Dix choses à savoir sur l’Afghanistan à l’occasion du troisième anniversaire du retour au pouvoir des talibans
Par Andrew Korybko.
Bien que l’Afghanistan ne fonctionne plus comme une base aérienne américaine dans le cœur de l’Eurasie, il est désormais une source de menaces non conventionnelles pour la région, mais il a également plus de potentiel géostratégique que jamais.
Les talibans sont revenus au pouvoir il y a trois ans, le 15 août 2021, après avoir pris Kaboul dans le cadre du retrait occidental paniqué d’Afghanistan. Cependant, la plupart du monde a depuis oublié ce pays en raison du conflit ukrainien, c’est pourquoi il vaut la peine d’informer tout le monde de ce qui s’y passe. Voici les dix choses que les gens devraient savoir sur l’Afghanistan :
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1. Les sanctions américaines restent un obstacle majeur à la reprise socio-économique
Les États-Unis continuent de sanctionner l’Afghanistan et de geler les avoirs que l’ancien gouvernement a placés sous leur juridiction. Cela a entravé la reprise socio-économique du pays, bien que c’était précisément le but. Les États-Unis espèrent que les conditions de vie difficiles qu’ils ont contribué à créer pourraient un jour donner naissance à une rébellion qui pourrait menacer le contrôle du pays par les talibans.
2. Les talibans n’ont pas encore formé de gouvernement ethno-politiquement inclusif
Les talibans s’étaient précédemment engagés à former un gouvernement inclusif, ce que les observateurs ont interprété comme un engagement à renforcer le rôle des minorités ethniques et de l’opposition, mais cela ne s’est pas encore produit. Ils ont également imposé des restrictions aux femmes depuis leur retour au pouvoir. Ces politiques ont servi de prétexte au refus de la communauté internationale de reconnaître la légitimité de leur gouvernement.
3. Les gisements astronomiques de terres rares de l’Afghanistan sont encore inexploités
L’absence de reconnaissance officielle a compliqué les plans des talibans pour profiter des minéraux de terres rares estimés à 1 000 milliards de dollars sous le sol afghan, ce qui pourrait un jour en faire partie intégrante des chaînes d’approvisionnement mondiales. Son économie pourrait également être révolutionnée si des installations de production étaient établies à l’intérieur du pays et que celles-ci servent de points d’ancrage à des investissements étrangers plus diversifiés.
4. La production d’opium est pratiquement inexistante après son interdiction par les talibans
Les talibans ont interdit la culture de l’opium huit mois après leur retour au pouvoir, ce qui a entraîné une énorme réduction de 95 % de la production. L’Afghanistan n’est plus la capitale mondiale de l’opium, mais il a eu du mal à remplacer cette culture par d’autres, laissant ainsi certains agriculteurs sans emploi. Ils pourraient à leur tour devenir plus susceptibles de rejoindre des groupes terroristes afin de remplacer leurs revenus perdus.
5. L’ISIS-K n’a pas été anéanti malgré tous les efforts des talibans
L’EI-K est la seule force à l’intérieur de l’Afghanistan capable de renverser les talibans, mais ils n’ont pas été anéantis malgré tous les efforts de ces derniers au cours des trois dernières années. Ils continuent de recruter de nouveaux membres sur les réseaux sociaux, d’en former certains et de planifier des attaques depuis leurs sanctuaires. Les talibans ont besoin de plus de renseignements et de meilleures armes pour éradiquer une fois pour toutes cette menace mondiale.
6. Les liens des talibans avec l’ancien protecteur pakistanais se sont détériorés
L’attente que certains avaient de voir le Pakistan restaurer son influence sur l’Afghanistan après le retour au pouvoir des talibans a été brisée après que le groupe s’est retourné contre son patron en accueillant des militants des « talibans pakistanais » (TTP) qu’Islamabad considère comme des terroristes. Les tensions entre ces deux pays les ont poussés au bord de la guerre, mais les esprits plus calmes l’ont emporté jusqu’à présent, même s’ils ne l’emporteront peut-être pas éternellement.
7. Un projet de canal a aggravé les relations avec les républiques d’Asie centrale
Les liens de l’Afghanistan avec le Pakistan ne sont pas les seuls à s’être détériorés au cours des trois dernières années, depuis que le projet de canal Qosh Tepa des talibans a aggravé les relations avec les républiques d’Asie centrale. Les liens avec le Tadjikistan laïc étaient déjà troublés depuis qu’il s’oppose aux mauvais traitements présumés infligés par les talibans fondamentalistes à ses co-ethnies, mais cela met également l’Ouzbékistan et le Turkménistan du mauvais côté.
8. L’Inde et les talibans ont étonnamment résolu leurs problèmes antérieurs
Les tensions entre les talibans et le Pakistan ont contribué au rapprochement du groupe avec l’Inde , contre laquelle il entraînait des militants cachemiriens, mais l’intégration dans son corridor de transport nord-sud n’a pas encore été achevée en raison des problèmes susmentionnés avec les républiques d’Asie centrale et l’Iran. Même ainsi, cela aurait pu influencer leur décision de reconnaître le Cachemire comme séparé du Pakistan, ce qui s’aligne sur les intérêts de l’Inde.
9. La Russie pourrait devenir le premier pays à reconnaître le gouvernement taliban
Les intérêts économiques et de sécurité sont responsables du fait que la Russie envisage officiellement de lever la désignation terroriste des talibans et de reconnaître par la suite son gouvernement. Le Kremlin veut exploiter les gisements miniers astronomiques de l’Afghanistan que les Soviétiques ont découverts pour la première fois, utiliser le potentiel de connectivité transrégionale du pays et faciliter les opérations antiterroristes des talibans contre l’EI-K.
10. L’Afghanistan peut jouer un rôle central dans l’intégration multipolaire de l’Eurasie
Enfin, la restauration de l’indépendance de l’Afghanistan après deux décennies d’occupation occidentale lui permet de jouer un rôle central dans l’intégration multipolaire de l’Eurasie, bien que les liens avec ses voisins doivent s’améliorer avant que cela ne se produise. Dans ce cas, il peut faciliter le commerce Nord-Sud entre la Russie/l’Asie centrale et le Pakistan/l’Inde et le commerce Est-Ouest entre l’Iran et l’Asie centrale/la Chine.
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Comme on peut le constater, alors que l’Afghanistan ne fonctionne plus comme une base aérienne américaine dans le cœur de l’Eurasie, il est maintenant une source de menaces non conventionnelles pour la région après le retour au pouvoir des talibans grâce à leur accueil du TTP, à leurs projets de canaux controversés et à leur échec à vaincre l’ISIS-K. Néanmoins, l’Afghanistan dispose d’un potentiel géostratégique plus important que jamais, mais il doit résoudre ces problèmes afin d’en tirer parti.
Versão em Língua Portuguesa:
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