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Contre toutes les religions

Contre toutes les religions

L’actualité spectaculaire se focalise régulièrement sur des questions que le marxisme révolutionnaire a résolues depuis longtemps. C’est le cas de la religion, dont l’abolition doit demeurer un objectif politique. Les religions figurent en effet parmi les principales idéologies qui expriment de manière déformée et voilée les intérêts des classes dominantes et légitiment par là même l’ordre social capitaliste1. Elles contribuent à rendre acceptable l’exploitation et à consoler les prolétaires de leurs malheurs en leur promettant un monde meilleur dans l’au-delà : ce faisant, elles les dépossèdent de leur volonté révolutionnaire. La critique indispensable de toutes les religions ne doit donc pas se limiter à dénoncer les mensonges et les illusions religieuses mais doit aller jusqu’à l’anéantissement en théorie et en pratique du monde capitaliste dont elles sont le reflet.

«(…) la critique de la religion est la condition première de toute critique. (…)Le fondement de la critique irréligieuse est celui-ci : l’homme fait la religion, ce n’est pas la religion qui fait l’homme. La religion est en réalité la conscience et le sentiment propre de l’homme qui, ou bien ne s’est pas encore trouvé, ou bien s’est déjà reperdu. Mais l’homme n’est pas un être abstrait, extérieur au monde réel. L’homme, c’est le monde de l’homme, l’État, la société. Cet État, cette société produisent la religion, une conscience erronée du monde, parce qu’ils constituent eux-mêmes un monde faux. La religion est la théorie générale de ce monde, son compendium encyclopédique, sa logique sous une forme populaire, son point d’honneur spiritualiste, son enthousiasme, sa sanction morale, son complément solennel, sa raison générale de consolation et de justification. C’est la réalisation fantastique de l’essence humaine, parce que l’essence humaine n’a pas de réalité véritable. La lutte contre la religion est donc par ricochet la lutte contre ce monde, dont la religion est l’arôme spirituel. » K. Marx, Contribution à la Critique de la philosophie du droit de Hegel, 18432. 2

Il ne suffit en effet pas de dévoiler la mystification religieuse pour qu’elle disparaisse. Bien au contraire, dans un monde de plus en plus anxiogène et schizophrénique, la religiosité a plutôt tendance à se renforcer et à se démultiplier. Ainsi, aux religions traditionnelles (juive, chrétienne, musulmane, bouddhiste…) et à leurs multiples schismes, il faut aujourd’hui ajouter de nouvelles variantes postmodernes : philosophie new-Age, scientologie, anthroposophie, moonisme, mouvement raëlien, Falun Gong… Accompagnant bien souvent ces nouvelles formes de « spiritualité », les approches complotistes (mouvances antivax, QAnon…) traduisent substantiellement la même logique sectaire et illuminée que les religions établies de longue date.

« Exiger qu’il soit renoncé aux illusions concernant notre propre situation, c’est exiger qu’il soit renoncé à une situation qui a besoin d’illusions. La critique de la religion est donc, en germe, la critique de cette vallée de larmes, dont la religion est l’auréole. La critique a effeuillé les fleurs imaginaires qui couvraient la chaîne, non pas pour que l’homme porte la chaîne prosaïque et désolante, mais pour qu’il secoue la chaîne et cueille la fleur vivante. La critique de la religion désillusionne l’homme, pour qu’il pense, agisse, forme sa réalité comme un homme désillusionné, devenu raisonnable, pour qu’il se meuve autour de lui et par suite autour de son véritable soleil. La religion n’est que le soleil illusoire qui se meut autour de l’homme, tant qu’il ne se meut pas autour de lui-même. » K. Marx, Contribution à la Critique de la philosophie du droit de Hegel, 1843.

Plus prosaïquement, les religions agissent aussi en tant que force matérielle au service de la contre-révolution. Dernièrement (septembre 2023), on a assisté à un front particulièrement significatif entre les courants de l’islam politique et les catholiques intégristes de « Civitas » liés aux milieux antivax. Ceux-ci protestaient contre la généralisation de cours d’éducation à la vie relationnelle affective et sexuelle (Evras), protestations accompagnées du saccage de huit écoles en Wallonie.

