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Le «péril de la rivalité» avec la Chine. Nous nous dirigeons vers une guerre froide toxique puis vers une guerre nucléaire

Par Daniel Larison – Le 3 février 2025 – Source Responsible Statecraft

.À Washington, un consensus bipartisan belliciste envers la Chine s’est formé au cours des quinze dernières années. Les membres des deux partis politiques sont prompts à lier leurs politiques à la cause de la “concurrence” avec le gouvernement chinois, et il y a un énorme appétit parmi nos dirigeants politiques pour exagérer à la fois les ambitions et les capacités chinoises.

La rivalité chinoise est devenue un nouvel argument fourre-tout pour justifier l’augmentation des dépenses militaires, la modernisation nucléaire, l’augmentation de la présence militaire américaine dans le Pacifique et l’établissement de liens plus étroits avec les voisins de la Chine.


Pour promouvoir la rivalité avec la Chine, des analystes bellicistes répandent un mythe commode au sujet de la Guerre froide qui ignore les coûts sérieux qu’elle a engendré pour la société américaine et pour les nombreux pays qui ont été dévastés par des interventions directes et des guerres par procuration. Selon ce mythe triomphaliste, les États-Unis ont “gagné” la Guerre froide contre les Soviétiques et, ce faisant, sont devenus plus forts et plus unifiés en tant que nation, et maintenant ils peuvent refaire la même chose avec la Chine.

Voir cet article sur la guerre froide : Les orientations de l’Amérique suite à la Guerre froide phase un – les 7 du quebec

Dans leur nouveau livre, “Le péril de la rivalité : Comment la concurrence entre grandes puissances menace la paix et affaiblit la démocratie”, Van Jackson et Michael Brenes démystifient les mythes triomphalistes sur la Guerre froide et nous rappellent à quel point la dernière expérience américaine de rivalité entre grandes puissances a été destructrice et mortelle. Comme ils le disent, “Les rivalités entre grandes puissances à travers l’histoire, et en particulier pendant la Guerre froide, ont entraîné une brutalité de masse, des sacrifices et des périls supportés de manière disproportionnée par les citoyens ordinaires plutôt que par les élites.”

Jackson et Brenes contestent directement le consensus émergent présentant la Chine comme étant belliciste et expliquent les coûts et les dangers élevés de continuer cette politique de rivalité contre la Chine. Ils s’opposent également à l’inflation irresponsable des menaces et à la peur des intentions chinoises. C’est une intervention cruciale et précieuse dans le débat sur la politique chinoise et l’orientation de la politique étrangère américaine que les Américains, de toutes allégeances politiques, gagneraient à lire.

Les va-t-en-guerres contre la Chine voudraient nous faire croire que les États-Unis doivent s’engager dans une lutte mondiale coûteuse contre un adversaire majeur car cela fera également ressortir le meilleur de notre pays et apaisera les divisions politiques existantes. Comme nous le disent les auteurs, “L’idée que la concurrence fait ressortir le meilleur d’une nation est romantique, mais fausse. La politique américaine est devenue encore plus conflictuelle et caustique à l’ère de la rivalité chinoise. La Chine apparaît comme un objet alimentant cette polarisation, et non l’améliorant.”

Voir l’article suivant : Les tendances naturelles du Capital à se concentrer, à se spécialiser et à se concurrencer – les 7 du quebec

Ce mythe entretenu par les va-t-en-guerres minimise ou efface également les abus et les destructions causés par les politiques de la Guerre froide, et présente cette période qui a failli détruire le monde comme quelque chose à imiter et à répéter.

Comme le montre l’histoire complète de la Guerre froide, cependant, une rivalité intense et prolongée avec une autre grande puissance exacerbe les divisions politiques internes, alimente des préjugés toxiques et conduit à piétiner les droits des minorités et des dissidents. La rivalité ne produit pas les biens politiques que ses partisans promettent, et elle menace de détruire ce qui reste de notre système démocratique. De plus, cela rend également une guerre catastrophique entre les États-Unis et la Chine beaucoup plus probable.

Les auteurs expliquent également comment la rivalité entre les États-Unis et la Chine contribue à la concentration de la richesse et à l’aggravation des inégalités économiques dans les deux pays. La rivalité alimente la consolidation de l’oligarchie des deux côtés du Pacifique, et l’augmentation des dépenses militaires détourne et gaspille des ressources qui seraient autrement utilisées à des fins plus productives et pacifiques. Un nombre relatif de personnes au sommet bénéficient d’une rivalité militarisée entre nos pays, tandis que la plupart des étasuniens et des chinois sont constamment lésés. Comme Jackson et Brenes l’ont dit, “Non seulement la rivalité habilite les déjà puissants, mais elle marginalise davantage les impuissants.”

