7 au Front

Critique de la théorie du capital financier – monétariste et néolibérale – de Hudson

Par  Normand Bibeau.

À propos de l’article  De l’économie néolibérale à l’économie néoféodale (Michael Hudson) – les 7 du quebec.  https://les7duquebec.net/archives/302276

Le professeur Michael Hudson a occupé de nombreux emplois auprès d’institutions financières (Chase Manhattan Bank, 1964-1968), universitaires (New School for Social Research, 1969-1972), cabinets privés et institutions gouvernementales. Depuis 1996, il préside un Think Tank américain (Institut for the Study of Long-Term Economy Trends, ISLET). À ne point en douter, il s’agit d’un économiste bardé de diplômes et de reconnaissances au sein de la société capitaliste mondiale. (1)

Il appert de ce vidéo (https://les7duquebec.net/archives/302276) qui expose son analyse de l’économie capitaliste mondiale (capital financier/monétariste/néolibérale) que Hudson ignore la «lutte des classes» comme moteur de l’histoire tout en reconnaissant Marx, du bout des lèvres, après l’avoir ajouté à sa liste des économistes classiques: Adam Smith, Ricardo, Malthus, Karl Marx.

Marx lui-même dans le «Manifeste du Parti communiste» (voir :  https://les7duquebec.net/archives/242244) a reconnu qu’il avait synthétisé la totalité des œuvres des économistes majeures du capitalisme auquel il a ajouté les socialistes utopistes français à la lumière de la dialectique hégélienne et du matérialisme, pour conclure que «l’histoire de l’humanité n’a été que l’histoire de la lutte des classes». Marx ajouta que le prolétariat serait l’ultime classe sociale qui en détruisant la bourgeoisie par l’abolition de la propriété privée des moyens de production, de commercialisation et de communication se détruirait elle-même et d’où naîtrait la société sans classe sociale, la société communiste.

Dans son ouvrage «majeur»: «[Super imperialism:The Economic Strategy of American Empire» (1972), le professeur Hudson, soutient qu’avec l’abandon de l’étalon-or et la «fin du système Bretton Woods», en 1971, par le gouvernement Nixon, l’impérialisme U$ serait passé d’une hégémonie mondiale militaire et territoriale à une hégémonie monétaire et financière, par le biais du «dollar U$», «monnaie fiduciaire» redevable des échanges commerciaux internationaux qui monopolise le crédit mondial et partant, contrôle les institutions «prêteuses» comme le FMI, la Banque mondiale, etc.

Ainsi, selon Hudson, les dollars U$ auraient remplacé les bombes et les porte-avions dans les relations internationales américaines, sûrement à l’insu du million de Vietnamiens, de Cambodgiens et de Laotiens morts non pas sous une pluie de dollars U$, mais sous des cataractes d’agent orange, de napalm et de munitions à l’uranium.

Dans sa mise à jour de 2021, il ajoute à ces institutions de monopole monétaire et financier américain : le système SWIFT, le marché obligataire, les sanctions financières et commerciales, ainsi que l’extra-territorialité des lois américaines pour quiconque utilise des dollars U$.

Bien qu’il soit exact que les gouvernements  financent une grande partie de leurs dettes par l’achat d’obligations du trésor américain, libellés en dollars U$, créant ainsi une dépendance mondiale à la «valeur» du dollar U$, la théorie «monétariste» du professeur  Hudson est incapable d’expliquer pourquoi une puissance «super-impérialiste» qui exercerait sa domination dictatoriale par le contrôle de sa monnaie et du système financier international, a besoin de maintenir en opération 800 bases militaires dans le monde, sept flottes de guerre sur les mers, plus d’un million de soldats, des milliers d’agents secrets et de terroristes fanatiques pour la faramineuse somme de 1,000 milliards de U$D (2025).

Pourquoi ces maîtres fiduciaires et financiers ont-ils besoin de verser 21 milliards de U$D à leurs mercenaires terroristes israéliens pour exterminer le peuple palestinien et terroriser les populations et les gouvernements du Moyen-Orient notamment afin d’extorquer leur pétrole et de confisquer leur rente énergétique?

Pourquoi subir l’humiliation de défaites ignominieuses en Afghanistan, en Irak, en Libye, au Yémen, en Iran, en Ukraine, en somme, partout où le super-impérialisme américain impose par la force des ogives nucléaires et non par la force des dollars, sa dictature hégémonique?

Il y a plus encore, bien qu’il soit exact que les États-Unis d’Amérique exercent une domination monétaire et financière mondiale via le dollar et les institutions financières qu’ils contrôlent, ils n’en sont pas pour autant dispensés d’offrir des «biens tangibles, des marchandises et des services» en échange des dollars pour que la valeur de cette monnaie se maintienne sur les marchés boursiers.

Les États-Unis échangent leurs dollars contre des biens de consommation qu’ils importent de partout à travers le monde pour soutenir leur train de vie parasitaire. Il est économiquement faux de prétendre que la balance commerciale américaine soit déficitaire comme le prétend Trump, pour imposer ses « pizos mafieux » à ses vassaux en échange de «sa protection»  sous peine de les livrer à leurs victimes, les masses populaires enragées du monde entier.