« Cela n’a pas empêché quelque 1 500 personnes de se rassembler dans le centre de Bruxelles, dimanche, avec un mot d’ordre : « Touchez pas à nos enfants ! » Dans une ambiance tendue, Radya Oulebsir, une militante musulmane, organisatrice autoproclamée de la protestation, et Alain Escada, un dirigeant de l’association catholique traditionaliste Civitas, ont exigé l’abandon du cours. Sur plusieurs des établissements vandalisés, des slogans hostiles comme « No Evras, sinon les prochains, c’est vous » avaient été tagués par les incendiaires. (…) Parmi ceux qui dénoncent le nouveau cours, on retrouve également des activistes anti-vaccins qui s’étaient manifestés durant la pandémie de Covid-19, des adeptes de théories conspirationnistes, des climato sceptiques, et même des personnalités, qui affirment qu’une tentative de criminalisation des parents est à l’oeuvre, orchestrée par des politiques qui auraient organisé les incendies.

Cette alliance qui pourrait sembler paradoxale est en fait particulièrement significative des tendances proto fascistes et « populistes » actuelles. Parallèlement, celles-ci polarisent à « gauche » le développement d’une certaine « islamophilie » par le biais du vecteur historique de l’antisémitisme (parfois qualifié de « nouvel antisémitisme »).

Guerre à « l’opium du peuple »

Par essence irréligieux et antireligieux, le mouvement communiste a pu prendre à certaines périodes des « masques religieux » (Engels) via différentes formes schismatiques pieuses et 3 millénaristes (Anabaptistes, Bogomiles, Dolciniens4…) inscrites dans la longue tradition du communisme en tant que mouvement de mécréance. C’est par ailleurs ce que condense le titre du journal de Blanqui en 1880, devenu une devise célèbre : « Ni dieu, ni maitre ». Mais cette lutte implacable doit également tenir compte du fait que la religion exprime à la fois la souffrance et la protestation contre cette souffrance ; à la fois la misère et l’espérance en un monde meilleur (que les anabaptistes voulaient à l’inverse réaliser ici et maintenant).

« La misère religieuse est, d’une part, l’expression de la misère réelle, et, d’autre part, la protestation contre la misère réelle. La religion est le soupir de la créature accablée par le malheur, l’âme d’un monde sans coeur, de même qu’elle est l’esprit d’une époque sans esprit. C’est l’opium du peuple. » K. Marx, Contribution à la Critique de la philosophie du droit de Hegel, 1843.

Comme d’autres drogues, l’opium apaise, soulage et fait oublier tout en annihilant en même temps les velléités de révolte et de lutte dans la réalité terrestre. Ce n’est pas par hasard que cet opium à largement servi aux colonisateurs anglais à domestiquer le prolétariat chinois et à lui inculquer une dépendance docile.

« La critique de la religion aboutit à cette doctrine, que l’homme est, pour l’homme, l’être suprême. Elle aboutit donc à l’impératif catégorique de renverser toutes les conditions sociales où l’homme est un être abaissé, asservi, abandonné, méprisable, qu’on ne peut mieux dépeindre qu’en leur appliquant la boutade d’un Français à l’occasion de l’établissement projeté d’une taxe sur les chiens  » Pauvres chiens ! On veut vous traiter comme des hommes !  » » K. Marx, Contribution à la Critique de la philosophie du droit de Hegel, 1843.

Mais la critique marxiste des religions doit également se distinguer de l’anticléricalisme bourgeois et de son « sacro-saint » libre examen (conçu comme choix individuel et individualiste) qui n’est que l’adaptation laïque du libre arbitre catholique. Comme pour l’antifascisme libéral et démocratique, Bordiga a toujours insisté pour se séparer de ces milieux « laïcards » qui conspuent les curés pour mieux défendre les intérêts particuliers de leur faction laïque (et parfois franc-maçonne). Cette critique partielle et bornée ne les empêche pas d’ailleurs pas de participer quand cela leur convient, aux fronts interclassistes et autres alliances opportunistes avec les représentants des religions.