La rivalité entre grandes puissances attise inévitablement le nationalisme en Chine et aux États-Unis. Les nationalistes des deux côtés utilisent la peur de l’adversaire pour susciter le soutien à une politique étrangère conflictuelle et étouffer la dissidence. La rivalité encourage également les deux gouvernements à présumer le pire des intentions de l’autre et à hésiter à s’engager dans quoi que ce soit au-delà des échanges diplomatiques les plus basiques.

Si l’un des fondements clés de la paix en Asie au cours des quatre dernières décennies a été la détente sino-américaine, comme Jackson l’a correctement soutenu dans son livre précédent “Pacific Power Paradox”, la rupture de cette détente et la profonde méfiance qui en a résulté entre nos gouvernements ont amené nos pays et l’ensemble de la région beaucoup plus près d’un conflit désastreux que nous ne l’avons été depuis des générations.

C’est exactement le moment où nous avons besoin que les deux gouvernements répudient la rivalité comme cadre de leurs politiques plutôt que de l’adopter.

Jackson et Brenes font un excellent travail pour démonter les arguments en faveur de la rivalité, mais ils offrent également une alternative convaincante que les sceptiques devraient trouver attrayante. Une partie de la solution consiste à abandonner la poursuite de la primauté. Comme Jackson et Brenes le précisent clairement, c’est la quête de la primauté de Washington qui est en contradiction flagrante avec les réalités politiques et économiques en Asie et dans le Pacifique, et c’est la quête de la primauté qui est déstabilisante.

Voir cet article qui explique que la rivalité est un constituant du Capital:  Les tendances naturelles du Capital à se concentrer, à se spécialiser et à se concurrencer – les 7 du quebec

Pour corriger le tir, “les États-Unis doivent renoncer à leurs ambitions de primauté et travailler à un équilibre stable avec la Chine et d’autres acteurs régionaux.» Ils recommandent que les États-Unis adoptent une retenue militaire associée à ce qu’ils appellent une sensibilité au dilemme de sécurité. Cette sensibilité est “la capacité de comprendre le rôle que la peur pourrait jouer dans leurs attitudes et leur comportement, y compris, de manière cruciale, le rôle que ses propres actions peuvent jouer pour provoquer cette peur.”

En bref, les décideurs américains doivent examiner comment les dirigeants chinois perçoivent les actions américaines et essayer de comprendre comment les politiques américaines conduisent les Chinois à y réagir.

La rivalité américano-chinoise est largement acceptée à Washington comme étant le cadre approprié pour les politiques américaines en Asie et au-delà. Cela a mis la politique étrangère des États-Unis sur la voie périlleuse d’une nouvelle guerre froide. Les États-Unis ne sont pourtant pas obligés d’emprunter cette voie. Il est encore temps pour les États-Unis d’aller dans une direction meilleure et plus pacifique, mais cela nécessite de reconnaître à quel point la rivalité entre grandes puissances est vraiment ruineuse et de réaliser que les États-Unis ont besoin d’une stratégie différente.

Le péril de la rivalité » est une contribution importante pour imaginer à quoi pourrait ressembler cette stratégie.

Daniel Larison

Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone.

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

2 réflexions sur “Le «péril de la rivalité» avec la Chine. Nous nous dirigeons vers une guerre froide toxique puis vers une guerre nucléaire

  • Normand Bibeau

    «L’enfer est pavé de bonne intentions» dit un dicton populaire et ce dicton emprunt d’une grande véracité, s’applique, en grande partie, à cet article et au livre qu’il encense.

    Ainsi, en soutenant que la politique U$ de confrontation avec la Chine et de celle de la Chine avec les U$A, seraient des choix subjectifs inadéquats, voire contre productifs, de certaines estaffettes politiques des capitalistes maîtres du monde, les auteurs occultent les causes objectives et subjectives inexorables et incontournables de ces politiques de confrontation, jusqu’y compris la guerre, qu’engendre inéluctablement l’appropriation capitaliste privée des richesses, fondement même du capitalisme puisque tous ne peuvent être propriétaires de la même marchandise en même temps.

