Jouer avec le feu en Ukraine. Les risques sous-estimés d’une guerre…nucléaire
Par John J. Mearsheimer − Le 17 août 2022 − Source Foreign Affairs
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Les responsables politiques occidentaux semblent être parvenus à un consensus sur la guerre en Ukraine : le conflit s’installera dans une longue impasse et, finalement, une Russie affaiblie acceptera un accord de paix favorable aux États-Unis et à ses alliés de l’OTAN, ainsi qu’à l’Ukraine. Bien que les responsables reconnaissent que Washington et Moscou peuvent choisir l’escalade pour obtenir un avantage ou pour éviter une défaite, ils supposent qu’une escalade catastrophique peut être évitée. Rares sont ceux qui imaginent que les forces américaines seront directement impliquées dans les combats ou que la Russie osera utiliser des armes nucléaires.
Note du Saker Francophone
Nous vous présentons la traduction d’un article tiré d’un média grand public étasunien, Foreign Affairs, qui a fait un peu de bruit dans l’establishment car il montre les dangers de la politique va-t-en-guerre occidental. Suivi d’un deuxième article, écrit par Gilbert Doctorow, un analyste alternatif spécialiste de la Russie dont nous avons déjà publié quelques traductions, qui critique l’article de Mearsheimer. Cela pour vous montrer le contraste entre les deux analyses, qui se rejoignent pourtant sur le fond. Contraste qui montre l’impact que peut avoir la propagande médiatique sur les élites intellectuelles, même les plus ouvertes d’esprit…auquel nous ajoutons un article de Thierry Meyssan portant sur l’impasse de cette guerre pour le camp européen. Le conflit en Ukraine précipite la fin de la domination occidentale, par Thierry Meyssan (voltairenet.org)
Washington et ses alliés sont beaucoup trop cavaliers. Bien qu’une escalade désastreuse puisse être évitée, la capacité des belligérants à gérer ce danger est loin d’être certaine. Le risque qu’elle se produise est nettement plus important que ce que l’on croit généralement. Et étant donné que les conséquences d’une escalade pourraient inclure une guerre majeure en Europe et peut-être même l’annihilation nucléaire, il y a de bonnes raisons de s’inquiéter davantage.
Pour comprendre la dynamique de l’escalade en Ukraine, il faut commencer par les objectifs de chaque partie. Depuis le début de la guerre, tant Moscou que Washington ont considérablement accru leurs ambitions, et tous deux sont désormais profondément déterminés à gagner cette guerre et à atteindre de formidables objectifs politiques. Par conséquent, chaque partie est fortement incitée à trouver des moyens de l’emporter et, plus important encore, d’éviter de perdre. En pratique, cela signifie que les États-Unis pourraient se joindre aux combats s’ils veulent désespérément gagner ou empêcher l’Ukraine de perdre, tandis que la Russie pourrait utiliser des armes nucléaires si elle veut désespérément gagner ou si elle est confrontée à une défaite imminente, ce qui serait probable si les forces américaines étaient entraînées dans les combats.
En outre, étant donné la détermination de chaque partie à atteindre ses objectifs, il y a peu de chances de parvenir à un compromis significatif. La pensée maximaliste qui prévaut actuellement à Washington et à Moscou donne à chaque camp une raison supplémentaire de gagner sur le champ de bataille afin de pouvoir dicter les termes d’une paix éventuelle. En effet, l’absence d’une solution diplomatique possible incite les deux parties à élever le niveau d’escalade. Ce qui se trouve alors plus haut pourrait être quelque chose de vraiment catastrophique : un niveau de mort et de destruction dépassant celui de la Seconde Guerre mondiale.
Viser Haut
Les États-Unis et leurs alliés ont initialement soutenu l’Ukraine pour empêcher une victoire russe et aider à négocier une fin favorable aux combats. Mais dès que l’armée ukrainienne a commencé à frapper les forces russes, en particulier autour de Kiev, l’administration Biden a changé de cap et s’est engagée à aider l’Ukraine à gagner la guerre contre la Russie. Elle a également cherché à porter gravement atteinte à l’économie russe en imposant des sanctions sans précédent. Comme le secrétaire à la Défense Lloyd Austin l’a expliqué en avril, les objectifs des États-Unis sont les suivants : « Nous voulons que la Russie soit affaiblie au point qu’elle ne puisse plus faire le genre de choses qu’elle a faites en envahissant l’Ukraine. » En effet, les États-Unis ont annoncé leur intention d’éliminer la Russie du rangs des grandes puissances.
