Asie/Afrique

Sous le masque des tensions entre Paris et Alger: le soutien du régime français au régime marocain

Par  Julie JAUFFRINEAU.

Chassez le naturel par la porte, il revient au galop. Après 132 années de colonisation de l’Algérie par la France, 132 années d’avilissement d’un peuple et de violences, physiques comme culturelles, jusqu’à priver les Algériens de leur langue, la France, sur son destrier, n’en finit pas de vouloir dicter au gouvernement algérien la conduite à tenir. Mais en cette nouvelle ère de décolonisations, le brouhaha politico-médiatique français ne leurre plus personne, et encore moins le président algérien, Abdelmadjid Tebboune.

En effet, alors que les tensions entre la France et l’Algérie menacent de conduire les deux pays vers le point de non-retour, devons-nous vraiment croire que la question des ressortissants algériens sous OQTF est la pierre angulaire de ces tensions ? Ou que l’incarcération de l’écrivain Boualem Sansal – fidèle ami d’Éric Zemmour pour avoir en partage la haine de l’islam – vaut une crise diplomatique de cette ampleur ? De la même façon, la question du Sahara occidental ne semble pas en être la cause, sinon un facteur aggravant, planifié pour défendre les intérêts du régime d’occupation israélien.

L’appui au Maroc, un « avertissement » de Paris à Alger

La reconnaissance française de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental n’a aucune valeur formelle. Elle revêt néanmoins une portée politique complexe. En effet, le Sahara occidental reste, à l’ONU, un territoire à décoloniser, en attente d’un référendum pour statuer sur son intégration au Maroc ou son indépendance. C’est-à-dire qu’il ne revient pas à la France, ni au Maroc, de statuer sur la question, mais au peuple sahraoui. Dès lors, cette reconnaissance par la France, prise en solitaire par Emmanuel Macron, à l’été 2024, sans débat parlementaire, n’en est que plus ahurissante au « pays des droits de l’homme ».

Emmanuel Macron a donc ébranlé les relations diplomatiques, économiques et commerciales de la France avec l’Algérie. Il s’est fait d’un partenaire d’importance un ennemi. Pourtant, l’Algérie est le deuxième débouché des exportations françaises en Afrique, sans parler de la richesse de ses sols qui en font l’un des principaux exportateurs de gaz vers la France. C’est pourquoi on ne peut que questionner cette reconnaissance française de la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental.

A l’aune de la césure entre l’Occident collectif et le Sud global, l’appui français au Maroc dans l’affirmation illégale de sa souveraineté sur le Sahara occidental n’est pas anodin. En prenant parti pour le Maroc, Paris a lancé un « avertissement » à Alger, afin que le pays revienne sur le « droit chemin » de l’ordre unipolaire dessiné par l’Occident. N’oublions pas que l’Algérie est un acteur majeur du Sud global.

Au-delà de la puissance énergétique qu’elle couve sur son territoire, l’Algérie est aussi une voix de soutien aux peuples colonisés, du Sahara à la Palestine. Elle s’est d’ailleurs associée à la plainte de Pretoria contre Israël devant la Cour internationale de justice. Cette posture ne laisse pas de contrarier les projets hégémoniques et coloniaux de l’Occident collectif. D’autant plus que l’Algérie s’est entourée de la Russie pour partenaire stratégique, et de la Chine pour partenaire commercial et économique.

Ainsi, la politique étrangère de l’Algérie contraste radicalement avec celle de son voisin marocain. Le Royaume, en échange de la reconnaissance par les États-Unis et Israël de sa souveraineté sur le Sahara occidental, a accepté de normaliser ses relations avec le régime d’occupation israélien. Ceci, en totale opposition avec les aspirations du peuple marocain, outré par le génocide à Gaza, et en contradiction avec les résolutions de l’ONU, qui consacrent le droit à l’autodétermination des Palestiniens comme des Sahraouis. Pire encore, le Maroc contribue au financement des crimes de guerre israéliens par la multiplication de ses commandes en armement auprès de l’entité sioniste.

 La stratégie de diabolisation au service du nettoyage ethnique à Gaza

L’Algérie n’ayant pas répondu aux provocations de la France, il a fallu la diaboliser, que ce soit avec la négation des crimes coloniaux français en Algérie, la question des  ressortissants algériens sous OQTF – dont l’Algérie a démontré l‘illégalité – ou avec le cas Boualem Sansal, très controversé.

