La chute de Wall Street met à nu le parasitisme financier du Grand capital
- Source : Nick Beams – World Socialist Web Site (wsws.org)
- Les fluctuations de Wall Street et des marchés mondiaux soulignent l’extrême fragilité du système financier capitaliste mondial due à la spéculation et au parasitisme financier, qui ont été entretenus par l’injection d’argent bon marché par la Réserve fédérale américaine et d’autres banques centrales.
La journée de lundi a commencé par une nouvelle chute au Japon, où le marché de Tokyo avait atteint des sommets. L’indice Nikkei 225, qui a connu vendredi sa pire journée depuis le krach d’octobre 1987, a encore chuté de 5,9 pour cent. Il accuse désormais une baisse de plus de 20 pour cent depuis le sommet historique atteint le mois dernier. La chute de plus de 4.451 points enregistrée vendredi est la plus importante de son histoire en termes de points.
[AP Photo/Peter Morgan]
La chute s’est produite en réaction à la décision de la Banque du Japon, la semaine dernière, de relever les taux d’intérêt en territoire positif, mettant fin à un régime de taux zéro qui a prévalu pendant plus d’une décennie et demie.
Wall Street a connu une chute importante vendredi, suivie d’un plongeon à l’ouverture des marchés lundi matin, qui s’est surtout manifesté dans le secteur des hautes technologies, qui avait mené le marché à des niveaux record en juillet. Les actions se sont quelque peu redressées dans l’après-midi, mais sont restées en baisse sur l’ensemble des marchés. Le Dow Jones a perdu plus de 1.000 points pour terminer la journée avec une baisse de 2,6 pour cent. Le NASDAQ a chuté de 3,43 pour cent et le S&P 500 de 3 pour cent. Pour le Dow et le S&P 500, il s’agit de la plus forte baisse depuis septembre 2022.
Les baisses se sont concentrées sur les valeurs de haute technologie qui ont fait l’objet de spéculations. Depuis le début de l’année et jusqu’en juillet, la poignée d’entreprises connues sous le nom des «Sept magnifiques» – Apple, Amazon, Microsoft, Alphabet (la société mère de Google), Tesla, Meta (la société mère de Facebook) et Nvidia – a représenté 52 pour cent de la hausse de l’indice S&P 500.
Outre Intel, qui a vu ses actions chuter de 26 pour cent vendredi à la suite de sa décision de supprimer 15.000 emplois, Nvidia, qui fabrique des puces largement utilisées dans le développement de l’intelligence artificielle (IA), a été durement touchée. Ses actions ont chuté de 15 pour cent à l’ouverture des marchés, avant de se redresser quelque peu plus tard dans la journée pour terminer en baisse de 6 pour cent. Les actions de la société ont baissé d’environ 30 pour cent depuis le sommet atteint en juin.
Apple a également été touchée par l’annonce de Warren Buffett, le patron du fonds Berkshire Hathaway, qu’il avait vendu la moitié de ses actions dans la société au cours du deuxième trimestre, pour un montant de 76 milliards de dollars, et avait placé l’argent dans des titres de dette publique.
L’indice de volatilité Vix, connu sous le nom de «jauge de la peur» à Wall Street, a atteint 65 dans la matinée, alors qu’il n’était qu’à un chiffre ces dernières semaines.
Un certain nombre de facteurs se sont conjugués pour provoquer ce repli, y compris l’éclatement de la bulle de l’intelligence artificielle, l’effondrement des opérations de portage («carry trade») basées le yen japonais et la crainte que l’économie américaine n’entre en récession.
Le développement de l’IA représente une avancée significative de la technologie et du développement des forces productives. Mais comme toutes les avancées de ce type (on se souvient de la bulle Internet du début des années 2000, qui a culminé avec le «naufrage technologique»), elle s’est accompagnée d’une spéculation effrénée fondée sur des affirmations exagérées quant à l’importance de l’IA pour promouvoir la croissance économique et d’un afflux d’argent dans l’acquisition d’actions dans le secteur de la haute technologie, par crainte de manquer les gains spéculatifs.
Dans une démonstration de la nature mondialement interconnectée du système financier, la décision de la Banque du Japon de relever les taux d’intérêt pour tenter de stopper la glissade du yen sur les marchés des devises s’est directement répercutée sur Wall Street. L’augmentation de plus de 11 pour cent de la valeur du yen par rapport au dollar ces derniers jours (de 161,96 pour un dollar début juillet à 143,46 avant-hier) a porté un coup aux opérations de portage, qui consistent pour les investisseurs à emprunter de l’argent au Japon pour l’investir sur les marchés américains, où ils peuvent bénéficier d’un taux de rendement plus élevé.