Qui plus est, les États-Unis ont lié leur propre réputation à l’issue du conflit. Le président américain Joe Biden a qualifié la guerre de la Russie en Ukraine de « génocide » et a accusé le président russe Vladimir Poutine d’être un « criminel de guerre » qui devrait subir un « procès pour crimes de guerre« . Avec de telles proclamations présidentielles, il est difficile d’imaginer Washington faire marche arrière ; si la Russie l’emportait en Ukraine, la position des États-Unis dans le monde subirait un sérieux coup.
Les ambitions russes se sont également élargies. Contrairement aux idées reçues en Occident, Moscou n’a pas envahi l’Ukraine pour la conquérir et l’intégrer à une Grande Russie. Il s’agissait principalement d’empêcher l’Ukraine de devenir un rempart occidental à la frontière russe. Poutine et ses conseillers étaient particulièrement inquiets de voir l’Ukraine rejoindre l’OTAN. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, l’a exprimé succinctement à la mi-janvier, en déclarant lors d’une conférence de presse que « la clé de tout est la garantie que l’OTAN ne s’étendra pas vers l’est. » Pour les dirigeants russes, la perspective d’une adhésion de l’Ukraine à l’OTAN est, comme l’a dit Poutine lui-même avant l’invasion, « une menace directe pour la sécurité de la Russie » – une menace qui ne pourrait être éliminée qu’en entrant en guerre et en transformant l’Ukraine en un État neutre ou défaillant.
À cette fin, il semble que les objectifs territoriaux de la Russie se soient considérablement élargis depuis le début de la guerre. Jusqu’à la veille de l’invasion, la Russie s’était engagée à appliquer l’accord de Minsk II, qui aurait maintenu le Donbass dans le giron de l’Ukraine. Cependant, au cours de la guerre, la Russie a conquis de vastes étendues de territoire dans l’est et le sud de l’Ukraine, et il est de plus en plus évident que Poutine a désormais l’intention d’annexer tout ou partie de ces terres, ce qui transformerait effectivement ce qui reste de l’Ukraine en un État croupion dysfonctionnel.
La menace qui pèse aujourd’hui sur la Russie est encore plus grande qu’avant la guerre, principalement parce que l’administration Biden est désormais déterminée à faire reculer les gains territoriaux de la Russie et à paralyser définitivement sa puissance. Pour aggraver encore les choses pour Moscou, la Finlande et la Suède rejoignent l’OTAN, et l’Ukraine est mieux armée et plus étroitement alliée à l’Occident. Moscou ne peut pas se permettre de perdre en Ukraine, et elle utilisera tous les moyens à sa disposition pour éviter la défaite. Poutine semble convaincu que la Russie finira par l’emporter sur l’Ukraine et ses soutiens occidentaux. « Aujourd’hui, nous entendons dire qu’ils veulent nous vaincre sur le champ de bataille« , a-t-il déclaré début juillet. « Qu’en dire ? Qu’ils essaient. Les objectifs de l’opération militaire spéciale seront atteints. Il n’y a aucun doute là-dessus. »
L’Ukraine, pour sa part, a les mêmes objectifs que l’administration Biden. Les Ukrainiens sont déterminés à reconquérir le territoire perdu au profit de la Russie – y compris la Crimée – et une Russie plus faible est certainement moins menaçante pour l’Ukraine. En outre, ils sont convaincus de pouvoir gagner, comme l’a clairement indiqué le ministre ukrainien de la défense, Oleksii Reznikov, à la mi-juillet, lorsqu’il a déclaré : « La Russie peut certainement être vaincue, et l’Ukraine a déjà montré comment. » Son homologue américain est apparemment d’accord. « Notre assistance fait une réelle différence sur le terrain« , a déclaré Austin dans un discours prononcé fin juillet. « La Russie pense qu’elle peut survivre à l’Ukraine – et nous survivre. Mais ce n’est que la dernière en date des erreurs de calcul de la Russie. »
En substance, Kiev, Washington et Moscou sont tous profondément déterminés à gagner aux dépens de leur adversaire, ce qui laisse peu de place au compromis. Ni l’Ukraine ni les États-Unis, par exemple, ne sont susceptibles d’accepter une Ukraine neutre ; en fait, l’Ukraine se rapproche chaque jour davantage de l’Occident. La Russie n’est pas non plus susceptible de restituer la totalité ou même la majeure partie du territoire qu’elle a pris à l’Ukraine, d’autant que les animosités qui alimentent le conflit dans le Donbass entre les séparatistes pro-russes et le gouvernement ukrainien depuis huit ans sont plus intenses que jamais.
