Asie/Afrique

Voici ce qui devrait se passer pour empêcher la Syrie post-Assad de s’effondrer (Korybko)

Par Robert Bibeau

Le géopoliticien Andrew Korybko présente ci-contre  la position officieuse du gouvernement russe à propos de l’affaire syrienne parti en vadrouille depuis une semaine. La Syrie, mieux que l’Irak ou le Liban, représente une synthèse de l’immense complexité du vieux sous-continent qu’est le Moyen-Orient arabe ou la plupart des puissances impérialistes mondiales pratiquent l’interventionnisme économique, politique et ultimement militaire, faisant puis défaisant les gouvernements fantoches,  ce qui nous fait dire : Comment les capitalistes sèment la guerre et le chaos afin d’imposer la dictature de leurs serviteurs compradores – les 7 du quebec.


Par Andrew Korybko.

La Syrie de l’après-Assad est au bord d’un effondrement total qui pourrait la transformer en le plus grand foyer de terrorisme au monde si ce processus n’est pas rapidement évité.   Source: Voici ce qui doit se passer pour empêcher la Syrie post-Assad de s’effondrer.

L’effondrement épique de l’Armée arabe syrienne (AAS) au cours des dix derniers jours et la fuite lâche d’Assad de Damas tôt dimanche matin annoncent l’aube d’une nouvelle Syrie. Le risque le plus immédiat est que le pays entier s’effondre, tout comme l’Afghanistan, l’Irak et la Libye avant lui. Cela pourrait créer un trou noir d’instabilité d’où pourraient émerger d’innombrables menaces terroristes mondiales. Voici ce qui doit se passer pour empêcher la Syrie post-Assad de connaître cet avenir sombre :

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1. L’armée et les services de sécurité doivent rester intacts

Les trois précédents cas d’effondrement de l’État ont été caractérisés par la dissolution de l’armée et des services de sécurité peu de temps après le succès de leurs complots de changement de régime soutenus par l’étranger. Dans le cas de la Syrie, l’AAS existe toujours en tant qu’institution, même si elle est en retrait vers on ne sait où, peut-être sur la côte à majorité alaouite. Il est donc impératif qu’il ne s’effondre pas et qu’il coopère avec l’opposition anti-gouvernementale non terroriste (NTAGO) pour s’assurer que tout ne devienne pas incontrôlable.

2. La réforme politique doit commencer sans délai

Lavrov a souligné à plusieurs reprises lors de son interview au Forum de Doha samedi que le gouvernement syrien et le NTAGO devaient immédiatement mettre en œuvre la résolution 2254 du Conseil de sécurité de l’ONU de fin 2015, qui appelle à des réformes politiques drastiques telles qu’une nouvelle constitution et des élections supervisées par l’ONU. C’est le refus d’Assad de faire des compromis avec le NTAGO qui a finalement conduit à ce désastre. Le Premier ministre Jalali serait toutefois le leader par intérim pendant la transition politique, ce qui est un signe positif.

3. Le projet de Constitution rédigé en russe doit être relancé

Il a été estimé à la fin du mois dernier que l’une des « cinq raisons pour lesquelles la Syrie a été prise par surprise » est qu’Assad a rejeté le projet de constitution rédigé par la Russie lors du premier sommet d’Astana en janvier 2017, qui a été critiqué de manière constructive et détaillée à l’époque. Une fois qu’il est écarté, les multiples concessions que ce document appelait Damas à faire pourraient enfin devenir une réalité, et elles pourraient même être poussées plus loin que ce que ses auteurs avaient initialement envisagé compte tenu des nouvelles circonstances.

4. Les minorités alaouites et kurdes doivent être protégées

Pour l’instant, la côte alaouite échappe au contrôle des terroristes de Hayat Tahrir al-Sham (HTS) soutenus par la Turquie, tout comme le nord-est contrôlé par les Kurdes soutenu par les États-Unis, dont les deux minorités doivent être protégées des djihadistes. À cette fin, le document susmentionné pourrait jeter les bases d’une large autonomie fédéralisée de type bosniaque qui pourrait faire tomber la côte sous la « sphère d’influence » de la Russie, tout comme le nord-est si Trump retire les forces américaines de là-bas comme RFJ Jr. a affirmé qu’il avait l’intention de le faire.

