Les États-Unis et la guerre sioniste contre le Liban. La tactique du «pas à pas» de Kissinger à Hochstein
Par Marie Nassif-Debs (*), Liban.
Il y a quelques jours, une ami m’a envoyé un article d’un écrivain chinois qui disait que celui qui veut gagner contre les Etats-Unis doit couper l’air des guerres, vu que la paix mondiale est la «principale menace» pour Washington, car elle «met un terme définitif à l’empire du dollar construit autour de la guerre, de l’économie de guerre et du commerce de la guerre» (1).
Nous ne nous étendrons pas plus que cela sur ce que dit l’article à propos des conséquences qui pourraient résulter de l’interruption des guerres impérialistes américaines dans notre monde actuel, car elles sont connues de tous, y compris des dirigeants des régimes dépendants, qui ne connaîtront pas un sort meilleur que celui déjà subi par les régimes établis par la CIA au Sud-Vietnam ou en Afghanistan, pour ne citer que ces deux exemples.
Nous avons cité le titre et le contenu de l’article parce que nous y voyons un rappel de ce que nous vivons aujourd’hui dans notre pays du fait de la reprise des guerres impérialistes dans le monde, en commençant par l’Ukraine et en s’étendant à l’Asie et à l’Afrique, et , bien entendu, au Moyen-Orient où l’entité sioniste, usurpatrice de la Palestine, occupe l’avant-scène militaire, sous la couverture de l’OTAN dirigée par Washington et l’administration «démocratique» (sic) de Joe Biden qui n’est pas différente de l’administration «républicaine» qui l’a précédée ou, même, des administrations étasuniennes qui se sont succédées depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.
Et, si nous devions rappeler certains des principaux jalons de cette politique, en particulier au Liban, nous dirions que l’administration américaine, « républicaine » ou « démocrate », a toujours trafiqué pour intégrer notre pays dans les alliances impérialistes qu’elle formait dans la région, à commencer par le Pacte de Bagdad et le Pacte Turquie-Pakistan, et que les forces américaines n’ont pas hésité à agresser le Liban pour s’en emparer et tirer profit de sa situation géopolitique d’abord, et ensuite du passage des produits américains à travers le Liban vers les pays arabes qui étaient sortis du giron du capitalisme américain durant les années Cinquante (Egypte, Syrie, Irak). Sans oublier l’importance de ce petit pays quant à l’importance de ses ressources en eau et sans parler des sources d’énergie contenues dans sa mer territoriale. Et si nous voulions être plus précis dans ce domaine, nous ferions référence à l’embarquement des « Marines » en 1958, puis de la Sixième flotte en 1983, et, même aujourd’hui, où à la nouvelle ambassade étasunienne, qui n’est autre qu’une base militaire avec son héliport et sa garnison dépassant les normes conventionnelles.
Cela ne veut pas dire que nous minimisons le rôle l’entité sioniste, ni son projet d’établir l’utopique «Grand Israël» du Nil à l’Euphrate (sic), mais nous attirons l’attention sur le fait que le projet principal réside dans le contrôle unilatéral de l’impérialisme américain sur le monde, à partir duquel de multiples projets régionaux sont lancés, dont le plus important est peut-être le projet sioniste qui suit dans son mouvement le principe développé par le méprisable Henry Kissinger appelé la politique des trois étapes de « Step by step » (pas à pas) : Grignoter, digérer, puis avancer à nouveau.
Par conséquent, nous considérons ce que l’entité sioniste fait aujourd’hui sur le front nord de la Palestine occupée comme une nouvelle étape après celle franchie il y a deux ans en ce qui concerne la démarcation des frontières maritimes, sous la supervision des Etats-Unis, représentés par l’envoyé spécial de Biden, Amos Hochstein, qui a conduit à l’annexion de 1240 kilomètres carrés de mer au sud de Naqoura sous le nom de « champ de Karish »(2) d’autant plus que l’étape suivante est la démarcation des frontières terrestres selon un projet que le même Hochstein vient de nous transmettre au nom de l’administration de Biden. Sans oublier que depuis 1968, l’entité sioniste est présente dans les fermes de Shebaa, les collines de Kafr Shuba et le village de Ghajar sous prétexte qu’il s’agit de « terres syriennes », alors que les documents détenus par les Nations Unies et émis par son prédécesseur, la Société des Nations, en 1926 (3) démontrent le contraire.
Voilà pourquoi la question de la guerre d’agression sioniste au Liban est triangulaire.
