’Inde, un état continent, première puissance démographique planétaire, soit une population 20 fois supérieure à celle de la France, de surcroît puissance atomique et 4ème puissance économique, supplantant la France dans la hiérarchie des puissances tant au niveau économique que militaire. Pis : Le retrait français du Niger, deux ans après le départ des Américains d’Afghanistan, reflète un repli occidental non seulement militaire mais aussi politique et diplomatique.

Fait sans pareil depuis six siècles, les nouvelles générations africaines, particulièrement les générations de la décennie 2010 et au-delà, ont vu le jour dans des pays africains indépendants d’un continent indépendant, nullement conditionnées par les rapports séculiers de servitude coloniale de leurs aînés, et, pour ce qui concerne l’Afrique francophone, du corset de la Françafrique et du nazisme monétaire du Franc CFA, pleinement engagées dans la revendication contestataire.

L’Occident, particulièrement l’Europe, a trop tardé à modifier son logiciel dans son approche d’un continent dont le président français Nicolas Sarkozy affirmait, péremptoire, encore il y a moins d’une décennie, qu’il n’était «pas encore entré dans l’Histoire».  Cinquante pour cent (50) des francophones vivent en Afrique, avec une projection de 85 pour cent en 2060. De quoi tenir la dragée haute à leur ancienne puissance coloniale ainsi qu’à ses alliés occidentaux.

Désarçonnée par le coup du Niger, la France, soucieuse de se maintenir dans le peloton de tête des grandes puissances, s’est invitée au sommet du BRICS à Johannesburg, fin août 2023, mais s’est heurtée à une fin de non-recevoir, indice de son déclassement progressif tant de l’Afrique qu’au sein de la hiérarchie mondiale des puissances.

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Les divergences entre les Etats Unis et la France à propos du Niger.

Les tergiversations de la CEDEAO quant à l’opportunité d’une intervention militaire au Niger pour rétablir l’ordre constitutionnel, hors mandat de l’ONU, a reflété, en fait, les divergences entre la France et les Etats Unis, nouveau venu dans cette ancienne chasse gardée française.

Toutefois, le Niger a dénoncé le 16 Mars 2024, l’accord de coopération militaire passé avec Washington en 2012, affirmant que la présence américaine était « illégale ». Le camouflet infligé à Washington par la junte au pouvoir à Niamey marque la volonté d’un véritable retournement d’alliance, le Niger étant désormais un allié de Moscou. Avec le basculement du Niger, la Russie dispose, avec la Centrafrique, le Mali, le Burkina Faso, le Niger, et le Soudan et sans compter les zones de l’Est libyen contrôlées par son allié le maréchal Haftar, d’un nouveau relais dans un pays d’émigration, au surplus, un Etat pivot.  Le premier contingent russe de l’Africa Corps a atterri le 12 avril 2024 à Niamey, signant là même la nouvelle coopération russe nigérienne.

Le départ des troupes américaines du Niger, exigé par la junte militaire au pouvoir, confirme une tendance lourde d’éviction des Occidentaux, qui prend leur place au Sahel.

Les Etats Unis disposaient en effet à Agadez, la plus importante ville du nord du Niger, d’une base de drone, l’Air Base 201, qui fait office de pivot de l’armée américaine pour le Sahel, un point clé dans ses efforts de renseignement, de surveillance et de sécurisation des Occidentaux pour  l’ensemble de l’Afrique du Nord et de l’Ouest. Épilogue de la valse-hésitation, la CEDEAO a subi un camouflet majeur avec le refus de l’Union Africaine de cautionner une intervention militaire au Niger.

Dans l’optique des stratèges occidentaux, le Niger paraissait devoir être la nouvelle ligne de défense de l’Occident au Sahel où les troupes françaises viennent en complément de la base aérienne américaine. L’Air Base 201 est équipé d’une palanquée de drones dont les redoutables MQ-9 Reapers, et protégée par des clôtures, des barrières, des miradors et des chiens de combat.

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L’épouvantail russe

L’épouvantail russe brandi par la propagande occidentale est un faux prétexte destiné à masquer le fait que la plupart des putschistes ont été formés dans les académies militaires occidentales ou étaient en rapport avec les armées de l’OTAN : La France, il est vrai, n’est pas seule en cause.

