Le Liban entre résistance et capitulation : le gaz de la Méditerranée

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Hassan Nasrallah, Secrétaire général du mouvement Hezbollah [résistance libanaise] – Photo : Archives

Beyrouth ne doit pas se laisser intimider et renoncer à ses droits d’exploitation maritime, écrit Abdel Bari Atwan.

Dimanche dernier, le chef d’état-major de l’armée israélienne, Aviv Kochavi, a menacé d’attaquer des milliers d’endroits ciblés au Sud-Liban – au motif qu’ils abritent des missiles, des drones ou du matériel militaire du Hezbollah – et a averti les habitants de la région concernée à évacuer leurs maisons.

Ces menaces ont été proférées la veille de l’arrivée au Liban de l’envoyé américain pour l’énergie, Amos Hochstein.

Elles étaient également une réponse à l’avertissement du Secrétaire général Hassan Nasrallah selon lequel le Hezbollah ne resterait pas les bras croisés pendant qu’Israël pille le pétrole et le gaz offshore du Liban et l’empêcherait d’extraire du gaz du champ de Karish.

Le général Kochavi sait parfaitement qu’il ne peut pas faire peur au Hezbollah. Son objectif était de fournir des munitions politiques à ses opposants libanais qui se sont pliés au stratagème israélo-américain dans le pays.

Cela explique les fuites qui sont sorties des réunions de Hochstein avec divers politiciens libanais au pouvoir ,indiquant qu’ils lui ont offert des concessions « tangibles » qu’il a décrites comme utiles aux négociations indirectes visant à résoudre le différend.

Les autorités libanaises ont montré qu’elles étaient la partie faible dans le différend, en implorant l’envoyé américain de reprendre rapidement sa médiation et en lui proposant de revenir sur les droits maritimes légaux du Liban.

Cela encouragera très certainement Israël à se comporter de manière encore plus autoritaire et, en utilisant ses vastes pouvoirs d’extorsion, à s’en tenir à ses exigences et à ne faire aucune concession. Trente ans de [simulacre de] négociations israélo-palestiniennes en sont un bon exemple.

Les Libanais, quel que soit leur camp politique ou communautaire, ont deux options.

Premièrement : entrer dans une négociation à long terme de style palestinien – dans laquelle ils offrent une concession après l’autre et n’obtiennent rien en retour, sauf plus d’extorsion et des demandes de concessions supplémentaires – et devenir les serviteurs indirects de l’occupation israélienne

Deuxièmement : l’option de l’emploi de la force, qui a vaincu Israël à deux reprises dans le passé : en 2000, alors qu’il ne pouvait plus encaisser les pertes imposées par la résistance et s’est unilatéralement retiré du Liban ; et ensuite la bande de Gaza en 2005.

Les trois dirigeants du Liban – le président, le Premier ministre et le président du parlement – préfèrent l’option des négociations pour éviter la guerre, dans l’espoir de permettre au Liban d’obtenir une partie de sa part du pétrole et du gaz, comme s’il s’agissait d’une faveur des États-Unis.

C’est une grave erreur qui reflète la myopie et l’incapacité à comprendre les développements politiques dans la région – en particulier la formation imminente d’une alliance israélo-arabe sunnite pour affronter militairement l’Iran sous la direction des États-Unis.

Ces espoirs sont donc complètement vains, car la priorité absolue de cette alliance est de décapiter le Hezbollah.

L’extraction de gaz libanais, syrien ou palestinien (de la bande de Gaza) est conditionnée à la reddition et au désarmement de la résistance, sans garantie d’obtenir quoi que ce soit en retour. L’amère expérience de la Pax Americana/Israelica par l’Autorité Palestinienne (AP) en est une illustration.

L’État d’occupation israélien ne permettra pas au Liban d’extraire son pétrole et son gaz tant qu’un seul missile du Hezbollah restera au Sud-Liban. L’objectif est de mettre le peuple libanais à genoux et de l’affamer pour qu’il se soumette, comme ce fut le cas pour les Irakiens après l’invasion du Koweït par leurs forces.

La famine est en effet plus ruineuse pour un pays que la guerre civile.

Saddam Hussein a cru les médiateurs et a permis aux inspecteurs/espions de fouiller ses palais et de d’éradiquer ses [prétendues] armes biologiques et chimiques. Sa récompense pour ces concessions n’était pas seulement d’être renversé, arrêté et exécuté, mais que l’Irak soit occupé, ses ressources pillées et le pays réduit à l’état misérable dans lequel il se trouve aujourd’hui.

Nasrallah a déclaré dans son dernier discours que le temps ne joue pas en faveur du Liban et que l’objectif immédiat de la résistance est d’empêcher Israël d’exploiter le champ de Karish, et de pouvoir utiliser ses 600 milliards de dollars de pétrole et de gaz pour atténuer la crise économique du Liban et profiter à tous ses citoyens.

L’année dernière, les trois dirigeants du Liban se sont pleinement soumis aux exigences des États du Golfe, renonçant à la souveraineté et au respect de soi du pays, et n’ont obtenu aucun retour.

Aujourd’hui, ils se préparent à commettre le même péché sous prétexte de l’aggravation des crises du pays, sans reconnaître que ces crises ont été en grande partie créées par les États-Unis et Israël.

Ces derniers ont détruit l’économie du Liban, paupérisé son peuple et l’ont soumis à un siège, exploitant les divisions internes libanaises et l’existence d’un camp qui mise sur le mirage du soutien et d’un salut venu des États-Unis et d’Israël.

Hochstein – l’envoyé américain né en Palestine occupée et qui a servi pendant trois ans dans l’armée israélienne – sera-t-il plein de compassion pour les Libanais ? Traitera-t-il équitablement leurs droits et sera-t-il un intermédiaire honnête ?

Nous laisserons la réponse à ceux qui lui déroulent des tapis rouges, comptent sur son intégrité et capitulent devant lui.

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

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