Un des procédés a consisté à présenter le gouvernement algérien comme un régime autoritaire et dictatorial, qui bafoue le droit à la liberté d’expression. C’est notamment le parti pris de nombre de médias français, du Figaro à Marianne, qui crient à la dictature dans le traitement de l’affaire Sansal, condamné pour atteinte à l’unité nationale et à l’intégrité du territoire algérien. Les médias évitent soigneusement de revenir sur les agissements de cet homme qui, lorsqu’il était directeur général de l’industrie en Algérie, a rencontré clandestinement le ministre des finances israélien, pour inciter à la normalisation des relations entre l’Algérie et le régime d’occupation, ennemi officiel de la République algérienne. Quand une vérité dérange, il est préférable de la taire. Il semble que seule la France puisse avoir des prisonniers politiques qu’elle incarcère, par ailleurs injustement, durant plus de quarante ans. Georges Ibrahim Abdallah en est l’illustration frappante.

Un autre procédé repose sur la stigmatisation de l’Algérie comme pays en constant conflit avec ses voisins : le Maroc, la France, aujourd’hui le Mali. C’est pourtant la France qui collectionne les ruptures. Après le retrait de l’armée française du Mali, du Burkina Faso, du Niger, du Tchad, voilà que cela s’étend au Sénégal, à la Côte d’Ivoire, et qui sait, peut-être même au Togo. Des faits qui en disent long sur les relations de la France avec l’étranger.

En contraste, les raisons de la présence du drone malien, à l’origine de la crise entre le Mali et l’Algérie, dans cette zone frontalière, continuent d’interroger. Comme dirait Cicéron, à qui profite le crime ? Après tout, cette douteuse provocation permet à la fois de menacer l’Algérie à sa frontière, pour ses prises de positions aux côtés du Sud global, et de déstabiliser l’Alliance des États du Sahel, à laquelle appartient le Mali, compte tenu des relations amicales qu’entretiennent le Burkina Faso et le Niger avec l’Algérie.

Et que penser de l’organisation de manœuvres militaires de la France avec le Maroc, à la frontière algérienne, prévues pour septembre 2025 ? Bruno Retailleau, ministre français de l’Intérieur, a beau scander : « Nous ne voulons pas la guerre avec l’Algérie, c’est l’Algérie qui nous agresse », les faits prouvent le contraire. Cependant, cette inversion accusatoire instille, auprès des citoyens français, l’idée que l’Algérie cherche inlassablement le conflit.

Un dernier point essentiel de ce processus de diabolisation consiste à accuser le gouvernement algérien de flirter avec l’antisémitisme et de fomenter le terrorisme antisémite en France. Mais cela relève avant tout d’une distorsion lexicale des dirigeants français, qui amalgament à dessein le judaïsme et l’idéologie sioniste. Quand Alger s’attaque au sionisme, projet colonial, et à ses partisans, la France, elle, légitime l’islamophobie. Le cas d’Aboubakar Cissé en est une illustration parmi tant d’autres.

Aussi, les tensions entre la France et l’Algérie ne font qu’exposer l’hypocrisie du gouvernement français quant à ses véritables intentions face à l’extermination en cours du peuple palestinien à Gaza. Les actions des dirigeants français contredisent leurs bavardages. Outre le silence de la France sur les transferts d’armes vers le régime israélien, condamné par la CIJ et la CPI, les tensions entre la France et l’Algérie reviennent à réaffirmer le soutien français à la politique américaine de néocolonialisme, et israélienne de nettoyage ethnique des territoires palestiniens.

La France est en train de passer à côté de l’Histoire. Jour après jour, elle perd sa crédibilité à l’échelle internationale et abandonne sa souveraineté à l’Empire américain dans sa lutte acharnée pour protéger son proxy israélien au Proche-Orient.

Au point où on en est, il y a de quoi se demander si les États-Unis n’en viendraient pas à pousser la France à entrer en conflit direct avec l’Algérie, tout en la contraignant de lui acheter ses armes. Après tout, n’est-ce pas dorénavant le cas de l’UE avec l’Ukraine ?

 

Robert Bibeau

Auteur et éditeur

6 réflexions sur “Sous le masque des tensions entre Paris et Alger: le soutien du régime français au régime marocain

  • Nasser

    SANSAL (lecture):
    Deux faits avérés qui confortent les Algériens dans son rapport avec les Israéliens, malgré l’absence de relations diplomatiques de l’Algérie avec Israël : lors du G7 en 1997 en Suisse, Boualem Sansal, alors fonctionnaire du ministère de l’Industrie en Algérie, avait rencontré, à l’insu de sa hiérarchie et discrètement, Benjamin Netanyahou lors de ce forum, ce qui lui a valu d’être licencié du ministère de l’Industrie d’Algérie en 1999. Le voyage de B. Sansal à Tel-Aviv en 2013 et son interview dans un média israélien où il révélait des informations sensibles de son pays à un État étranger. Enfin, un dernier élément qui plaide en défaveur de B. Sansal, c’est précisément son statut d’écrivain. Les Algériens subodorent qu’il n’est qu’un simple prête-nom pour les œuvres qui portent son nom d’auteur. Dans l’entourage professionnel du temps où il était fonctionnaire de L’État au ministère de l’Industrie en Algérie (il était DG), ses collègues affirmaient qu’il n’avait pas les qualités rédactionnelle, orthographique et grammaticale d’un écrivain.