Outre l’Union européenne, les Etats-Unis ont par exemple fourni des formations aux militaires qui ont pris le pouvoir au Mali (Amadou Haya Sanogo en 2012 et Assimi Goïta en 2021),  en Guinée (Mamadi Doumbouya en 2021) et au Burkina Faso (Paul-Henri Damiba et Ibrahim Traoré en 2022). A Bamako, Assimi Goïta et Lassine Togola, commandant par intérim du bataillon autonome des forces spéciales, récemment sanctionné par Washington, avaient ainsi participé en 2019 et 2020 à l’exercice «Flintock» que les Américains organisent chaque année pour renforcer les capacités opérationnelles et antiterroristes de leurs alliés en Afrique.

Coïncidant avec le sommet Russie Afrique, fin juillet 2023, de Saint Pétersbourg, à un mois du sommet du BRICS, fin août, de Johannesburg, le putsch du Niger a plongé dans une extrême nervosité les pays occidentaux qui redoutaient un basculement du pré-carré français en Afrique dans le camp hostile aux anciens colonisateurs occidentaux. Mais le coup d’état du Gabon, un mois plus tard, en août 2023, en mettant fin à 56 ans de pouvoir du clan Bongo, a donné le coup de grâce à toute velléité d’intervention militaire de la CEDEAO au Niger, en même temps qu’il sonnait le glas de la présence française en Afrique.

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De l’incohérence française : Le cas de la famille Deby au Tchad et la famille Bongo au Gabon.

La présence d’Emmanuel Macron aux obsèques d’Idriss Déby Itno, au Tchad, en 2021, assis au côté de son fils et successeur, le général Mahamat Idriss Déby, a été perçue par les opinions africaines comme l’adoubement d’une transition familiale hors de toute légalité constitutionnelle.

La France s’est en revanche montrée inflexible face aux juntes au Mali, au Burkina Faso ou plus récemment au Niger, en refusant de reconnaître les nouvelles autorités militaires de ce pays, relève un rapport parlementaire français consacré aux déboires français en Afrique.

Une attitude qui rend, selon les auteurs du rapport, les députés Bruno Fuchs (Mouvement Démocrate -Modem) et Michèle Tabarot (Les Républicains-LR), la doctrine française illisible. «Ne pas mettre fin à cette politique du double standard, c’est continuer à nourrir le scepticisme et le rejet, et à alimenter le fantasme d’un agenda français caché», notent-ils.

De même, le Gabon a constitué un autre bel exemple de l’incohérence française : Les Bongo, par exemple, ont régné sur le Gabon depuis 1967 , un Etat qui héberge une partie de la mafia corse et où le pétrolier français Total exploite de précieux gisements depuis le début du XXe siècle (le groupe est aussi présent dans 40 autres pays africains); Quant aux frasques nombreuses de la famille Bongo, elles ont toujours été tolérées par les gouvernements français alors que des présidents démocratiquement élus étaient rappelés à l’ordre au nom de la lutte contre la corruption: le système des deux poids deux mesures a eu des effets catastrophiques en Afrique.

Quatre-vingt et une (81) entreprises françaises sont présentes au Gabon, L’acteur le plus stratégique est ERAMET, qui extrait, transforme et exporte du manganèse. Ce minerai figure parmi les vingt-trois matières premières critiques identifiées par la Commission européenne. Longtemps symbole de la «Françafrique», le Gabon n’a pas le poids économique de sa réputation politique.

Les prochains pays africains à tomber dans l’escarcelle de leurs militaires respectifs pourraient être le Bénin et le Togo, deux pays de plus en plus affectés par le terrorisme, de même que le Congo Brazzaville, où Denis Sassou Nguessou est au pouvoir depuis 20 ans, et le Cameroun, dirigé par Paul Biya depuis 41 ans.

La Gabegie, la corruption, le népotisme, l’impuissance à juguler les problèmes et les dangers, la connivence occidentale à l’égard de ce laxisme ont été de puissants ingrédients à une situation explosive et incité les pays africains à une fuite en avant dans la recherche d’une solution autoritariste aux problèmes lancinants de l’Afrique, à l’arrière-plan d’un lourd passif colonial non purgé.