Ces intérêts contradictoires expliquent pourquoi tant d’observateurs pensent qu’un règlement négocié ne se produira pas de sitôt et prévoient donc une impasse sanglante. Ils ont raison sur ce point. Mais les observateurs sous-estiment le potentiel d’escalade catastrophique que recèle une guerre prolongée en Ukraine.
Il existe trois chemins d’escalade inhérents à la conduite de la guerre : l’une ou les deux parties l’intensifient délibérément pour gagner, l’une ou les deux parties l’intensifient délibérément pour empêcher la défaite, ou les combats s’intensifient non par choix délibéré mais par enchaînements de faits. Chaque chemin est susceptible d’entraîner les États-Unis dans les combats ou de conduire la Russie à utiliser des armes nucléaires, voire les deux.
L’Amérique entre en jeu
Une fois que l’administration Biden a conclu que la Russie pouvait être battue en Ukraine, elle a envoyé davantage d’armes (et plus puissantes) à Kiev. L’Occident a commencé à accroître la capacité offensive de l’Ukraine en envoyant des armes telles que le système de roquettes à lancement multiple HIMARS, en plus des armes « défensives » telles que le missile antichar Javelin. Au fil du temps, la létalité et la quantité des armes ont augmenté. Il faut savoir qu’en mars, Washington a opposé son veto à un projet de transfert d’avions de combat MiG-29 polonais à l’Ukraine, au motif que cela risquait d’intensifier le combat, mais en juillet, il n’a soulevé aucune objection lorsque la Slovaquie a annoncé qu’elle envisageait d’envoyer les mêmes avions à Kiev. Les États-Unis envisagent également de donner leurs propres F-15 et F-16 à l’Ukraine.
Les États-Unis et leurs alliés forment également l’armée ukrainienne et lui fournissent des renseignements essentiels qu’elle utilise pour détruire des cibles russes clés. En outre, comme l’a rapporté le New York Times, l’Occident dispose d’un « réseau furtif de commandos et d’espions » sur le terrain en Ukraine. Washington n’est peut-être pas directement engagé dans les combats, mais il est profondément impliqué dans la guerre. Et il ne lui reste plus qu’un pas à franchir pour que ses propres soldats appuient sur la gâchette et ses propres pilotes sur les boutons.
L’armée américaine pourrait s’impliquer dans les combats de différentes manières. Envisageons une situation où la guerre s’éternise pendant un an ou plus, et où il n’y a pas de solution diplomatique en vue ni de voie praticable vers une victoire ukrainienne. Dans le même temps, Washington cherche désespérément à mettre fin à la guerre, peut-être parce qu’il doit se concentrer sur l’endiguement de la Chine ou parce que les coûts économiques du soutien à l’Ukraine causent des problèmes politiques dans le pays et en Europe. Dans ces circonstances, les décideurs américains auraient toutes les raisons d’envisager de prendre des mesures plus risquées – comme l’imposition d’une zone d’exclusion aérienne au-dessus de l’Ukraine ou l’insertion de petits contingents de forces terrestres américaines – pour aider l’Ukraine à vaincre la Russie.
