7 au Front

FRANCE: deux camps ou trois blocs ? « Victoire de la gauche », une légende urbaine ! (de Castelnau)

             Le deuxième tour des élections françaises a été une surprise : de la division de la France en deux camps est sortie une France divisée en trois blocs. Et les “combinazione“ vont bon train. Dans les remarques de mon dernier article, j’avais exposé la division sociale à la base de la montée du RN, on va ici examiner les autres partis.

L’évolution des pays développés suit celle des moyens de production  et d’échange. Marx et Engels en ont donné un modèle, le capitalisme, issu de leur profonde étude de la production du 19ème siècle. Depuis les développements techniques et organisationnels ont apporté leur lot de modifications aux classes ouvrière et bourgeoise. La première s’est divisée en ouvriers spécialisés écopant du travail matériel sans initiative et en ouvriers qualifiés conservant un certain savoir-faire. Devant les investissements considérables de la grande industrie, le capital s’est collectivisé et on a fait appel à des salariés pour assurer la direction des grandes entreprises.

           Sans entrer dans plus de détails, la Deuxième Guerre Mondiale a apporté la mise aux point du premier ordinateur dont les suivants, de plus en plus performants, seront les auxiliaires indispensables à l’automatisation des machines et à la gestion d’entreprises devenues des holdings. Le processus a été analysé par JK Galbraith auquel j’emprunte le titre de cet article. Dans son ouvrage La science économique et l’intérêt général publié en France en 1974, l’économiste états-unien considère les sociétés modernes comme divisées en  “système planificateur“ qui concentre le travail de gestion et qui délègue par sous-traitance les tâches matérielles de production au “système de marché“, soumis à la libre concurrence. « On exagèrerait à peine en disant que les affaires, dans le système planificateur, consistent essentiellement à négocier des contrats ». Conseiller du Président Clinton, Galbraith l’avait incité à prendre en compte les plaintes qui montent du système de marché.

            Les conseils n’ont peut-être pas eu un plein effet, car 30 ans après, Galbraith publie en 2004 Les mensonges de l’économie dont il dit lui-même : «  Cet essai se propose de montrer comment, en fonction des pressions financières et politiques ou des modes du moment, les systèmes économiques et politiques cultivent leur propre version de la vérité. Une version qui n’entretient aucune relation nécessaire avec la réalité. » Son petit livre de 80 petites pages est pour ainsi dire son testament dans lequel il passe en revue tous les mensonges des dominants du système planificateur. Aujourd’hui où la société a poursuivi sur la même voie, il est recommandé de le lire avec attention si on tient à comprendre la source mensongère des pouvoirs politiques et économiques. En premier, comme le souligne le titre, l’économie dont les économistes osent proclamer que c’est une science pour, en conséquence, rendre incontournables leurs décisions. On apprend aussi : « Le pouvoir sur l’entreprise appartient à l’équipe de direction, bureaucratie qui contrôle sa tâche et sa rémunération. Une rémunération qui frise le vol. » etc, etc, ….

Citoyen des États-Unis et connaissant la réputation du marxisme dans son pays, Galbraith évite la référence aux idées de Marx et en particulier à la notion de classe. Son excellente analyse en deux systèmes doit être complétée par celle des divisions sociales au sein de chaque système. Malheureusement, en France la vie politique est complètement faussée par des institutions qui privilégient l’étude de la lutte des individus pour les places sur celle des intérêts de classe.

La dichotomie de Galbraith n’est que l’extension à toute la société de la division du travail humain en travail intellectuel (système planificateur) et travail matériel (système de marché). Comme  l’avait  décrit Marx et Engels : « La division du travail ne devient effectivement division du travail qu’à partir du moment où s’opère une division du travail matériel et intellectuel. »… « car, par la division du travail, il devient possible, bien mieux il arrive effectivement que l’activité intellectuelle et matérielle, la jouissance et le travail, la production et la consommation échoient en partage à des individus différents ; » ( L’idéologie allemande). Socialement, le travail intellectuel se concentre dans les villes, dans les bureaux du système planificateur (sociétés anonymes, professions libérales, services d’État, …) et Galbraith peut parler de bureaucratie des sociétés anonymes.

