đâđš Au bord de lâabĂźme – Notre point de vue sur l’attaque terroriste amĂ©ricano-israĂ©lienne (Jacques Baud)
đâđš Spirit’s FreeSpeech, juin 22, 2025. Sur https://ssofidelis.substack.com/p/au-bord-de-labime
Par Michael Brenner, le 22 juin 2025. (Visionner la vidéo de Jacques Baud ci-dessous)
Chers amis et collĂšgues,
Ă l’heure oĂč j’Ă©cris ces lignes, la Maison Blanche de Trump a lancĂ© une attaque contre la RĂ©publique islamique d’Iran, un pays dĂ©jĂ victime d’une agression non provoquĂ©e de la part d’IsraĂ«l. Des bombardiers B-52 ont frappĂ© trois installations nuclĂ©aires majeures. Des batteries de missiles Tomahawk ont Ă©galement Ă©tĂ© tirĂ©es. Les consĂ©quences potentielles sont catastrophiques. Cette action est contraire Ă la disposition constitutionnelle explicite selon laquelle seul le CongrĂšs a le pouvoir de dĂ©clarer la guerre. Ce fait fondamental est Ă peine mentionnĂ© dans les discours publics.
Quelle que soit l’issue militaire immĂ©diate, cette course effrĂ©nĂ©e vers la guerre nous vaudra le mĂ©pris du monde entier. Sur le plan intĂ©rieur, la nation montrera une fois de plus qu’elle a perdu tout sens moral et que le peu de dignitĂ© qui lui reste se nourrit de l’adulation que les Ă©goĂŻstes s’accordent Ă eux-mĂȘmes. Une nation paria mĂ©prisĂ©e Ă l’Ă©tranger, sombre et autocratique, semble ĂȘtre notre destin inique.
Comment en sommes-nous arrivés là ?
Contexte
Les AmĂ©ricains nourrissent une hostilitĂ© intense envers la RĂ©publique islamique d’Iran, une rĂ©action Ă©motionnelle Ă l’humiliation subie lors de l’occupation de l’ambassade des Ătats-Unis Ă TĂ©hĂ©ran en novembre 1979. Cette expĂ©rience douloureuse a laissĂ© des traces dans la psychĂ© amĂ©ricaine. Elle ne cesse de nous irriter depuis plus de trente ans. Ce qui anime donc depuis longtemps le dĂ©sir de dĂ©truire le rĂ©gime des mollahs, c’est une animositĂ© qui dĂ©passe tout calcul de realpolitik ou les pressions incessantes d’IsraĂ«l et de son lobby amĂ©ricain. Cette Ă©motion s’est amplifiĂ©e et intensifiĂ©e avec le traumatisme du 11 septembre.
Je crois que le phĂ©nomĂšne du 11 septembre a qualitativement changĂ© l’attitude des AmĂ©ricains envers le monde et eux-mĂȘmes. Il a gĂ©nĂ©rĂ© des Ă©motions fortes â de vulnĂ©rabilitĂ©, d’angoisse diffuse, de vengeance â qui tourbillonnent juste sous la surface de notre rĂ©flexion sur la place des Ătats-Unis dans le monde, nos objectifs et, surtout, les moyens que nous sommes prĂȘts Ă mettre en Ćuvre pour les atteindre. C’est le thĂšme de l’essai ci-dessous, intitulĂ© Americanâs Moby Dick, Ă©crit il y a quelques annĂ©es. En voici les conclusions :
âPuisqu’il n’y a pas de vĂ©ritable Moby Dick Ă pourchasser, nous avons créé un jeu virtuel qui reproduit la chasse, la rencontre et la vengeance. Nous avons ainsi embrassĂ© le traumatisme post-11 septembre plutĂŽt que de l’exorciser. C’est cela la âguerre contre le terrorismeâ. Cette guerre nous concerne, nous, et non plus eux. C’est notre chemin de croix. Le psychodrame se dĂ©roule dans nos esprits et notre imagination.
âAchab s’est autodĂ©truit, a dĂ©truit son Ă©quipage, dĂ©truit son navire. Il a tout sacrifiĂ© dans sa quĂȘte, une quĂȘte de l’inaccessible. Les Ătats-Unis sacrifient leurs principes de libertĂ©, leur intĂ©gritĂ© politique, la confiance qui est le fondement de leur dĂ©mocratie, leur position dans le monde en tant que âmeilleur espoir de l’humanitĂ©â et leur capacitĂ© Ă Ă©prouver de la compassion pour les autres, y compris leurs concitoyens. Le Moby Dick amĂ©ricain a migrĂ© et s’est mĂ©tamorphosĂ©. Il est dĂ©sormais ancrĂ© au plus profond de notre ĂȘtre.