5. Le gouvernement intérimaire doit maintenir les bases de la Russie

Et enfin, la Russie peut aider le gouvernement syrien intérimaire à lutter contre les terroristes, tout comme elle a aidé Assad à le faire à partir de 2015, elle doit donc lui permettre de maintenir ses bases à cette fin. Leur retrait laisserait l’État syrien sans défense et la côte à majorité alaouite à la merci de HTS. En fait, puisque l’intervention de la Russie en Syrie a été motivée par des motifs antiterroristes, elle pourrait refuser de se retirer sous prétexte de sécurité nationale et peut-être donner naissance à un État côtier indépendant pour légitimer sa présence continue.

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La Syrie de l’après-Assad est au bord d’un effondrement total qui pourrait la transformer en le plus grand foyer de terrorisme au monde si ce processus n’est pas rapidement évité. Le moyen le plus efficace d’éviter que cela ne se produise est de suivre les cinq conseils de cette analyse. Rien de moins augmenterait considérablement les chances que le pire des scénarios se produise, mais même dans ce cas, la Russie pourrait encore atténuer une partie des dégâts si elle continue à bombarder les terroristes en Syrie et soutient la création d’un État côtier indépendant.


 

Les cinq raisons pour lesquelles la Syrie a été prise par surprise

 

Le désastre d’Alep aurait pu être évité et il est aussi grave qu’il n’y paraît.

L’avancée des terroristes et des « rebelles » soutenus par la Turquie sur Alep, qui a été analysée ici, a été un choc pour la plupart des observateurs. Il y a eu près d’une demi-décennie de paix entre le cessez-le-feu de mars 2020 et aujourd’hui, mais pratiquement rien n’a été fait pour se préparer à cette éventualité. Et ce, malgré le fait que la ligne de front restait à environ deux douzaines de kilomètres d’Alep, ce qui aurait dû rappeler à Assad à quel point la deuxième ville de son pays est vulnérable. Voici les cinq raisons pour lesquelles la Syrie a été prise par surprise :

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1. Complaisance et corruption

L’Armée arabe syrienne (AAS) s’est reposée sur ses lauriers parce qu’elle a pris pour acquis le cessez-le-feu négocié par la Russie, après quoi la corruption infâme du pays s’est mise à dégrader ses capacités. Il n’y a aucune excuse pour expliquer pourquoi même les drones de base n’ont pas été utilisés pour le renseignement, la surveillance et la reconnaissance (ISR) afin de détecter l’accumulation qui a précédé cette avancée. Une grande partie de la raison pour laquelle l’AAS n’a rien fait est probablement parce qu’elle a supposé que ses alliés russes et iraniens assumeraient ces responsabilités à leur place.

2. La rivalité russo-iranienne

La Russie et l’Iran ont combattu ensemble contre le terrorisme en Syrie, mais ce sont aussi des rivaux qui se disputent l’influence de premier plan sur Damas. Leur concurrence est si intense que la Russie ne fait toujours rien d’autre que de se plaindre occasionnellement chaque fois qu’Israël bombarde le CGRI là-bas, ne donnant jamais à la Syrie les moyens d’intercepter ces attaques ou de riposter par la suite. S’ils n’avaient pas été rivaux, la Russie et l’Iran auraient pu renforcer conjointement l’AAS, mener l’ISR à Idlib et renforcer les défenses d’Alep.

3. Alliés distraits et estropiés

Pour aggraver encore les choses pour la Syrie, l’avancée des terroristes et des « rebelles » sur Alep est survenue précisément au moment où la Russie est distraite par l’opération militaire spéciale (SMO) et où l’Iran a été paralysé par ses guerres en Asie occidentale avec Israël. Sans une puissance aérienne russe et une main-d’œuvre iranienne suffisantes, y compris celles que ce dernier aurait pu faire appel au Hezbollah, il sera extrêmement difficile pour l’AAS de repousser les attaquants loin d’Alep. Ce facteur, plus que tout autre, aurait même pu sceller son destin.