           Les législatives ont mis en lumière la prépondérance du RN, sauf dans les grandes agglomérations. Par son influence chez les ouvriers, les paysans, les commerçants ce parti n’est pas loin de recouvrir le système de marché. La coalition qui s’est formée contre lui comprend la bureaucratie des sociétés anonymes, et aussi  les reliquats de classes en voie de disparition, et même les travailleurs du système planificateur dont les conditions de travail sont proches de celles du système de marché (employés et petits fonctionnaires).

De cette analyse très sommaire, ressort l’éloignement des résultats électoraux et des réalités sociales. Grâce à une propagande effrénée, à des désistements contre nature et peut-être aussi les procurations, la bureaucratie des sociétés anonymes a réussi sans même se dévoiler à faire rejeter les exigences du système de marché. Victoire à la Pyrrhus, car : Qui va prendre en charge les plaintes qui montent de ce système ? On va assister à une bataille entre les vainqueurs, pleine de mensonges et de trahisons pour aboutir à la poursuite de la politique suivie depuis des décennies au profit des multinationales, c’est à dire à une alliance des Européistes. Le plus cocu de l’affaire risque d’être LFI ; le discours de Mélanchon au soir du deuxième tour s’adressait à ses alliés. (Voir le texte de Castelnau ci-dessous ou ici: https://reseauinternational.net/victoire-de-la-gauche-le-7-juillet-une-legende-urbaine/

Dans le Nouveau front populaire, il y a, c’est évident, un certain tiraillement entre les écologistes-socialistes et les communistes-insoumis. Ils puisent tous leur force chez les travailleurs du système planificateur : les uns, européistes, relativement proches des directions, les autres attentifs aux besoins des employés astreints aux tâches matérielles (secrétariat, entretien des locaux, …). Les premiers n’ont aucune répulsion vis à vis des macronistes, les seconds par leurs conditions de travail devraient se sentir solidaires de tous les petits du système de marché ; malheureusement pour eux ils se sont laissés persuader  que ces derniers sont la peste brune et ils se retrouvent isolés sans moyen de pression. (Relisez deux fois cette vision pénétrante de la lutte de classe à travers les mascarades électorales. NDÉ).


Avec Ensemble on aborde les limites de la dichotomie analysée par Galbraith car subsiste tout un pan des anciennes classes du capitalisme. Si Renaissance et Horizon, macronistes et européistes fervents, sont la fine fleur de la bureaucratie des sociétés anonymes, le Modem se situe plutôt dans la lignée radical-socialiste. De même LR, résidu de l’UMP, se situe lui dans la lignée des conservateurs gaullistes ; mais les soutiens du Modem, comme ceux de LR, n’ont comme perspective que leur chute au sein des petites entreprises du secteur de marché et ils essayent de retarder cette échéance en collant aux basques des partis du système planificateur, sauf la branche ciotiste qui a franchi le pas vers le RN.

À tout ceci, il faut ajouter l’ambiance politique où le vocabulaire déforme la réalité : les adjectifs gauche ou droite dans leur acceptation présente en sont encore au 19ème siècle . Pour moi les conservateurs sont les macronistes (droite) et les réactionnaires LR (extrême-droite). Il y a longtemps que la peste brune a perdu son pilier social : l’industrie mécanique taylorisée de l’avant Deuxième guerre mondiale, les groupuscules qui s’en inspirent sont vraiment une extrême droite réactionnaire sans aucun avenir : leur noyautage du RN devrait s’effriter en raison des ambitions présidentielles de Marine Le Pen et de la présence de la trentaine de députés qui siègent à Bruxelles. On sait depuis la guerre d’Algérie et la fin de la SFIO que le PS est un parti de droite. Pour les écologistes, il est difficile d’être mondialistes et opposés aux multinationales.

      Le Nouveau front populaire, comme son nom l’indique, se croit encore au temps de Blum, Thorez et  Herriot, où les léninistes devenus staliniens formaient le repoussoir à surmonter ; il le fut et le parti communiste appela à savoir finir une grève. Aujourd’hui les coalisés sont plus ou moins dans la nasse de la concurrence libre et non faussée et ne parlent pas d’en sortir. LFI est le repoussoir, est-il prêts à aider ses alliés et réciproquement ? J’en doute.