âLĂ , il engendre une postĂ©ritĂ© fictive, dont les principaux reprĂ©sentants sont les mollahs iraniens et Vladimir Poutine. Et maintenant, les Chinois aussi. Mais le fantasmagorique âPoutineâ n’est que le reflet de notre propre angoisse existentielle. Ce personnage spectral qui hante nos esprits n’a aucune existence objective. âPoutineâ â tout comme les mollahs diaboliques â est le fruit de notre psychĂ© nationale tourmentĂ©e. Nous avons transposĂ© sur eux tout le tourbillon d’Ă©motions turbiques que nous avions attribuĂ© Ă Oussama ben Laden, puis Ă l’Ătat islamique. âPoutineâ, Ă l’instar des reprĂ©sentations de Satan, est l’Ă©toile noire au milieu d’une foule de furies dĂ©moniaques : l’Iran, Assad, les talibans, le Hezbollah, les Houthis, le Hamas, le M-13.
âPour nous dĂ©barrasser du Moby Dick amĂ©ricain, nous devons tuer une partie de notre ĂȘtre corrompu â une sorte de chimiothĂ©rapie psychopolitique. Sinon, notre Ăąme nationale se dessĂ©chera, tout comme Achab a Ă©tĂ© aspirĂ© dans les profondeurs de l’ocĂ©an, empĂȘtrĂ© dans les cordages qu’il avait lui-mĂȘme fabriquĂ©s pour piĂ©ger Moby Dickâ.
Prologue
Aujourd’hui, alors que le projet mondial reste intact pour les Ă©lites et la grande majoritĂ© de la population, nous assistons Ă des bouleversements spectaculaires dans les mĂ©thodes et l’Ă©tat d’esprit national qui ont Ă©mergĂ© aprĂšs le 11 septembre. Les Ă©motions jouent un rĂŽle prĂ©pondĂ©rant dans nos objectifs, nos actions et notre mode d’action, qu’il s’agisse d’agressivitĂ©, de sentiment de justice ou de l’envie de dĂ©noncer, de dĂ©signer comme boucs Ă©missaires et de punir ceux qui nous font obstacle. Nous cherchons querelle Ă tous ceux que nous percevons comme hostiles. Nous recourons Ă la violence comme premier recours plutĂŽt qu’en dernier recours. Nous commettons des actes d’une inhumanitĂ© flagrante, de maniĂšre directe ou en tant que complices.
L’accent placĂ© sur le 11 septembre n’exclut pas l’influence facilitatrice d’autres tendances sociĂ©tales. Au cours des derniĂšres dĂ©cennies, le relĂąchement du tissu social du pays, la propagation du nihilisme qui a fait le jeu des narcissiques et des Ă©goĂŻstes de tout poil, la corruption des fondements de notre dĂ©mocratie libĂ©rale et l’affaiblissement de la sensibilitĂ© morale sont autant d’expressions d’une sociĂ©tĂ© qui s’est grossiĂšrement dĂ©gradĂ©e et d’une conscience engourdie. En bref, l’Ă©thique de l’engagement et de la responsabilisation dans les affaires publiques, tant au niveau national qu’international, s’est considĂ©rablement appauvrie.
Doit-on en conclure qu’il y a 30 ou 40 ans, nous, en tant que peuple et dirigeants, n’aurions pas pu tolĂ©rer ou participer Ă un gĂ©nocide au grand jour (prĂ©cĂ©dĂ© par notre participation aux longues attaques meurtriĂšres contre les YĂ©mĂ©nites) ? Que nous n’aurions pas envahi d’autres pays non menaçants avec dĂ©sinvolture, sans mĂȘme faire semblant de respecter les principes ou le droit international ? Que nous n’aurions pas arrachĂ© des enfants migrants Ă leurs parents pour les entasser dans des camps de dĂ©tention gĂ©rĂ©s par des entreprises privĂ©es ? Que la marche vers le dĂ©sastre ultime engagĂ©e aujourd’hui aurait Ă©tĂ© jugĂ©e irrecevable ?