Un scénario plus probable pour une intervention américaine se produirait si l’armée ukrainienne commençait à s’effondrer et que la Russie semblait susceptible de remporter une victoire majeure. Dans ce cas, étant donné l’engagement profond de l’administration Biden à empêcher cette issue, les États-Unis pourraient essayer de renverser la vapeur en s’impliquant directement dans les combats. On peut facilement imaginer des responsables américains croyant que la crédibilité de leur pays est en jeu et se convainquant qu’un recours limité à la force sauverait l’Ukraine sans inciter Poutine à utiliser des armes nucléaires. Par ailleurs, une Ukraine désespérée pourrait lancer des attaques à grande échelle contre des villes russes, en espérant qu’une telle escalade provoquerait une réponse massive de la Russie qui obligerait finalement les États-Unis à se joindre aux combats.
Le dernier scénario d’implication américaine est celui d’une escalade involontaire : sans le vouloir, Washington est entraîné dans la guerre par un événement imprévu qui s’amplifie. Peut-être que des avions de chasse américains et russes, qui sont entrés en contact étroit au-dessus de la mer Baltique, entrent accidentellement en collision. Un tel incident pourrait facilement dégénérer, étant donné les niveaux élevés de peur des deux côtés, le manque de communication et la diabolisation mutuelle.
Ou peut-être la Lituanie bloquera-t-elle le passage des marchandises sanctionnées qui traversent son territoire pour se rendre de Russie à Kaliningrad, l’enclave russe séparée du reste du pays. C’est ce qu’a fait la Lituanie à la mi-juin, mais elle a fait marche arrière à la mi-juillet, après que Moscou a clairement indiqué qu’elle envisageait des « mesures sévères » pour mettre fin à ce qu’elle considère comme un blocus illégal. Le ministère lituanien des affaires étrangères a toutefois refusé de lever complètement le blocus. La Lituanie étant membre de l’OTAN, les États-Unis se porteraient presque certainement à sa défense si la Russie attaquait le pays.
Ou peut-être la Russie détruira-t-elle un bâtiment à Kiev ou un site d’entraînement quelque part en Ukraine, tuant involontairement un nombre important d’Américains, tels que des travailleurs humanitaires, des agents de renseignement ou des conseillers militaires. L’administration Biden, confrontée à un tollé dans son pays, décidera qu’elle doit riposter et frappera des cibles russes, ce qui entraînera un échange de coups bas entre les deux parties.
Enfin, il est possible que les combats dans le sud de l’Ukraine endommagent la centrale nucléaire de Zaporizhzhya, la plus grande d’Europe, contrôlée par la Russie, au point qu’elle émette des radiations dans toute la région, ce qui amènerait la Russie à réagir de la même manière. Dmitri Medvedev, l’ancien président et premier ministre russe, a répondu de manière sinistre à cette éventualité en déclarant en août : « N’oubliez pas qu’il y a aussi des sites nucléaires dans l’Union européenne. Et des incidents sont possibles là aussi« . Si la Russie devait frapper un réacteur nucléaire européen, les États-Unis entreraient presque certainement dans la bataille.
Bien entendu, Moscou pourrait également être à l’origine de cette escalade. On ne peut écarter la possibilité que la Russie, qui cherche désespérément à stopper le flux d’aide militaire occidentale en Ukraine, frappe les pays par lesquels passe la majeure partie de cette aide : la Pologne ou la Roumanie, qui sont toutes deux membres de l’OTAN. Il est également possible que la Russie lance une cyberattaque massive contre un ou plusieurs pays européens aidant l’Ukraine, causant de gros dégâts à ses infrastructures critiques. Une telle attaque pourrait inciter les États-Unis à lancer une cyberattaque de représailles contre la Russie. En cas de succès, Moscou pourrait répondre militairement ; en cas d’échec, Washington pourrait décider que la seule façon de punir la Russie serait de la frapper directement. De tels scénarios semblent tirés par les cheveux, mais ils ne sont pas impossibles. Et ce ne sont que quelques exemples de la façon dont ce qui est aujourd’hui une guerre locale pourrait se transformer en quelque chose de beaucoup plus grand et plus dangereux.