« Mais dans le même temps, la critique marxiste démarque et dénonce les illusions selon lesquelles le « libre examen » serait une conquête suffisante pour éliminer du sein de la société les rapports d’exploitation et d’oppression de classe. » A. Bordiga, « Anticléricalisme et socialisme », Battaglia Comunista, N°35, 1949.5.

Cette remarque de Bordiga s’inscrit dans la critique générale de la démocratie au sein de laquelle l’athéisme comme l’anticléricalisme ne sont pas des positionnements suffisamment clivants hors de l’affirmation intégrale du programme communiste. C’est pourquoi une partie de la bourgeoisie lettrée et de l’intelligentsia peut défendre un athéisme compatible avec le M.P.C. et à son droit (droit au blasphème). La lutte anti religieuse implique non seulement le dévoilement des mensonges et illusions portées par toutes les religions mais en même temps requiert la lutte de classe pour la suppression de l’exploitation et l’émancipation humaine.

Existe-t-il une religion des opprimés ?

Il revient à F. Engels6, dans sa dernière contribution théorique inachevée, en 1894, d’avoir comparé le communisme au christianisme primitif :

« L’histoire du Christianisme primitif offre des points de contact remarquables avec le mouvement ouvrier moderne. Comme celui-ci le christianisme était à l’origine le mouvement des opprimés, il apparaissait tout d’abord comme religion des esclaves et des affranchis, des pauvres et des hommes privés de droits, des peuples subjugués ou dispersés par Rome. Tous les deux, le christianisme de même que le socialisme ouvrier, prêchent une délivrance prochaine de la servitude et de la misère ; le christianisme transporte cette délivrance dans l’au-delà, dans une vie après la mort, dans le ciel ; le socialisme la place dans ce monde, dans une transformation de la société. »7

De là, à généraliser abusivement cette analyse à d’autres conditions ne tient pas compte du fait que cette comparaison s’arrête strictement au moment où le christianisme va devenir religion d’État. « Trois siècles après sa naissance, le christianisme est reconnu comme la religion d’État de l’empire mondial de Rome » (Engels). Depuis la conversion de l’empereur Constantin en 312-325, le christianisme et tous ses embranchements ultérieurs, vont s’adapter aux nécessités de la succession des modes de production et à leurs classes dominantes pour devenir un pilier structurel et légitimant de l’esclavagisme, de la féodalité et du capitalisme. Sa nature primitive de « religion des opprimés » va irrévocablement devenir religion (et églises) des oppresseurs et des exploiteurs. Le christianisme va ainsi totalement s’adapter aux exigences de la logique capitaliste pour devenir sous sa forme « protestante », l’idéologisation la plus adéquate de ses lois immanentes. C’est ce que développera, en 1904/1905, Max Weber dans son célèbre ouvrage « L’Éthique protestante et l’Esprit du capitalisme ». Mais il revient à Marx d’avoir préalablement souligné cette réalité :

« Le monde religieux n’est que le reflet du monde réel. Une société où le produit du travail prend généralement la forme de marchandises et où, par conséquent, le rapport le plus général entre les producteurs consiste à comparer les valeurs de leurs produits et, sous cette enveloppe des choses, à comparer les uns aux autres leurs travaux privés à titre de travail humain égal, une telle société trouve dans le christianisme avec son culte de l’homme abstrait, et surtout dans ses types bourgeois, protestantisme, déisme, etc., le complément religieux le plus convenable. » K. Marx, Le Capital.8

Et, c’est toujours dans cet ouvrage primordial que Marx développera le caractère fétiche de la marchandise en tant que la « religion du quotidien ».

« C’est seulement un rapport social déterminé des hommes entre eux qui revêt ici pour eux la forme fantastique d’un rapport des choses entre elles. Pour trouver une analogie à ce phénomène, il faut la chercher dans la région nuageuse du monde religieux. Là les produits du cerveau humain ont l’aspect d’êtres indépendants, doués de corps particuliers, en communication avec les hommes et entre eux. Il en est de même des produits de la main de l’homme dans le monde marchand. C’est ce qu’on peut nommer le fétichisme attaché aux produits du travail, dès qu’ils se présentent comme des marchandises, fétichisme inséparable de ce mode de production. » K. Marx, Le Capital.