4. Ignorer les leçons du SMO

Même au milieu de la rivalité russo-iranienne et des problèmes susmentionnés de ses alliés, l’AAS aurait pu tirer les leçons du SMO par elle-même et se préparer beaucoup mieux à ce qui s’est finalement passé. Des tactiques de drones magistrales et des unités stratégiquement dispersées ont caractérisé l’attaque jusqu’à présent, deux caractéristiques du SMO, mais l’AAS n’était absolument pas préparée à cela. Il doit donc assumer la responsabilité finale d’avoir manqué à son devoir en tirant les leçons de ce conflit et en adaptant ses défenses en conséquence.

5. Ne pas faire de compromis pour la paix

La dernière raison pour laquelle la Syrie a été prise par surprise est qu’elle n’a pas fait de compromis pour la paix en acceptant le « projet de constitution » écrit par la Russie en 2017, qui a été critiqué de manière constructive en détail ici. Il regorge de concessions que l’on peut sympathiser avec la Syrie pour l’avoir rejeté, mais avec le recul, cela aurait finalement pu résoudre le conflit et ainsi éviter le fiasco en cours à Alep. Pour cette raison, elle pourrait être relancée en ces temps désespérés, mais l’opposition pourrait maintenant exiger encore plus de concessions.

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Le désastre d’Alep aurait pu être évité et il est aussi grave qu’il n’y paraît. Cela ne fait pas partie d’un « plan directeur d’échecs 5D » pour « piéger les terroristes dans un chaudron » comme certains membres de la communauté des médias alternatifs l’ont laissé entendre ou prétendu. Les observateurs devraient rejeter la « perspicacité » partagée par ceux qui se sont déjà discrédités avec leurs points de vue fantastiques sur le SMO et les guerres de l’Asie occidentale. La vérité « politiquement gênante » est que la Syrie a été prise par surprise, que l’AAS est sur la défensive et que le pire est peut-être encore à venir.

 

Source:  The Five Reasons Why Syria Was Caught By Surprise

 

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

3 réflexions sur “Voici ce qui devrait se passer pour empêcher la Syrie post-Assad de s’effondrer (Korybko)