En arriver au nucléaire
Bien que l’armée russe ait fait d’énormes dégâts en Ukraine, Moscou a, jusqu’à présent, été réticent à lancer une escalade pour gagner la guerre. Poutine n’a pas augmenté la taille de ses forces par une conscription à grande échelle. Il n’a pas non plus pris pour cible le réseau électrique de l’Ukraine, ce qui serait relativement facile à faire et infligerait des dommages massifs à ce pays. En fait, de nombreux Russes lui ont reproché de ne pas mener la guerre plus vigoureusement. Poutine a reconnu ces critiques, mais a fait savoir qu’il s’engagerait dans une escalade si nécessaire. « Nous n’avons même pas encore commencé quelque chose de sérieux« , a-t-il déclaré en juillet, laissant entendre que la Russie pourrait le faire, et le ferait, si la situation militaire se détériorait.
Qu’en est-il de la forme ultime de l’escalade ? Il existe trois circonstances dans lesquelles Poutine pourrait utiliser des armes nucléaires. La première serait que les États-Unis et leurs alliés de l’OTAN entrent dans la bataille. Non seulement cette évolution modifierait sensiblement l’équilibre militaire en défaveur de la Russie, ce qui augmenterait considérablement la probabilité de sa défaite, mais cela signifierait également que la Russie mènerait une guerre entre grandes puissances à ses portes, qui pourrait facilement déborder sur son territoire. Les dirigeants russes penseraient certainement que leur survie est en danger, ce qui les inciterait fortement à utiliser des armes nucléaires pour sauver la situation. Au minimum, ils envisageraient des frappes de démonstration destinées à convaincre l’Occident de faire marche arrière. Il est impossible de savoir à l’avance si une telle mesure mettrait fin à la guerre ou conduirait à une escalade incontrôlable.
Dans son discours du 24 février annonçant l’invasion, Poutine a fortement laissé entendre qu’il aurait recours aux armes nucléaires si les États-Unis et leurs alliés entraient en guerre. S’adressant à « ceux qui pourraient être tentés d’intervenir« , il a déclaré : « Ils doivent savoir que la Russie répondra immédiatement, et les conséquences seront telles que vous n’en avez jamais vues dans toute votre histoire. » Son avertissement n’a pas échappé à Avril Haines, directrice du renseignement national américain, qui a prédit en mai que Poutine pourrait utiliser des armes nucléaires si l’OTAN « intervient ou est sur le point d’intervenir« , en bonne partie parce que cela « contribuerait évidemment à donner l’impression qu’il est sur le point de perdre la guerre en Ukraine« .
Dans le deuxième scénario nucléaire, l’Ukraine renverse par elle-même la situation sur le champ de bataille, sans implication directe des États-Unis. Si les forces ukrainiennes étaient sur le point de vaincre l’armée russe et de reprendre le territoire perdu par leur pays, il ne fait aucun doute que Moscou pourrait facilement considérer ce résultat comme une menace existentielle nécessitant une réponse nucléaire. Après tout, Poutine et ses conseillers ont été suffisamment alarmés par l’alignement croissant de Kiev sur l’Occident pour choisir délibérément d’attaquer l’Ukraine, malgré les avertissements clairs des États-Unis et de leurs alliés quant aux graves conséquences auxquelles la Russie serait confrontée. Contrairement au premier scénario, Moscou utiliserait des armes nucléaires non pas dans le cadre d’une guerre avec les États-Unis, mais contre l’Ukraine. Elle le ferait sans grande crainte de représailles nucléaires, puisque Kiev ne possède pas d’armes nucléaires et que Washington n’aurait aucun intérêt à déclencher une guerre nucléaire. En l’absence d’une menace claire de représailles, il serait plus facile pour Poutine d’envisager l’utilisation du nucléaire.