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  • Nasser

    Ce traître Sansal (agent franco-sioniste) est un idiot de service qui fait ce que les franco-sionistes lui demandent de faire et de dire ! Il a perdu en se foutant le doigt dans le….derrière.
    S’il avait l’ »intelligence » qu’on lui prête, il ne se serait pas fait avoir, manipulé de la sorte. Devenir traître à son pays ! Pour quels avantages ? S’il y a « avantages » à son âge (75 ans) !
    Il était directeur général au ministère de l’industrie, une belle villa à Boumerdes, aux environs d’Alger. Il vivait très correctement. Parce que ça ne lui a pas suffi qu’il est allé se prostituer en France tout en devenant informateur et traître ?
    Il récolte donc le « produit » de cette prostitution !
    Le gracier ou le libérer ? Même le Président algérien n’osera pas! Bien-sûr que la France n’a cure des conséquences, qu’elle souhaite, sur l’Algérie. La France s’en fout royalement que cela mette dans la gêne, voire dans la révolte, tout le peuple algérien, ainsi que tous les journalistes et analystes algériens qui ont pris parti dans cette affaire, contre lui, par des centaines d’articles et de commentaires!

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  • Nasser

    SANSAL et son roman «Rue Darwin »
    Un commentaire :
    « Sansal est né en 1949 en Algérie, dans la commune de Theniet El Had, dans la wilaya (préfecture) de Tissemsilt… On peut trouver tous les détails de sa vie dans son dernier roman intitulé « Rue Darwin », qui est un roman autobiographique où le narrateur prénommé Yazid, est en fait Sansal lui-même, de la grand-mère dénommée Djeda … La rue Darwin, c’est près de la synagogue qui se trouvait dans cette rue de l’ancien quartier d’Alger appelé à l’époque « Belcourt », aujourd’hui « Belouizdad », que Sansal a vécu, élevé par le rabbin des lieux, depuis l’âge de 10 ans… »

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  • Nasser

    Aux Français patriotes de souche et d’origine étrangère !!
    (Chrétiens, Musulmans, Juifs, Bouddhistes ou sans religion)
    —–
    A vous d’éliminer cette racaille atlantico-sioniste; ce régime actuel qui a abîmé la France en dénaturant ses valeurs, sa culture et en falsifiant son Histoire!
    Vous savez maintenant pour qui voter pour sortir votre pays de l’intolérable dépendance américano-bruxello-sionistes !
    Vous avez tous les éléments qui permettent d’éliminer du paysage politique et médiatique ces menteurs, falsificateurs et manipulateurs !
    Il ne reste que 04 valables pour sauver votre pays :
    * de Villepin
    * Asselineau
    * Mélenchon
    * Phillipot

    Montrer surtout à ce bougre d’imbécile de RETAILLEAU qu’il ne vaut rien chez les Français !!

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  • Normand Bibeau

    Qu’on m’explique: pourquoi le gouvernement algérien se soucie-t-il de la politique impérialiste du gouvernement du nabot Micron 1er et de leur laquais marocain, le renégat Mohammad VI et son régime féodale compradore?
    Que sont devenus les courageux et héroïques combattants du Front de Libération National Algérien (FLN) qui ont bouté hors d’Algérie les colonialistes-impérialistes français à la pointe du fusil aux termes d’une glorieuse lutte de libération nationale qui a mis un terme à 132 ans de colonisation française barbare et mortifère?

    Qui honore aujourd’hui la glorieuse mémoire du million et demi de victimes algériennes, mortes de l’agression française, les 3 millions d’algériens déplacés dans des camps de concentration, les centaines de milliers d’algériens torturés et supplicés inhumainement par l’armée et la police françaises au cours de la guerre de libération nationale?

    Pourquoi le gouvernement algérien, en mémoire de tous ces martyrs, ne rompt-il pas toutes relations économiques avec l’État impérialiste français, ne lui coupe-t-il pas les 8 à 9 % de ses approvisionnements en gaz naturel, précipitant cet État ennemi dans une crise énergétique aggravé?

    Pourquoi les pays arabes continuent-ils à approvisionner en énergie vitale, pétrole et gaz naturel, les ennemis génocidaires du peuple palestinien martyr et de tous les arabes qui ne se soumettent pas à la dictature barbare impitoyable des impérialistes du monde entier?Parce que ces dirigeants arabes sont des capitalistes complices de ces exploiteurs génocidaires, traitres à leur peuple et assoiffés de profit.

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