2 réflexions sur “Niger 1/2 : Un an après le coup d’État du 26 juillet 2023

  • PAR ANDREW KORYBKO

    Le Mali et le Niger ont rompu leurs liens avec l’Ukraine après que son représentant militaire et du renseignement a admis que Kiev soutenait des groupes qu’ils considèrent comme des terroristes.

    Le ministère ukrainien des Affaires étrangères a critiqué la décision du Mali de couper les liens après que le représentant du GUR, Andreï Youssov, s’est vanté que l’Ukraine était derrière l’embuscade tendue par les Touaregs à Wagner à la fin du mois dernier, qui aurait tué plusieurs dizaines de combattants. Il a déclaré à l’époque que « les rebelles ont reçu les informations nécessaires et pas seulement des informations, ce qui leur a permis de mener à bien une opération militaire contre les criminels de guerre russes. Nous ne divulguerons certainement pas de détails pour le moment ; à suivre.

    Le Niger, membre de l’Alliance et de la Confédération sahéliennes, a ensuite suivi l’exemple du Mali en faisant de même, tandis que leur allié burkinabé commun ne l’a pas encore fait, même s’il l’a également condamné et que le président Ibrahim Traoré a récemment attiré l’attention sur la façon dont les armes ukrainiennes ont contribué à alimenter le conflit dans son pays. Pour le contexte, cette analyse du printemps parlait du rôle de l’Ukraine dans l’aide aux « opérations secrètes » américaines en Afrique, tandis que celle-ci du mois dernier a révélé son rôle dans la récente embuscade.

    Après s’être familiarisé avec les faits, il devrait être plus facile pour le lecteur de voir à travers le manque de sincérité de l’Ukraine critiquant le Mali pour avoir coupé les liens puisqu’il avait jusqu’alors fièrement joué le rôle d’acolyte des « opérations secrètes » de l’Amérique au Soudan, sans parler de se vanter de l’embuscade des Touaregs. C’était soit exagérer, soit inventer complètement ce dernier, mais en tout cas, il aurait objectivement été préférable avec le recul que Yusov n’ait rien dit à ce sujet.

    Le problème, c’est que le moral dans le pays et parmi les partisans de l’Ukraine à l’étranger, tant au niveau de l’État que de la société civile, s’effondre en raison des gains progressifs de la Russie sur le terrain. Kiev panique, c’est pourquoi elle préfère s’engager dans des cascades médiatiques très médiatisées telles que la vantardise de Yusov et l’attaque sournoise de l’Ukraine contre la région russe de Koursk, tout cela dans le but de remodeler les perceptions. Ni l’un ni l’autre n’ont accompli quoi que ce soit de valable, mais chacun sert toujours à détourner l’attention du fait que la Russie est en train de gagner.

    Sa vantardise susmentionnée est revenue à l’esprit après que le Mali, le Niger et peut-être bientôt le Burkina Faso ont coupé leurs liens avec Kiev en réponse à l’admission par son représentant militaire et du renseignement que son pays aide des groupes que leurs gouvernements considèrent comme des terroristes. S’il y avait quelqu’un d’intelligent à la tête du soft power ukrainien, alors ils auraient pu doubler le soutien de leur pays aux Touaregs en parallèle de la promotion de leur cause, qui aurait pu causer des dommages politiques au Mali si elle avait été amplifiée.

    Au lieu de cela, ils sont instinctivement revenus à fulminer contre la Russie dans leur déclaration, qui est apparue comme trop défensive et n’a rien accompli pour eux en ce qui concerne la conquête des cœurs et des esprits (ou plutôt induire le monde en erreur sur sa cause). Cette réponse à courte vue et irréfléchie montre à quel point les praticiens du soft power de l’Ukraine sont incapables et réaffirme l’observation selon laquelle ils essaient de remonter le moral de leurs partisans plus que de réaliser un véritable soft power ou des gains militaires.

    S’ils avaient mis en œuvre la politique décrite ci-dessus, cela aurait pu mettre la Russie et l’Alliance/Confédération sahélienne sur la défensive en générant une discussion parmi le public mondial sur les mérites de la cause des Touaregs, même si ce n’est en partie pour détourner l’attention de leurs liens terroristes. Quoi qu’il en soit, l’Ukraine n’aurait même pas été placée dans ce dilemme si Youssov n’avait pas dit que Kiev était derrière l’embuscade des Touaregs contre Wagner, et il aurait bien mieux fait de garder le silence.

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