Dans le troisième scénario, la guerre s’installe dans une impasse prolongée qui n’a pas de solution diplomatique et devient extrêmement coûteuse pour Moscou. Désespérant de mettre fin au conflit dans des conditions favorables, Poutine pourrait choisir l’escalade nucléaire pour gagner. Comme dans le scénario précédent, où il l’intensifie pour éviter la défaite, les représailles nucléaires américaines seraient hautement improbables. Dans les deux scénarios, la Russie est susceptible d’utiliser des armes nucléaires tactiques contre un petit nombre de cibles militaires, du moins dans un premier temps. Elle pourrait frapper des villes et des villages lors d’attaques ultérieures, si nécessaire. L’obtention d’un avantage militaire serait l’un des objectifs de la stratégie, mais le plus important serait de porter un coup qui changerait la donne – de créer une telle peur en Occident que les États-Unis et leurs alliés agiraient rapidement pour mettre fin au conflit dans des conditions favorables à Moscou. Il n’est pas étonnant que William Burns, le directeur de la CIA, ait fait remarquer en avril : « Aucun d’entre nous ne peut prendre à la légère la menace que représente un recours potentiel à des armes nucléaires tactiques ou à des armes nucléaires à faible rendement. »
Frôler la catastrophe
On pourrait admettre que, bien que l’un de ces scénarios catastrophiques puisse théoriquement se produire, les chances sont faibles et devraient donc être peu préoccupantes. Après tout, les dirigeants des deux camps sont fortement incités à tenir les Américains à l’écart des combats et à éviter toute utilisation nucléaire, même limitée, sans parler d’une véritable guerre nucléaire.
Si seulement on pouvait être aussi optimiste. En fait, la vision conventionnelle sous-estime largement les dangers d’une escalade en Ukraine. Pour commencer, les guerres ont tendance à avoir une logique propre, ce qui rend difficile de prédire leur déroulement. Quiconque affirme savoir avec certitude quel chemin prendra la guerre en Ukraine se trompe. La dynamique de l’escalade en temps de guerre est tout aussi difficile à prévoir ou à contrôler, ce qui devrait servir d’avertissement à ceux qui sont convaincus que les événements en Ukraine peuvent être gérés. En outre, comme l’a reconnu le théoricien militaire prussien Carl von Clausewitz, le nationalisme encourage les guerres modernes à s’intensifier jusqu’à leur forme la plus extrême, surtout lorsque les enjeux sont élevés pour les deux parties. Cela ne veut pas dire que les guerres ne peuvent pas être limitées, mais cela n’est pas facile. Enfin, étant donné les coûts faramineux d’une guerre nucléaire entre grandes puissances, le moindre risque qu’elle se produise devrait inciter chacun à réfléchir longuement à la direction que pourrait prendre ce conflit.
Cette situation périlleuse crée une incitation puissante à trouver une solution diplomatique à la guerre. Malheureusement, il n’y a pas de règlement politique en vue, car les deux parties sont fermement engagées dans des objectifs de guerre qui rendent tout compromis presque impossible. L’administration Biden aurait dû travailler avec la Russie pour régler la crise ukrainienne avant que la guerre n’éclate en février. Il est maintenant trop tard pour conclure un accord. La Russie, l’Ukraine et l’Occident sont coincés dans une situation terrible, sans issue évidente. On ne peut qu’espérer que les dirigeants des deux parties géreront la guerre de manière à éviter une escalade catastrophique. Mais pour les dizaines de millions de personnes dont la vie est en jeu, ce n’est qu’un maigre réconfort.
John J. Mearsheimer
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
Voici maintenant le commentaire de Gilbert Doctorow au sujet de cet article :
Critique du dernier article de John Mearsheimer sur l’Ukraine dans « Foreign Affairs« .
Par Gilbert Doctorow − Le 20 août 2022
Il y a quelques jours, la revue de politique internationale la plus lue aux États-Unis, Foreign Affairs, publiait un article du professeur de l’Université de Chicago, John Mearsheimer, intitulé « Playing with Fire in Ukraine : the Underappreciated Risks of Catastrophic Escalation »
Cette publication a constitué un événement majeur en soi compte tenu de la ligne éditoriale orthodoxe de Foreign Affairs pour tout ce qui concerne la Russie et des remises en cause de la narrative de Washington faites par Mearsheimer depuis la parution de son article « Why the Ukraine Crisis is the West’s Fault » [Pourquoi la crise en Ukraine est de la faute de l’Occident] dans le numéro d’automne 2014 de Foreign Affairs. À l’époque, cet article avait suscité un paroxysme de rage chez les partisans de la ligne dure qui forment la majorité de la communauté américaine de politique étrangère et des lecteurs de la revue.