Bien avant cela Marx avait déjà largement critiqué les principes sociaux du christianisme pour y opposer la force révolutionnaire du prolétariat :

« Les principes sociaux du christianisme ont eu maintenant dix-huit siècles pour se développer et n’ont pas besoin d’un supplément de développement par des conseillers au consistoire prussiens. Les principes sociaux du christianisme ont justifié l’esclavage antique, magnifié le servage médiéval et s’entendent également, au besoin, à défendre l’oppression du prolétariat, même s’ils le font avec de petits airs navrés. Les principes sociaux du christianisme prêchent la nécessité d’une classe dominante et d’une classe opprimée et n’ont à offrir à celle-ci que le voeu pieux que la première veuille bien se montrer charitable. Les principes sociaux du christianisme placent dans le ciel ce dédommagement de toutes les infamies dont parle notre conseiller, justifiant par là leur permanence sur cette terre. Les principes sociaux du christianisme déclarent que toutes les vilenies des oppresseurs envers les opprimés sont, ou bien le juste châtiment du péché originel et des autres péchés, ou bien les épreuves que le Seigneur, dans sa sagesse infinie, inflige à ceux qu’il a rachetés. Les principes sociaux du christianisme prêchent la lâcheté, le mépris de soi, l’avilissement, la servilité, l’humilité, bref toutes les qualités de la canaille ; le prolétariat, qui ne veut pas se laisser traiter en canaille, a besoin de son courage, du sentiment de sa dignité, de sa fierté et de son esprit d’indépendance beaucoup plus encore que de son pain. Les principes sociaux du christianisme sont des principes de cafards et le prolétariat est révolutionnaire. » K. Marx, Le communisme de « L’observateur rhénan », Marx-Engels, Sur la religion, p.82/83, éditions sociales, Paris, 1972.

Bien entendu, cette virulente critique peut s’appliquer tant aux principes sociaux du christianisme qu’à ceux du judaïsme, de l’islamisme ou du bouddhisme… qui comme toutes les autres religions se sont particulièrement bien théologiquement adaptées à l’esprit et à la modernité capitaliste (que l’on pense par exemple aux astuces de l’Islam pour se rendre compatible aux nécessités du crédit (prêt avec intérêts) qu’il est pourtant censé condamner sur le plan théologique). En ce sens, il n’y a pas et il ne peut pas y avoir de religion et à fortiori d’églises qui se positionnerait du côté des opprimés.

Ce qu’il y a actuellement, c’est une instrumentalisation concertée des classes dominantes afin de faire passer, surtout en Europe, l’islam comme l’expression des gémissements de toutes les victimes du capitalisme « occidental » et, grâce à l’appui des « idiots utiles » de la gauche du capital, renforcer la remontée idéologique de cette religion en dissimulant surtout les États, les intérêts économiques colossaux et le bellicisme quelle représente en réalité. Ainsi, le mythe d’un islam des pauvres, pastiche contemporain pâlichon de la théologie de la libération9, contribue à justifier son renouveau récent par une pirouette qui ferait oublier la dictature fasciste des mollahs en Iran, celle des talibans en Afghanistan, les monarchies « post » féodales du Golfe (Arabie Saoudite, Bahreïn, Koweït, Qatar, Oman, Émirats Arabes Unis), le Koweït, le Maroc, l’Algérie, l’Égypte, la Turquie, l’Indonésie ou encore la semi dictature militaire islamiste du Pakistan… autant de modèles incidemment vantés par les décérébrés du tiers-mondisme.

La conséquence la plus visible de ce retour des religions réside dans le caractère propagandiste et virulent de plusieurs d’entre elles. Ainsi, les témoins de Jéhovah, les mormons, les évangéliques, les adeptes du bahaïsme ou encore l’Opus Dei développent leurs sphères d’influences. C’est dans le cadre de ce retour du mysticisme que doit être replacé le propagandisme islamique. Cette propagande, passant notamment par la mise en avant d’éléments vestimentaires identitaires, a été clairement élaborée comme arme d’affirmation. Elle s’appuie à gauche sur la nouvelle doxa de « l’islamophobie », assimilant toute critique anti islamique à du « racisme », assignant par là même tous les membres d’une communauté donnée à une religion spécifique.

