Le Winner!
Recherche menée par Robert Gil
Qui n’a jamais entendu dire à propos d’un dirigeant d’entreprise : « il s’est fait tout seul, personne ne l’a aidé ». Quel est ce concept ? curieux ? Toutes les entreprises sont aidées d’une manière ou d’une autre, directement par les exonérations de cotisations, les diverses subventions, les crédits d’impôts, les allègements fiscaux, ou indirectement par les conditions favorables que la collectivité crée pour son développement : la formation de ses salariés, les infrastructures ainsi que les services publics et le tissu économique et social mis en place depuis des générations. Une entreprise n’est pas un ovni qui vivrait dans un monde parallèle. Une entreprise vit en interaction étroite avec son environnement économique, social et politique. Beaucoup d’entreprises parmi les plus importantes se sont même créées grâce à l’Etat en fabriquant du matériel militaire ou des infrastructures financées par les contribuables. D’autres se sont contentées de profiter des privatisations pour s’approprier les entreprises publiques qui appartenaient à tous. Non seulement ces privatisations n’ont rien créé, mais elles ont même détruit des emplois pour augmenter les dividendes des actionnaires. Ces entreprises qui ont été financées par l’ensemble des Français appartiennent maintenant à quelques privilégiés proches du pouvoir, qui engrangent les bénéfices. L’exemple le plus frappant est Vinci, et les autoroutes.
Il y a aussi le célèbre « quand on veut, on peut ». Encore un mythe outrageusement simplificateur : pour une personne compétente et déterminée qui réussit, combien de bonnes volontés galèrent, juste parce qu’elles n’auront pas eu autant de chance, malgré leurs qualités ? Et combien d’autres, au contraire, réussissent juste parce qu’elles ont eu la chance d’être au bon endroit au bon moment, ou de s’être lancées un peu par hasard dans une activité qui au final, pour des facteurs externes, s’est avérée très profitable ? Je pense que l’humilité devrait être de mise, car même si ces personnes ont réussi, qui a payé leurs études, formé leurs salariés, construit et entretenu les routes et toutes les infrastructures qu’elles utilisent pour leur activité ? Donc même le « quand on veut on peut », on ne se fait pas tout seul, mais grâce aussi au travail et à la bonne volonté de tous les intervenants de la société, passés et présents, car il est impossible de s´enrichir seul dans son coin sans le concours du reste de la société. Et lorsque ces winners qui se sont faits tout seuls ont des problèmes, ils n’assument plus rien et viennent pleurer pour avoir l’aide du groupe, c’est-à-dire la collectivité … qui bizarrement redevient ce qu’elle a toujours été : incontournable !
Malgré tous ces mythes, il est évident que la reproduction des classes sociales reste bien réelle : le fils d’acteur a beaucoup plus de chances de faire l’acteur, que d’aller monter à la chaîne des bagnoles chez Renault (d’autant plus que les usines ne sont plus en France, mais c’est un autre débat), de se casser le dos dans le bâtiment ou sur les routes dans le froid de l’hiver ou la canicule de l’été ! La progéniture de Bernard Arnault a trouvé de supers jobs à LVMH ou dans des entreprises appartenant à LVMH. La réalité est que, selon que vous veniez au monde dans un quartier défavorisé, de parents exerçant des métiers peu rénumérés, souvent confrontés au chômage et à la recherche d’emploi, ou bien dans un hôtel particulier du XVI -ème arrondissement de Paris, de parents qui n’ont pas besoin de se lever tous les matins pour aller travailler, vous ne partez pas sur un même pied d’égalité dans la vie. Ajoutez à cela que si le principal accès à la culture sont les émissions vulgaires et débilitantes des diverses chaines de télévision d’un côté, et de l’autre le théâtre, l’opéra, les livres et les musées, l’écart se creuse un peu plus. Que l’on fréquente le lycée de quartier ou l’établissement « Louis-le-Grand » à Paris, n’ouvre pas les mêmes portes, et si le carnet d’adresses des premiers se limite au « mec » qui connait quelqu’un qui connait le patron de la petite entreprise du coin, les seconds rencontrent fréquemment dans des clubs selects les principaux décideurs du CAC40 et ont leurs entrées dans différents ministères…, la notion de méritocratie n’a rien à voir là-dedans. En mai 2021, le quotidien américain The Financial Times plaçait la France en tête des pays comptant le plus de milliardaires par héritage. Près de 80% de ces très grandes fortunes françaises sont en effet héritées, selon les données de Forbes citées par le journal.
Tous ces mythes portent au nues l’individualisme, et la réussite personnelle, mais dans nos sociétés basées sur la compétition, il arrive souvent que cette course à l’échalotte finisse en épuisement professionnel, en dépression ou en « Burn out ». Contrairement à ce que l’on veut nous faire croire, l’homme n’est pas un loup pour l’homme, à chaque catastrophe, c’est l’entraide qui prime entre les sinistrés, et c’est sur l’entraide que l’humanité s’est construite. Aucune société primitive n’aurait pu survivre si elle avait basé son idéologie sur le chacun pour soi, l’individualisme et la recherche de sa satisfaction personnelle, et par conséquent nous ne serions pas là pour en débattre. C’est lorsque les sociétés basées sur l’entraide et le partage se sont développées et ont prospéré que les loups sont arrivés. Des chefs et des petits seigneurs cupides ont manipulé les foules par la ruse ou par la force et se sont adjugés des privilèges dénués de tout fondement. Une société saine et équilibrée n’a pas besoin de prédateurs en son sein, nous sommes donc une société malade. Les loups chassent en meute, la classe dirigeante l’a parfaitement intégré et pour elle « la solidarité de classe » n’est pas un vain mot.
Toutes les références sont dans Miscellanées Politiques N°2 : « Cogitation d’un quidam ordinaire »
Versão em Língua Portuguesa:
https://queonossosilencionaomateinocentes.blogspot.com/2024/12/o-vencedor.html