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  • Normand Bibeau

    Qu’est-ce qui peut justifier qu’après 76 ans d’apartheid et de persécutions barbares des palestiniens martyrs, leurs tortionnaires israéliens en soient venus à passer au génocide comme «solution finale à la question palestinienne», armés, financés, protégés et encouragés par leurs sponsors américains, européens et otaniens dans une abstinence d’opposition effective de tous les États et particulièrement des États arabes.
    Qui peut intelligemment croire que les événements du 7 octobre 2023 alors que les soldats du Hamas jusqu’alors «soutenu» par Israël ont mené une opération militaire en territoire occupé afin d’y prendre des otages en vue de négocier la libération des 7000 prisonniers palestiniens détenus illégalement dans les geôles de l’occupant puisse expliquer le génocide que déclenchèrent les sionazis israéliens contre TOUS les gazaouis, les palestiniens de Cisjordanie occupée, de Jérusalem-est et de tout Israël?
    Plus encore, l’unanimité «instantanée» de toute la «communauté occidentale», politique, médiatique, économique et militaire, pour soutenir, financer et armer ce génocide, sans aucune limite, malgré son intensité et l’évidence de sa facture génocidaire révélés par toutes les informations en provenance de Palestine.
    De facto, du nord au sud, d’est en ouest, des USA à la Chine, de l’Iran à la Turquie, hormis quelques cris d’orfraie et votes sans conséquence dans l’institution moribonde qu’est devenue l’ONU, aucun État ne s’est porté réellement à la défense des palestiniens, des libanais, des syriens génocidés aux yeux et aux sues de l’humanité toute entière.
    Tous les États ont apparemment «spontanément» renié l’intégralité du droit international humanitaire et les traités internationaux interdisant formellement de s’attaquer aux civils non combattants,aux poupons,aux enfants,aux adolescents aux femmes, aux vieillards, de les assoiffés, de les affamés, en somme, de les génocider.
    Les génocidaires sionazis israéliens ont poursuivi leur génocide en perpétrant des crimes de guerre en assassinant à l’étranger les chefs du Hamas, puis du Hezbollah, en tuant des innocents avec des beepers, des talkies-walkies, des bombardements pour finir par envahir militairement le Liban et maintenant la Syrie.
    Tous ces crimes innombrables furent commis avec l’assentiment et l’encouragement unanimes des gouvernements et des médias grand public malgré l’énormité de tous ces crimes.
    Voilà maintenant que les puissances de l’ombre embrasent la Syrie et y déploient rien de moins que des terroristes djihâdistes notoires et avérés qu’ils ont encore ici unanimement l’outrecuidance et l’effronterie de présenter au monde comme des «fous d’Allah repentis», l’impudence de ces «faiseurs de rois» n’a aucune limite, voire la moindre décence.
    S’y ajoutent les turques, les kurdes et comme par hasard les sionazis israéliens et tous ces prétendants vassaux à une parcelle de la Syrie martyr et surtout de ses champs pétrolifères auraient «pris par surprise» un Assad têtu, surtout aveugle, sourd et idiot, et ses alliés russes qui trouveraient le salut dans la fuite et auraient comme par hasard «une constitution» toute prête pour résoudre cette invasion perpétrée par leur nouvel «ami» au sein des BRICS: la Turquie, sans opposition des ses anciens amis: l’Iran et l’Arabie saoudite, fraîchement réconciliés sous les hospices du parrain à tous la Chine, ennemi juré des U$A, le sponsor des sionazis et des djihâdistes repentis alliés dans cette opération «surprise» connue de tous sauf du seul intéressé.
    Une chatte y perdrait ses chatons s’il fallait croire tout cet enfumage et ce brouillard de guerre nauséabond qui se résume en un vaste changement de la garde des dirigeants fantoches pour un grand ménage avant le passage à la guerre contre la Chine.
    Heureusement que le ridicule ne tue pas, Korybko y laisserait sa peau comme de très nombreux autres «experts» au demeurant.
    Ce qui interpelle tout analyste de la scène internationale dans ces événements d’une extrême gravité c’est la rapidité et surtout l’unanimité avec lesquels le narratif médiatique démagogique a déferlé sur le public aussitôt que chacune de ces escalades dans la guerre est survenue.
    Ainsi, dès qu’un crime est révélé, sa justification médiatique s’abat sur le public comme une chape de plomb et quiconque ose la contredire, voire la questionner, subit l’accusation d’antisémitisme, accompagnée de menaces de poursuite criminelle pour «apologie du terrorisme», un matraquage du plein poids de la loi digne d’une censure de temps de guerre.
    Il est impossible qu’une pareille opération militaire et médiatique puisse être le fruit du hasard ou résulté d’une communauté d’intérêt et de pensée naturelle, toutes deux font partis nécessairement d’un plan concerté orchestré au plus haut sommet de la hiérarchie du pouvoir.
    Hormis que ce plan vise directement la région où le pétrole abonde, une ressource énergétique indispensable en temps de guerre pour faire tourner les moteurs du matériel militaire, c’est aussi, une région où s’affronte les puissances mondiales afin d’y imposer leurs vassaux qui connaît la plus grande diversité de régime politique et l’économie la plus dépendante de ses exportations d’hydrocarbures.
    Après les assassinats des Hussein, Kadhafi, Arafat, le génocide des palestiniens martyrs, la destruction du Hamas, du Hezbollah et l’éviction d’Assad, c’est toute une page de l’histoire de l’orient occidental qui se tourne et ce que l’avenir promet sous la dictature impitoyable des mollahs et de l’obscurantisme pharaonique moyenâgeux n’augure rien de bon pour les peuples de ces contrées pourtant grandement éprouvés.
    Marx enseignait que les idées tardaient toujours sur la réalité et l’achèvement des idées de l’époque des «nationalismes tiers-mondistes» vient de connaître son dénouement avec l’éviction d’Assad, dorénavant ce sera obscurantisme pharaonique moyenâgeux, Coran, Talmud, Bible contre le marxisme, barbarie contre civilisation.

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