Selon une analyse publiée par Reuters, bien que les chiffres exacts ne soient pas disponibles, une grande partie des investissements dans les actions de haute technologie, qui les ont amenées à des niveaux record, aurait été financée par des opérations de portage. La Banque des règlements internationaux a estimé que les emprunts transfrontaliers en yens ont augmenté de 742 milliards de dollars depuis la fin de l’année 2021.
Une note publiée par Kit Juckes, stratège en chef des changes à la Société Générale, a souligné ce processus. «On ne peut pas dénouer la plus grosse opération de portage que le monde ait jamais connue sans faire tomber quelques têtes», écrit-il.
Un autre facteur est la crainte croissante d’une récession aux États-Unis, renforcée par le rapport sur l’emploi américain publié vendredi. Ce rapport a montré que le nombre de nouveaux emplois le mois dernier était de 114.000, bien en dessous des attentes de 175.000. À cela s’ajoute une hausse du taux de chômage à 4,3 pour cent. Cette augmentation a porté la hausse du taux à 0,6 pour cent par rapport à son niveau le plus bas, attirant l’attention sur la règle dite de Sahm, qui indique une récession lorsque la moyenne mobile sur trois mois se déplace d’au moins un demi-point de pourcentage au-dessus de son niveau le plus bas au cours des 12 mois précédents.
La chute du marché s’explique par le fait que le capital financier demande instamment à la Réserve fédérale de commencer à réduire les taux d’intérêt afin de rendre l’argent moins cher et par le mécontentement intense suscité par sa décision de mercredi dernier de maintenir les taux d’intérêt à leur niveau actuel. L’indication claire par la Réserve fédérale qu’elle allait réduire ses taux en septembre, initialement bien accueillie par les marchés, a maintenant été déclarée insuffisante.
L’appel universel est le suivant: donnez-nous plus d’argent!
Outre les questions immédiates qui ont déclenché la chute, d’autres forces puissantes sont à l’œuvre. Après l’assassinat par Israël de dirigeants du Hamas et du Hezbollah la semaine dernière, la perspective d’une guerre totale au Moyen-Orient s’est considérablement accrue.
Les marchés financiers sont également menacés par l’escalade de la dette publique américaine, qui s’élève aujourd’hui à environ 35.000 milliards de dollars et augmente à un rythme que le Trésor américain et la Réserve fédérale qualifient d’«insoutenable». La dette nationale américaine dépasse les 35 000 milliards de dollars pour la première fois de l’histoire – les 7 du quebec
Il n’est pas possible de prédire le cours exact des événements, mais les tendances sont clairement évidentes. Le système financier américain et mondial est devenu un château de cartes qui peut être déstabilisé et plongé dans une crise par des événements même apparemment mineurs. https://les7duquebec.net/archives/293443
La réaction de la classe dirigeante en cas de crise ne fait aucun doute. Comme le montrent les expériences amères de 2008 et de 2020, elle va intensifier ses attaques contre la classe ouvrière.
En 2008, des millions de travailleurs ont perdu leur emploi, les salaires ont été réduits et les maisons ont été saisies, tandis que les entreprises et les banques, dont les actions ont déclenché la crise, ont été récompensées à hauteur de milliards de dollars par des aides du gouvernement et de l’argent bon marché fourni par la Réserve fédérale. Et en 2020, lorsque le COVID-19 a frappé, l’aide gouvernementale a été dirigée vers les entreprises tandis que la Réserve fédérale fournissait à nouveau de l’argent ultra bon marché, ce qui a alimenté une nouvelle spéculation dans un contexte de refus de prendre des mesures de santé publique significatives pour éliminer le virus.
Quelle que soit l’évolution de la situation, les dernières turbulences sont une nouvelle expression de la crise structurelle du système capitaliste. Elle pèse quotidiennement comme une épée de Damoclès sur la classe ouvrière, la menaçant de dévastation sociale et soulignant la nécessité objective d’une lutte politique pour le socialisme.
(Article paru en anglais le 6 août 2024)
Versão em Língua Portuguesa:
https://queonossosilencionaomateinocentes.blogspot.com/2024/08/a-queda-de-wall-street-poe-nu-o.html