7 au Front

L’impérialisme stade suprême du mode de production capitaliste (MPC)

Par Robert Bibeau.

Par Claudio Buttinelli cet article est disponible  en anglais, en italien et en espagnole ici:
Articles du 6 Septembre 2023

 

L’IMPÉRIALISME STADE SUPRÊME DU MODE
DE PRODUCTION CAPITALISTE

 

Depuis l’aube des temps, l’espèce humaine a connu quatre différents modes de production. Le mode de production primitif sans classes sociales (chasseur-cueilleur) ; le mode de production esclavagiste (esclave opposé à l’homme libre) ; le mode de production féodal (le serf opposé au seigneur) ; le mode de production capitaliste (le prolétaire opposé au bourgeois). Le monde connaîtra un jour un nouveau mode de production sans classes sociales, le communisme. Pour le moment, nous étudierons l’évolution du mode de production capitaliste (MPC) jusqu’à son stade impérialiste suprême.

Au cours de l’histoire, suivant les aléas de la lutte de classes – propulsée par les contradictions inhérentes à chaque mode de production – l’évolution a porté chaque mode de production de sa phase d’émergence révolutionnaire, à sa phase de croissance et de maturité, puis à son stade de dégénérescence impérialiste l’entraînant vers la décadence. Notamment, il y eut l’empire du Milieu (Chine), l’Empire romain, l’Empire byzantin, l’empire espagnol, l’empire portugais, l’empire du Congo, l’empire maya, l’Empire inca, l’empire austro-hongrois, l’empire russe, l’Empire ottoman, le Second Empire français, l’Empire britannique, le IIIe Reich allemand et l’empire américain. Bien que semblables sous plusieurs aspects (militarisation et armement, hégémonie sur le commerce extérieur, guerre d’expansion, pillage des ressources intérieures et extérieures, exploitation de la force de travail, etc.) ces empires diffèrent en fonction des caractéristiques de leur mode de production (technologies, moyens de production, moyens de transport et d’échanges), en fonction aussi des rapports sociaux de production, et conséquemment de la culture (religion, langue, mœurs, liens sociaux, etc.) propre à chaque civilisation.

L’impérialisme moderne, propre au mode de production capitaliste, se caractérise par cinq processus économiques entremêlés.

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L’impérialisme moderne (nos thèses)

1) la monopolisation de la propriété des moyens de production, d’échange et de communication;

2) l’impérialisme moderne c’est la concentration de la richesse – du patrimoine social – du capital – entre les mains de trusts et de cartels internationaux qui ont donné naissance au Grand capital mondialisé et à l’oligarchie financière mondialiste;

3) l’impérialisme moderne c’est aussi l’intégration de tous les secteurs industriels, commerciaux, bancaires et financiers en une seule et même économie politique globalisée et interreliée formant une vaste chaîne de reproduction mondialisée ou les capitaux (fiduciaires) s’exportent et s’échangent tout autant que les marchandises;

4) l’impérialisme moderne c’est la financiarisation du capital et des échanges;

5) l’impérialisme moderne se caractérise enfin par la tertiarisation des emplois de plus en plus précaires et parasitaires.

Lénine et ses thèses sur l’Impérialisme

Cinq caractéristiques du capitalisme au stade impérialiste d’évolution
(et non pas cinq caractéristiques d’un pays impérialiste)

 

1) Concentration de la production et du capital parvenue à un degré de développement si élevé qu’elle a créé les monopoles, dont le rôle est décisif dans la vie économique.

2) Fusion du capital bancaire et du capital industriel, et création, sur la base de ce « capital financier », d’une oligarchie financière.

3) L’exportation des capitaux, à la différence de l’exportation des marchandises, prend une importance toute particulière [à ne pas confondre avec la fuite des capitaux et l’optimisation fiscale dans les paradis fiscaux].

4) Formation d’unions internationales monopolistes de capitalistes concurrents se disputant le monde, ses ressources et les marchés.