L’Islamophobie, outil privilégié de la propagande politique de l’islam

C’est principalement le régime des mollahs iraniens après 1979, qui popularisera à des fins de propagande, la nouvelle acception du terme « islamophobie », bien qu’il n’existe pas d’équivalent persan à ce néologisme et que le terme lui-même ait été inventé au début du XXe siècle par des ethnologues français étudiant les pratiques religieuses d’Afrique de l’Ouest.

Pour Gilles Kepel, politologue et professeur d’université, « [L’islamophobie] est un concept récent qui repose sur une ambiguïté dans la mesure où il se présente comme le symétrique de l’antisémitisme. Alors que la lutte contre l’antisémitisme criminalise ceux qui s’attaquent aux juifs sans empêcher pour autant la libre critique des textes sacrés, le combat contre l’islamophobie fait de toute réflexion critique sur l’islam un interdit absolu. L’ambiguïté entretenue par le CCIF et certaines associations antiracistes qui tendent à confondre antisémitisme et islamophobie est donc une imposture. »10

De fait l’islamophobie dans sa nouvelle signification a servi de couverture idéologique réactive aux vagues d’attentats islamiques qui se sont démultipliés dans le monde entier (de New-York à Madrid, de Bruxelles au Nigéria, du Liban à l’Inde).

« Même les tueurs djihadistes bénéficient à leur yeux de circonstances atténuantes : ils ne feraient que réagir à l’islamophobie. Il y a là une preuve du succès de l’entreprise d’endoctrinement lancée par les Frères musulmans, visant à faire croire que les musulmans sont des victimes, quoi qu’ils puissent faire. L’idéologie victimaire a réponse à tout et justifie le pire. » P-A Taguieff, Liaisons Dangereuses : islamo-nazisme, islamo-gauchisme, Hermann Éditeurs, p.106, Paris, 2021.

Par ailleurs, le débat sur les interprétations du concept d’islamophobie se trouve également au centre de la campagne islamophile visant à présenter l’islam comme la religion des opprimés et des victimes non seulement des mécréants mais aussi d’autres religions présentées comme uniformément « colonialistes » (judaïsme et christianisme).

« Le concept d’islamophobie est un concept non seulement discutable, mais à critiquer de manière définitive car il contient une portée communautariste et défensive à mon sens négative par plusieurs aspects. D’abord, elle n’est qu’un discours creux et victimaire vocable d’une inculture intellectuelle et historique profonde. (…) Le concept d’islamophobie est un concept politiquement correct, qui dédouane la pensée à bon compte au nom d’une lutte métaphysique entre les dominés et les dominants, à défaut de penser les problématiques les effets et les enjeux de la mondialisation, de l’immigration, des rapports entres les élites et les politiques d’intégrations. Ce concept est devenu une sorte de « mot valise » susceptible de garantir une rente de situation à tous nos victimaires institutionnels. Les promoteurs du concept d’islamophobie traduisent souvent de manière explicite une méconnaissance béate de l’histoire de l’Europe, en oubliant par incompétence ou volonté déclarée, les siècles de persécutions des autres minorités religieuses ou culturelles. » Nasser Suleiman Gabryel11

Il s’agit de la même mécanique que celle déployée par le binôme fascisme/antifascisme, l’islamophobie comme l’antifascisme démocratique servant de barrage et de bouclier à la critique du capitalisme dans sa totalité. Empêchant une critique globale et systémique, cette mécanique permet symétriquement de ne pas lutter contre le capitalisme et de se donner une bonne conscience supposée combattre certaines conséquences du capitalisme vues comme particulièrement atroces. C’est le propre de la lutte parcellaire et de la croyance réformiste en une transformation graduelle du système capitaliste. À l’inverse, la mécréance communiste critique toutes les religions même celles qui se présenteraient sous des oripeaux libertaires ou laïques.

Décembre 2023 : Fj, Pb & Mm.