À l’aide de ces dollars, les capitalistes achètent ce que les États-Unis  produisent: des armes, des systèmes informatiques, des technologies d’Intelligence artificielle et nombre de produits de consommation. Les capitalistes américains sont les plus grands exportateurs d’armes au monde. Ils sont les plus grands producteurs de riz, de blé, de sojas, etc.


Dans son second ouvrage, le professeur Hudson expose sa théorie économique: «Killing the Host: How Financial Parasites and Debt Bondage Trap the Global Economy» (2015).

C’est cet ouvrage qu’il résume dans ce vidéo. «De l’économie néolibérale à l’économie néoféodale (Michael Hudson) – les 7 du quebec.»  https://les7duquebec.net/archives/302276

Hudson reprend la distinction faite par les économistes classiques entre:

«Dépenses productives» (issues de l’investissement industriel réel et du travail) et «Dépenses improductives» (issues des rentes et des intérêts), les premières étant «bénéfiques» et les secondes «maléfiques».

Pour le prof. Hudson, l’impérialisme et la domination sans partage du capital financier sur l’économie ne sont pas le «stade suprême» naturel et inexorable du capitalisme, mais une distorsion «néo-libérale» induite subjectivement dans l’économie capitaliste classique et progressiste par de vilains rentiers et des usuriers qui ont remplacé les rentes seigneuriales et l’intérêt né de l’usure par des rentes capitalistes et des «intérêts» grâce à la subversion politique.

Ainsi, il suffirait d’abolir les «intérêts illégitimes», les «rentes locatives, liées aux immeubles» et «les rentes territoriales, liées aux ressources naturelles» pour que le capitalisme reprenne son envol comme au temps béni de sa jeunesse.

Le prof. Hudson veut faire reculer la roue de l’histoire pour restaurer «un capitalisme productif, industriel et souverain libéré de la contrainte de la finance rentière parasitaire» (sic).  Plus d’exploiteurs et plus d’exploités, plus de dominants et de dominés, plus de bourgeois et de prolétaires dans un monde capitaliste classique, traditionnel, post-néo-libéral (sic).  Adieu le «1% les plus riches de la population qui accaparent 45,6% de toute la richesse collective alors que les 50% les plus pauvres n’en détiennent que ~0,75%».  Adieu «le 1,1% de millionnaires qui détiennent ~45% de toute la richesse».

La domination du «capital financier» comme aboutissement du «capital monétaire» sur le «capital industriel» qu’avait anticipé Marx dans le Capital et le Grundisse est dans la nature même du capitalisme: «[L] a circulation du capital (monétaire) est une fin en soi, non parce que la satisfaction des besoins s’y trouve, mais parce que le mouvement de l’argent est son propre but» ( Grundisse, cahier II).

Pour Marx contrairement à Hudson, l’«intérêt ne naît pas du capital comme tel, mais de son emploi productif par d’autres» (Das Kapital, livre III, chapitre 21), car comme l’enseigne la science: «Rien ne se perd, rien ne se crée» (Lavoisier) ni ne naît du néant.

Le «capital de prêt tend à dominer les autres formes du capital, car il contrôle les conditions de sa reproduction (crédit, dettes, liquidités) et bénéficie d’une souplesse et d’une mobilité que n’ont pas les autres formes du capital.

Ainsi, « [L]e système du crédit accélère les forces motrices du capitalisme, mais il est aussi le ressort le plus puissant de la spéculation et des crises» (Das Kapital, livre III, chapitre 25).  Aussi, «Le crédit organise la domination du capital accumulé (sous forme monétaire) sur le travail vivant et le capital actif» ( Grundisse).

Marx dans le Livre III du Capital au chapitre 29, expose ce qui sera le «capital financier» en ces termes: «Le capital fictif consiste en titres de propriété, obligations, actions, créances, qui ne représentent pas du capital réel, mais un droit sur le revenu futur». Marx poursuit: «Ces titres de créance deviennent eux-mêmes des marchandises, et leur prix varie selon les anticipations de revenu, le taux d’intérêt, etc.»

Ainsi, ce mécanisme naturel du capitalisme qui va de l’autonomisation complète du «capital monétaire» en échange de revenus futurs détachés de leur valorisation par une production réelle donne naissance au capital financier.  «Dans le capital portant intérêt, la forme du capital est devenue indépendante du processus de production; la valeur s’y valorise elle-même» (Das Kapital, livre III, chapitre 24).

Pour Marx et les marxistes, le «capital financier» n’est pas une aberration, une malformation du capitalisme, mais son expression ultime, absolue, inéluctable, c’est la transformation de la valeur en une entité autonome, abstraite, autoréférentielle qui domine la production réelle quelle soumet à la dictature de ses détenteurs, les capitalistes financiers (les banquiers) dont la sagesse populaire dit que: «l’argent attire l’argent».


 

  • Le professeur Hudson, né le 14 mars 1939, a obtenu sa licence en philologie avec mineure en histoire de l’Université de Chicago en 1959; son Master en économie de l’Université de New York, en 1963 et son Doctorat (Ph.d.) en économie de NYU, en 1968.
    https://www.youtube.com/watch?v=8yB1008CLis

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

Une réflexion sur “Critique de la théorie du capital financier – monétariste et néolibérale – de Hudson

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