Vu les institutions de la Vème, chacun ne pense plus qu’à l’élection présidentielle et à toutes les couleuvres que chacun va devoir avaler pour se couler dans un grand ensemble durable. La seule logique politique serait un regroupement des exploités : les producteurs du système de marché et les petites mains du système planificateur, autant dire un regroupement des Insoumis et du RN. On mesure toute la difficulté. L’heure est pour l’instant aux raidissements et les mensonges de l’économie s’épanouissent. Je ne sais et personne ne sait, si les programmes de LFI et du RN conduiraient à une catastrophe économique. Ce dont on est sûr, c’est que la politique de soutien à la bureaucratie des sociétés anonymes, menée depuis des décennies, a conduit à la désindustrialisation de la France et à un endettement démesuré.


Note :  Régis de Castelnau  ne propose  pas autre chose que LAFONTAINE (ci-haut)  quand il dénonce la parenthèse enchantée offerte à Macron par la trahison de Mélanchon LFI (ci-dessous)

 

Par Régis de Castelnau, sur  https://reseauinternational.net/victoire-de-la-gauche-le-7-juillet-une-legende-urbaine/

Depuis le début, Emmanuel Macron a eu la volonté d’instrumentaliser à son profit les JO de Paris. Moins pour des raisons d’objectifs politiques précis que pour la mise en scène, susceptible de satisfaire son narcissisme maladif. Sa défaite du 9 juin aux élections européennes, puis celle du 30 juin au premier tour des législatives ont changé la donne. Heureusement pour lui, le ralliement de toutes les composantes du soi-disant «Nouveau Front Populaire» a permis à son mouvement de sauver plus de 100 sièges donnés perdus par tous les sondages. Merci Jean-Luc Mélenchon, qui a ainsi installé Emmanuel Macron dans une position beaucoup moins inconfortable que prévu. La réélection de Yael Braun-Pivet à la présidence de l’Assemblée nationale en a été la démonstration, permettant ainsi au chef de l’État de temporiser en attendant que les arrangements de coulisses permettent d’installer grâce au «bloc central» une majorité absolue ou relative peu importe.

La parenthèse enchantée offerte à Macron

Le moment JO lui a ainsi offert une «parenthèse enchantée» qu’il va tâcher de mettre à profit pour réaliser son opération et se sortir d’une situation difficile. Parenthèse qui a commencé avec la «cérémonie d’ouverture» dont le contenu et les polémiques qui ont suivi ont démontré l’importance de la crise politique que nous traversons. La réalisation de cet événement a été confiée par l’État payeur à des artistes de cour qui ont fourni ce qui leur était demandé. Une succession de tableaux plus ou moins réussis entrecoupés de séquences dans le plus pur style woke pour envoyer un message clair : la France désormais n’est plus qu’une province de l’Empire, particulièrement soumise, plus intéressée par un passé national disparu, et faisant sienne une culture d’origine américaine dans ses aspects les plus ineptes. Ce qui est très exactement la position d’Emmanuel Macron lui-même.

Avec l’exemple, à l’origine d’une polémique mondiale, de la caricature du tableau de Léonard de Vinci représentant la Cène chrétienne. Chez nous, les premières réactions outrées des grenouilles de bénitier traditionnelles ont attiré l’attention de la petite bourgeoisie de «gauche». Qui s’est alors précipitée pour défendre et revendiquer la cérémonie. Puis faire siens les JO eux-mêmes en en faisant «son événement». Il n’est que de lire Libération qui n’a pas de mots assez forts pour encenser la foire olympique, la parant sans barguigner de tous les atours. Virage tactique assez intéressant puisqu’il lui permet de rester à l’initiative et de continuer à revendiquer le poste de Premier ministre et la nomination de sa «candidate» par le chef de l’État. En continuant à affirmer que le NFP a «gagné» et que Macron est «tenu» par la Constitution de nommer Lucie Castets Premier ministre. Sauf que ces incantations relèvent de la légende urbaine.

La victoire de la gauche, une légende urbaine

D’abord, premier mensonge. Le programme du NFP a été approuvé par la majorité du peuple français et par conséquent il doit être mis en œuvre. Ce qui donne un rapport de force politique dans une démocratie représentative utilisant le scrutin uninominal à deux tours, c’est le résultat chiffré du premier tour. Le 30 juin dernier, le programme du Front National et de ses alliés a obtenu près de 34% des voix des votants. L’alliance électorale du Nouveau Front Populaire et son programme ont obtenu 27%. Prétendre que l’approbation du programme du NFP est majoritaire est faux, elle n’est même pas première puisque à 7 points derrière celui du RN. L’alliance électorale de la «gauche» devient la plus nombreuse en termes de députés après le deuxième tour, mais pour les «groupes» qui sont des institutions organisées au sein de l’Assemblée, c’est une nouvelle fois le RN qui a le plus nombreux. Si l’on retient l’alliance électorale et non la composition des groupes, il manque au NFP près d’une centaine de députés pour arriver à la majorité. On a connu des victoires plus solides.