    Le capitalisme ainsi que Marx l’a enseigné repose sur l’accumulation du capital comme condition sine qua non à la révolution perpétuelle qu’il impose aux moyens de production dans sa course effrénée à la plus value par la concurrence et l’anarchie de la production sur le marché, lesquelles conduisent à ces rivalités et jusqu’à la guerre.

    La révolution perpétuelle des moyens de production qui a fait passé la source d’énergie de l’industrie capitaliste de la traction animale, à celle au charbon, puis au pétrole, au gaz naturel,à l’électricité, à l’atome et demain à des sources d’énergie encore à découvrir aux termes de recherches des plus onéreuses, nécessitent des capitaux colossaux.

    La révolution capitaliste dans la source d’énergie de l’industrie s’est aussi opérée dans la machinerie des usines qui est passée d’atelier manuel, à la chaîne de montage, à la machine-outil pour devenir la robotique et l’usine entièrement automatisée opérée par des robots dotés d’intelligence artificielle.

    La révolution capitaliste dans le transport a transformé les moyens déplacements du cheval, à la voiture à cheval, aux locomotives à vapeur, à gazoline, à l’électricité, aux automobiles, aux autobus, métros, à l’avion et bientôt aux véhicules automatisés et aux vaisseaux spatiaux qui conduiront les milliardaires dans l’espace afin d’échapper aux destructions qu’ils auront infligées à notre planète.

    La révolution informatique et numérique qui a transformé les moyens de communication et d’analyse du téléphone à cadran, au cellulaire, du boulier à la machine à calculer et à l’ordinateur quantique a aussi nécessité des quantités toute aussi quantique de capitaux.

    Toutes ces révolutions dans les moyens de production, de transport et de communication ont requis des capitaux considérables qui en système capitaliste doivent être accumulés à travers les rapports de production d’exploitation capitaliste constituées d’une part de l’employeur, le capitaliste et de l’autre l’employé, l’esclave salarié dans une relation conflictuelle inexorable où le capitaliste s’approprie privément l’excédent entre le coût de vie et de reproduction de l’esclave salarié et la valeur ajoutée par son travail, la plus value, source de tout capital qui n’est en somme que du travail cristalisé sous forme de capital.

    La main d’œuvre est fournie par les esclaves salariés lesquels constituent le capital variable.Les matières premières doivent être soient achetées, soient pillées sans compensation, elles constituent le capital fixe.Enfin, le local et la machinerie sont aussi indispensables, ils constituent aussi du capital fixe.

    Ces capitaux, variable et fixe, sont localisés dans l’espace et doivent être exploités souvent dans le pays où ils sont sous la dictature d’un État national particulier, c’est en raison de cette réalité que les rivalités entre États naissent.Les esclaves salariés chinois et asiatiques doivent demeurer au service des capitalistes occidentaux, principalement U$, selon la politique occidentale, ce qui exclut qu’ils servent la bourgeoisie chinoise d’où la rivalité avec la bourgeoisie chinoise.
    Les matières premières russes, tout comme les hydrocarbures arabes doivent aussi servir les capitalistes occidentaux, principalement U$ selon la politique occidentale et non leur bourgeoisie «nationale» ou autre d’où la rivalité avec les bourgeoisie de ces États.

    Les rivalités et les guerres impérialistes ne sont nullement les choix politiques des estafettes politiciennes bonnimenteuses de la bourgeoisie mais une conséquence inéluctable du système d’exploitation capitaliste d’appropriation de la richesse et la seule et unique façon d’en finir avec ces abominations capitalistes inhumaines consistent à détruire le mal à sa racine en détruisant le système capitaliste et en instaurant la dictature du prolétariat.

    Hors de cette voie inutile de pleurnicher et de prier, les guerres interimpérialistes sont inévitables comme l’ont prouvé les 2 précédentes guerres mondiales et les innombrables guerres régionales et locales qui ont détruits l’humanité depuis l’avènement du capitalisme et de la société divisée en classes où ceux qui meurent ne sont jamais ceux qui commandent les guerres et en profitent.
    Organisons-nous pour qu’il n’y ait pas de III ième guerre mondiale thermonucléaire apocalyptique car comme l’a écrit Einstein:«[J]e ne sais pas exactement comment se déroulera la III ième guerre mondiale mais je sais que la IV ième se fera avec des bâtons et des silex» parce que l’humanité sera retournée à l’âge de pierre si elle y survit.

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