Ou, sur le plan intĂ©rieur, que la majoritĂ© de la Cour suprĂȘme ne considĂ©rerait pas la Constitution comme un simple obstacle Ă franchir pour parvenir Ă ses conclusions prĂ©dĂ©terminĂ©es ? Que les prĂ©sidents successifs n’auraient pas ignorĂ© ou dĂ©tournĂ© les dispositions du Premier et du QuatriĂšme Amendement ?
Nous ne pouvons que spĂ©culer. Mon opinion personnelle est que nous n’aurions pas pu faire autrement.
Le Moby Dick américain
La quĂȘte obsessionnelle du capitaine Achab Ă la poursuite de Moby Dick Ă©tait motivĂ©e par une soif de vengeance. La grande baleine blanche avait mutilĂ© Achab, tant dans son Ăąme que dans son corps. Achab Ă©tait consumĂ© par la rage de retrouver son identitĂ©, de recouvrer ses capacitĂ©s et de se reconstruire en tuant son ennemi jurĂ©, une obsession que sa jambe de bois ne lui permettait pas d’oublier.
La âguerre contre le terrorismeâ menĂ©e par les Ătats-Unis est devenue notre mission nationale de reconstruction. La blessure psychique du 11 septembre nous afflige et attise notre dĂ©sir collectif de vengeance. La blessure physique est dĂ©jĂ guĂ©rie. Ă prĂ©sent, elle doit ĂȘtre commĂ©morĂ©e afin que la cicatrice soit visible â et nous voulons qu’elle soit visible, afin de la ressentir. Elle n’a jamais entravĂ© notre fonctionnement. En ce sens, ce n’est guĂšre plus qu’un orteil cassĂ©. Au lendemain du 11 septembre, on pouvait vĂ©ritablement craindre une nouvelle attaque â quelque chose qui, nous le savons aujourd’hui, n’Ă©tait pas Ă l’ordre du jour. Notre ennemi a Ă©tĂ© castrĂ©. Le grand Satan a Ă©tĂ© abattu Ă Abbottabad. Seules d’infimes piqĂ»res Ă intervalles rĂ©guliers au sein mĂȘme de notre communautĂ© parviennent Ă faire couler le sang.
Mais la catharsis nous Ă©chappe. Nous bouillonnons toujours d’Ă©motions, la plupart du temps refoulĂ©es sous la surface. Nous souffrons d’une anxiĂ©tĂ© profonde, d’un sentiment de vulnĂ©rabilitĂ©, d’une perte apparente de nos capacitĂ©s et de notre contrĂŽle. la sociĂ©tĂ© qui parle avec dĂ©sinvolture de âtourner la pageâ dans presque toutes les situations est incapable de tourner celle du 11 septembre. Au contraire, elle Ă©prouve un besoin puissant de ritualiser la peur, de poursuivre une quĂȘte implacable de sĂ©curitĂ© ultime, de commettre des actes de vengeance violents qui ne guĂ©rissent pas et ne rassasient jamais.
Nous parcourons donc les sept mers en quĂȘte de monstres Ă abattre. Pas Moby Dick en personne, mais ses complices, ses soutiens, Ă©mules & partisans. Des baleines de toutes sortes, grandes et petites, tombent sous nos harpons. Les dauphins morts et innocents sont bien plus nombreux qu’eux. Les alĂ©as de la guerre.
Comme on ne peut pas vraiment pourchasser Moby Dick, on a inventĂ© un jeu virtuel oĂč on mime la chasse, la rencontre, la vengeance. On a ainsi acceptĂ© le traumatisme post-11 septembre au lieu de l’exorciser. C’est ça, la âguerre contre le terrorismeâ. Cette guerre, c’est nous, ce n’est plus eux. C’est notre chemin de croix. Le psychodrame se dĂ©roule dans notre esprit et notre imagination.
Pour nous dĂ©barrasser du Moby Dick amĂ©ricain, nous devons tuer une partie de notre ĂȘtre corrompu â une forme de chimiothĂ©rapie psychopolitique. Sinon, notre Ăąme nationale se flĂ©trira, tout comme Achab a Ă©tĂ© aspirĂ© dans les profondeurs de l’ocĂ©an, empĂȘtrĂ© dans les cordages qu’il a lui-mĂȘme fabriquĂ©es pour piĂ©ger le monstre.
Traduit par Spirit of Free Speech

VersĂŁo em LĂngua Portuguesa:
https://queonossosilencionaomateinocentes.blogspot.com/2025/06/a-beira-do-abismo-o-nosso-ponto-de.html