Ensuite, deuxième mensonge. Emmanuel Macron est tenu de respecter la démocratie (!) et de nommer un premier ministre présenté par le NFP. Certains vont même jusqu’à prétendre que ne le faisant pas, il viole la constitution ! Une lecture attentive du texte fondamental ne permet pas de savoir sur quel article ceux-là s’appuient. Plus subtile est l’invention d’une «tradition» républicaine qui obligerait le Président de la république à nommer un premier ministre issu de l’alliance politique la plus nombreuse. Plus subtil peut-être, mais c’est quand même n’importe quoi. Il n’existe aucune tradition de ce type dans l’application de la constitution de 1958. Il y a eu trois cohabitations, ou la majorité parlementaire était contraire à celle qui soutenait le président de la république et c’est précisément parce que cette majorité était majoritaire Jacques Chirac, puis Édouard Balladur puis Lionel Jospin ont été nommé par François Mitterrand et Jacques Chirac, qui savaient qu’ils seraient majoritaires !

Ensuite toujours, troisième mensonge. Le cas particulier d’Élisabeth Borne ne saurait servir de base à l’invention d’une nouvelle «tradition constitutionnelle». À ce stade on va rappeler que dans un système parlementaire même rationalisé comme celui de la constitution de 58, le Président nomme le premier ministre, mais c’est le parlement qui le choisit. Soit il approuve et accepte cette nomination, soit il le renverse. C’est ce qui est arrivé avec Élisabeth Borne qui a toujours eu, faute de motion de censure, une majorité lui permettant de gouverner.

Bloc central, le retour

Enfin, quatrième mensonge. C’est l’alliance électorale la plus nombreuse qui a «gagné» les élections. Lorsque l’on regarde le résultat du 7 juillet, cette prétention est ridicule. Il y a à l’évidence une tri-partition et l’on voit bien que personne n’a gagné. Alors que doit faire le Président de la république ? Bien sûr s’il était soucieux de l’intérêt du pays, ce qui n’est évidemment pas le cas de Emmanuel Macron. Et c’est là qu’on doit revenir à la dimension de république parlementaire qu’est la France aujourd’hui. En se servant de la vraie tradition républicaine qui a servi de base au fonctionnement des IIIe et IVe Républiques. La responsabilité des présidents a toujours été de proposer le poste à un candidat susceptible de constituer une majorité au Parlement. Les régimes, parlementaire de la IIIe et d’assemblée de la IVe, devait gérer des situations politiques morcelées qui accouchaient de majorités de circonstance, dans les couloirs des assemblées. Les présidents du conseil n’étaient nommés que s’ils garantissaient au président avoir constitué une majorité au Parlement. C’est exactement ce qu’a fait de Gaulle en 1958. Il n’a accepté la nomination de René Coty qu’après avoir mené dans la coulisse les négociations lui permettant de venir devant la chambre et d’obtenir un vote de confiance. Et Coty ne l’a nommé parce qu’il avait lui aussi cette garantie. En régime parlementaire, les choses se passe dans cet ordre. Et c’est dans cet ordre qu’elles vont se passer, transformant les castors qui ne le voient pas en autruches.

Ainsi, après que les militantes féministes eurent appelé à réélire Darmanin, qualifié quelques jours avant d’horrible violeur, que les militants syndicaux se furent précipités pour réélire Madame Borne la destructrice du régime des retraites, la «gauche» continue ses incantations sur sa soi-disant victoire. Qui impliquerait que Emmanuel Macron nomme la caricature arrogante de membre de la caste, sortie de nulle part qu’il lui présente.

Jusqu’au moment où en cohérence avec son vote du 7 juillet elle fera ce qu’elle fait toujours, surtout depuis 2017.

Aider Macron à poursuivre son projet.

source : Vu du Droit

 

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

4 réflexions sur “FRANCE: deux camps ou trois blocs ? « Victoire de la gauche », une légende urbaine ! (de Castelnau)

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