5) Partage territorial du globe entre les grandes puissances capitalistes. L’impérialisme est le capitalisme arrivé à un stade de développement où s’est affirmée la domination des monopoles et du capital financiers, où l’exportation des capitaux a acquis une importance de premier plan, où le partage du monde a commencé entre les trusts internationaux  [donc où les trusts sont en surplomb des États et où les États et les larbins politiques gouvernants ces États sont les mandataires, les coursiers des trusts et des monopoles] et où s’est achevé le partage de tout le territoire du globe entre les plus grands pays capitalistes (41).

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Chacun aura remarqué que Lénine énumère cinq caractéristiques que manifeste le mode de production capitaliste (MPC) dans sa phase d’évolution impérialiste, quelle que soit la région du monde analysé.

Lénine suggère que ces caractéristiques sont des symptômes qui permettent de diagnostiquer le stade de développement du cancer impérialiste dans l’ensemble de l’infrastructure et de la superstructure capitaliste mondialisée.

Ces caractéristiques propres au mode de production capitaliste ne peuvent servir à diagnostiquer le degré de « contamination impérialiste » d’un État ou d’une entité géographique en particulier (Russie, Chine, États-Unis, etc.). La science matérialiste dialectique analyse l’évolution d’un mode de production comme un ensemble, un tout global (intégré) et non pas comme l’addition de particules nationales (États-nations), de particules ethniques, raciales, culturelles, linguistiques, religieuses, etc.

Selon le matérialisme dialectique marxiste, l’instance économique de la lutte de classe est à la fois dominante et déterminante.

Le renégat Kautsky fut l’un des premiers à confondre le concept de mode de production capitaliste et le concept d’État-nation capitaliste. Kautsky, le père du « surdéterminisme idéologique », écrivait : « L’impérialisme est un produit du capitalisme industriel hautement évolué. Il consiste dans la tendance qu’à chaque nation capitaliste industrielle à s’annexer ou à s’assujettir des régions agraires toujours plus grandes, quelles que soient les nations qui les peuplent. ».

Les exégètes de Kautsky, de Gramsci et de Mao-Tsé-Toung ont été encore plus explicites en spécifiant que « La domination culturelle du Canada par l’impérialisme américain est totale (…) Nous avons souligné qu’à cause de l’intensification de la contradiction entre les impérialistes américains, leurs laquais, et le peuple canadien, au niveau culturel, la contradiction au niveau économique était, temporairement, reléguée à une position secondaire. En conséquence, les petits-bourgeois, spécialement les étudiants dans les universités, seront les premiers à se soulever (…) les masses étudiantes sont opprimées par la culture impérialiste et leur révolte trouve son origine dans l’expansion impérialiste. » (42).

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Ceci signifie-t-il « qu’aussi longtemps que l’impérialisme disposera d’une réserve d’accumulation dans les pays économiquement les plus retardataires où une grande partie de la population vit encore d’une agriculture de subsistance en marge de la grande industrie, le mode de production capitaliste [à son stade impérialiste moderne] disposera d’une réserve de croissance potentielle pour l’extension de ses forces productives, de ses moyens de production, pour l’accumulation de la plus-value et des profits à réinvestir pour sa reproduction élargie»?

Peut-on déduire de cette réflexion faite par Marx en 1859 que « la classe capitaliste monopoliste mondiale pourra continuer à utiliser une portion des profits spoliés dans les pays dominés du tiers-monde afin de corrompre « l’aristocratie ouvrière » et la petite bourgeoisie des pays impérialistes déclinants ou ascendants en Occident. » ? (43)

Il suffit d’observer les assauts répétés de la grande bourgeoisie dans tous les pays d’Occident contre ce que les réformistes de gauche comme de droite appellent les « acquis sociaux » de la « classe moyenne » à travers une pléthore de mesures dites « d’austérité » pour comprendre que le temps présent n’est plus à l’État providence pour les petits-bourgeois paupérisés qui sont tous intimés de se serrer la ceinture et de s’incliner devant leurs maîtres capitalistes qui malgré l’énorme réserve de travailleurs du tiers-monde ne parviennent plus à maintenir leurs taux de profits et donc à assurer la reproduction élargie du capital à travers le système d’exploitation et d’expansion impérialiste moderne.