Le premier côté de cette guerre est la terre et ce qu’elle contient comme sources d’eau nécessaires à l’agriculture concentrée par les sionistes au nord de la Palestine occupée, ainsi que les eaux territoriales et ce qu’elles contiennent comme sources d’énergie (gaz et pétrole) nécessaires au fonctionnement des industries capitalistes.
Le deuxième côté est la Résistance armée et son rôle dans la guerre actuelle visant à soutenir la résistance du peuple palestinien, en particulier dans la bande de Gaza.
Le troisième côté est constitué par les tentatives qui ont été faites, et qui le sont toujours depuis l’agression de 1982 et la chute de « l’accord du 17 mai » par le Front de résistance nationale libanais, pour normaliser les relations avec l’ennemi occupant, en vue de préparer l’installation des Palestiniens au Liban, de mettre fin à leur droit au retour dans leur pays, selon la résolution du Conseil de sécurité des Nations-Unies, et à construire l’État national palestinien que nous appelons de nos vœux sur l’ensemble du territoire palestinien, avec Jérusalem pour capitale.(4).
L’importance de cette clarification réside dans la manière dont le conflit libano-sioniste est perçu aujourd’hui et à l’avenir. Pour nous, la solution réside dans le retrait de l’ennemi des territoires libanais occupés, d’une part, et dans l’établissement de l’État palestinien susmentionné, d’autre part. Ceci s’ajoute à la position immédiate concernant la cessation de l’agression contre la bande de Gaza et le retrait des forces d’agression de celle-ci.
Nous pensons donc que l’agression sioniste ne s’arrêtera pas dans un avenir prévisible, d’autant plus que cette agression est liée à la politique américaine que nous avons mentionnée, et que cette politique est actuellement liée aux élections présidentielles et à ce qui pourrait en résulter.
Cela signifie-t-il une escalade régionale menant à une guerre totale ?
Nous pensons que l’entité sioniste est incapable, seule et sans le soutien des forces impérialistes américaines et de l’OTAN, d’ouvrir une bataille à grande échelle dans le nord de la Palestine occupée. Il est donc probable qu’elle tentera de poursuivre sa guerre contre le Liban entre escalade limitée et retour aux règles de la guerre établies depuis le 8 octobre 2023, tout en intensifiant les opérations d’assassinat dans la période à venir. Voir GAZA – L’horreur et ses mensonges – L’historique d’une duperie – les 7 du quebec
Cependant, cela ne signifie pas que la possibilité d’une guerre totale soit totalement absente ; la crise de Netanyahou s’accentue à l’intérieur, et l’opposition sioniste tente de profiter de la question des otages et de la question de la conscription obligatoire du groupe Haredi pour se débarrasser de lui et revenir au pouvoir… D’après les expériences passées, tout cessez-le-feu, dans ces circonstances, ne sera qu’une simple trêve, qui pourra être prolongée ou écourtée en fonction des besoins américains. D’où la nécessité de réorganiser et d’unir toutes les forces de résistance à l’agression et à la normalisation au sein d’un vaste mouvement arabe de libération nationale, dont le Forum de la Gauche Arabe peut constituer le noyau de base. (Voir notre texte : La méthode Gaza ou « La solution finale » contre les peuples en révolte – les 7 du quebec NDÉ).
(Cet article a été publié dans le magazine palestinien Al-Hadaf – fin août 2024)
Notes
(*) – Ex coordinatrice de la Rencontre des gauches arabes et ex Secrétaire générale adjointe du Parti communiste libanais.
(1) – L’article a été publié le 24 mars 2023 et peut être trouvé sur la page X (anciennement Twitter).
(2) – Cette zone fait partie intégrante des frontières maritimes libanaises, cédées à l’ennemi afin d’accélérer la réalisation du plan de Washington visant à sécuriser la vente de gaz à l’Europe après avoir stoppé l’arrivée de cette substance vitale sur le vieux continent en provenance de Russie en raison de la guerre d’Ukraine….
(3) – La frontière entre le Liban et la Palestine a été redessinée le 3 février 1923, conformément à un mandat de la Société des Nations à la Commission franco-britannique Boulet-Newcomb, qui a déposé auprès de l’organisation internationale une carte confirmant la validité de la démarcation en vigueur depuis 1920 et les 38 points prévus pour celle-ci.
(4) – Cette position a été prise lors du deuxième congrès du Parti communiste libanais en 1968 ; une position qui avait été prise par le parti en 1948 et rendue publique par le secrétaire général du parti de l’époque, le martyr Farajallah Helou, contrairement à ce qui était proposé par l’Etat soviétique à l’époque.
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