NOTES

1 Sur cette question nous renvoyons le lecteur à notre texte « Idéologies et fausses conscience » paru dans notre revue Matériaux Critiques N°7 et disponible sur notre site web https://materiauxcritiques.wixsite.com/monsite/textes

2 https://www.marxists.org/francais/marx/works/1843/00/km18430000.pdf

3 https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/18/en-belgique-pl…

4 Les Dolciniens étaient un mouvement religieux chrétien considéré comme une hérésie par l’Église catholique du début du XIV siècle. Prosélytes itinérants, ils prônaient la pauvreté absolue et développaient un projet collectiviste digne d’un mouvement révolutionnaire moderne, économique, politique et social abolissant tant la propriété que le mariage. Fra Dolcino à la tête de 4.000 partisans entama une campagne de guérilla qui gagna tout le nord de l’Italie pour résister au clergé. Il fut battu et brûlé en 1307. Ses disciples, eux aussi reconnus comme hérétiques, furent destinés au bûcher. Pour une plus ample analyse des nombreux mouvements de ce type nous conseillons l’excellent ouvrage de R. Vaneigem, La résistance au christianisme, p.314/317, Fayard, Paris, 1993 ainsi que celui de Kenneth Rexroth, Le communalisme, L’insomniaque, 2019.

5 Ni patrie, ni frontières, Mai 2010, « Religion et Politiques », p.175.

6 Il est à noter que sur la critique de la religion, Engels a souvent été plus tranchant que Marx, ayant subi dans son enfance le rigorisme du piétisme luthérien, alors que Marx provenait, lui, d’un milieu « naturellement athée » influencé par le rationalisme des lumières.

7 https://www.marxists.org/francais/marx/94-chris.htm

8 https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-I-4.htm

9 La « théologie de la libération » est une tendance issue du christianisme, apparue en Amérique latine dans les années soixante (conférence de Medellin) qui se positionna politiquement et puis militairement du côté des indigène pauvres et opprimés. Cette tendance s’opposa ainsi à la hiérarchie cléricale qui soutenait activement les nombreuses dictatures militaires de cette époque. En Colombie, plusieurs prêtres s’engagent dans les guérillas paysannes. Parmi eux, Camillo Torres, qui meurt au combat en 1966. Mal vue par l’église, cette tendance se verra condamnée (Jean-Paul II) et perdra progressivement son influence.

10 Gilles Kepel, « Nous sommes face à un processus de guerre civile », Le Figaro Magazine, semaine du 4 novembre 2016, p. 40-44

11 https://www.lemonde.fr/idees/article/2012/07/04/critique-du-concept-d-islamophobie_1728053_3232.html


Bibliographie

Ouvrages :

– MARX, Karl et ENGELS, Friedrich, Sur la religion, éditions sociales, Paris, 1972.

MARX, Karl, Le Capital, livre Premier, 1867, [en ligne], https://www.marxists.org/francais/marx/works/1867/Capital-I/kmcapI-I-4.htm

– LENOIR, Norbert, Marx et la double structure de la religion, éditions nouvelles Cécile Defaut, Nantes, 2014.

– TAGUIEFF, Pierre-André, Liaisons Dangereuses : islamo-nazisme, islamo-gauchisme, Hermann Éditeurs, Paris, 2021.

– VANEIGEM, Raoul, La résistance au christianisme, Fayard, Paris, 1993.

Revues :

– COLEMAN, Yves, « Religion et Politiques », Ni patrie, ni frontières, Mai 2010.

– COLEMAN, Yves, « Islam, islamisme, islamophobie », Ni patrie, ni frontières, Mars 2008.

Articles :

– MARX, Karl, Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel, 1843, [en ligne], https://www.marxists.org/francais/marx/works/1843/00/km18430000.pdf

ASAL, Houda, « Islamophobie : la fabrique d’un nouveau concept. État des lieux de la recherche », Sociologie, Volume 5, 2014, [en ligne], https://www.cairn.info/revue-sociologie-2014-1-page-13.htm

– SULEIMAN GABRYEL, Nasser, « Critique du concept d’islamophobie », Le Monde, 2012.

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