Le courant de pensée économiste kautskyste applique mécaniquement les apophtegmes édictés par Marx à la fin du XIXe siècle et oublie de confronter sa compréhension des écrits de Marx à la réalité concrète qui nous entoure. La crise économique de l’impérialisme moderne est systémique, globale et mondiale, et cela malgré le fait qu’il reste des ressources et des forces productives à harnacher et à exploiter. Il faut relire les préceptes de Marx et noté qu’il souligne qu’un mode de production – une formation sociale – ne pourra « jamais [être définitivement renversé] avant que soient développées toutes les forces productives qu’elle est assez large pour contenir», ce qui ne réfère pas du tout à la disponibilité des ressources naturelles et des travailleurs salariés à exploiter, mais plutôt à la capacité pour ce mode de production globale, pour cette formation sociale totale, d’en assurer le développement et l’exploitation pour les finalités propres au système d’économie politique en vigueur dans la formation sociale concernée.

Les économistes vulgaires nient que sous l’impérialisme moderne le développement économique se poursuit de manière inégale, combinée et par bonds et que ce processus produit une division internationale du travail mondialement intégré où certains pays ou « entités » ont pour fonction d’extraire les ressources du sol, de la mer, de la nature, alors que d’autres ont pour « mission » de les transformer et de les conditionner, et d’autres pays, d’autres salariés, d’autres « entités » ont vocation de les consommer afin d’engendrer les conditions du prochain cycle de reproduction élargie pour un nouveau cycle de valorisation des profits propulsant un nouveau cycle d’accumulation.

Tout État, toute nation, toute entité où sévit aujourd’hui le mode de production capitaliste sont assujettis à son stade suprême impérialiste et chacune de ces entités a son rôle à jouer – à sa mesure – sur l’échiquier économique, politique et idéologique mondialisé. La roue de l’histoire ne tourne jamais à l’envers et le nationalisme patriotique ou le national-socialisme fasciste ne pourront endiguer le mondialisme triomphant.

Avec Rosa Luxemburg nous observons que le mode de production capitaliste à son stade impérialiste suprême a développé toutes les forces productives, non pas potentiellement disponibles, mais qu’il est assez large pour contenir et faire fructifier, c’est-à-dire qu’il est capable de reproduire et de valoriser afin d’accumuler selon un cycle que les capitalistes voudraient éternel.

La montée inexorable de la crise systémique du capitalisme nous porte à croire que le capitalisme ne sera pas éternel et que les prévisions de Marx sont justifiées. Le mode de production capitaliste, à son stade impérialiste décadent, sera renversé, mais il ne s’effondrera pas de lui-même. La classe prolétarienne révolutionnaire devra lui asséner le coup de grâce si nous ne voulons pas que l’humanité s’autodétruise dans une succession infernale de guerres thermonucléaires et biologiques génocidaires.

 

En complément sur le même thème de l’impérialisme systémique
DE L’INSURRECTION POPULAIRE À LA RÉVOLUTION PROLÉTARIENNE (4/5) – les 7 du quebec

 

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

4 réflexions sur “L’impérialisme stade suprême du mode de production capitaliste (MPC)

  • Tardieu Jean-Claude

    Bonjour,

    – Marx en 1859 que « la classe capitaliste monopoliste mondiale pourra continuer à utiliser une portion des profits spoliés dans les pays dominés du tiers-monde afin de corrompre « l’aristocratie ouvrière » et la petite bourgeoisie des pays impérialistes déclinants ou ascendants en Occident. » ? (43)

    Serait-il possible d’avoir la source de cette citation, merci.

    M. Tardieu Jean-Claude

    Répondre
  • Pablo Lugo

    « Le monde connaîtra un jour un nouveau mode de production sans classes sociales, le communisme. » De la marde. Aucune différence avec la Religion qui nous promet le paradis.

    Répondre

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