La vidéo d’un discours sur le même sujet, que Mearsheimer a prononcé en 2014 peu après la parution de l’article, a été visionnée par plus de 12 millions de visiteurs sur YouTube. Une version actualisée du même discours, publié aussi sur YouTube au cours de ce printemps, a attiré plus de 1,6 million de spectateurs. On peut affirmer sans risque que John Mearsheimer est l’universitaire qui conteste la sagesse conventionnelle sur la guerre en Ukraine le plus vu et le plus écouté.
Je reconnais volontiers le mérite du nouvel article de Mearsheimer : avertir de la manière dont le conflit en Ukraine pourrait facilement échapper à tout contrôle et dégénérer en une guerre nucléaire. Les conseillers inexpérimentés et ignorants de la Maison Blanche doivent être secoués pour sortir de leur complaisance et tout ce qui est publié dans Foreign Affairs sera nécessairement porté à leur attention, alors qu’un article publié par www.antiwar.com, par exemple, sera brûlé avant même d’être lu.
Toutefois, cela n’excuse pas Mearsheimer de se baser sur les mêmes sources d’information restreintes et déformées que celles utilisées par les grands médias et les grands universitaires, tout en ignorant d’autres sources d’information qui donneraient plus de profondeur à son analyse et modifieraient peut-être ses conclusions de manière substantielle. Pour être explicite, je pense qu’il écoute trop attentivement les prévisions optimistes de Washington et de Kiev concernant une contre-offensive qui aboutira à une impasse, voire à une défaite russe, et qu’il n’écoute pas les rapports russes sur l’évolution de leur campagne sur le terrain, qui indiquent une réduction lente et régulière de tous les obstacles à la conquête de l’oblast de Donetsk, ce qui signifie la capture de l’ensemble du Donbass.
L’avancée russe n’est que légèrement ralentie par le détournement de troupes vers la région de Kherson pour étouffer dans l’œuf cette attaque ukrainienne bien annoncée. Aux dernières nouvelles, les Russes s’approchent des points forts stratégiques de Slavyansk et Kramatorsk, berceau du mouvement indépendantiste du Donbass en 2014. En prenant ces villes de la région centrale, ils coupent l’approvisionnement en armes des positions ukrainiennes les plus lourdement fortifiées juste à l’extérieur de la ville de Donetsk, celles qui bombardent les quartiers résidentiels et tuent des civils quotidiennement depuis huit ans. C’est ce qui explique qu’ils aient finalement envahi et détruit les positions ukrainiennes dans la ville de Peski, à seulement deux kilomètres de la capitale de la RPD, la semaine dernière.
La prise de Peski n’a pas été rapportée par les médias occidentaux, tout comme la nature criminelle de certains actes, avoir tiré sur des cibles civiles en violation des conventions internationales sur la conduite de la guerre, par exemple, et cela n’a jamais été signalé. Ainsi, l’avancée russe n’a rien de « choquant et effrayant« , ce qui signifie que les Russes ne font rien pour faire les gros titres et forcer Biden à entamer une escalade disproportionnée.
Le programme russe, tel qu’annoncé dans leurs principaux talk-shows télévisés, est d’achever la libération du Donbass d’ici la fin de l’année. Après cela, s’il n’y a pas de capitulation ukrainienne, il est probable que la progression se poursuivra jusqu’en Transnistrie et à la frontière roumaine, en passant par Odessa, auquel cas aucun traité de paix ne sera plus nécessaire pour quiconque. Le régime de Zelensky pourra être laissé à l’abandon, les récriminations mutuelles ébranlant la base de son pouvoir.
L’article de Mearsheimer examine en détail les nombreux scénarios possibles d’une escalade dangereuse, voire catastrophique, du conflit. Mais ceux-ci sont innombrables et largement imprévisibles, de sorte qu’il ne couvre finalement qu’une fraction des possibilités de dérapage. Elles sont, comme il l’admet, peu susceptibles de se produire. Amen.
L’une de ces possibilités d’escalade catastrophique qui retient actuellement l’attention des médias mondiaux est l’affrontement à la centrale nucléaire de Zaporozhie, occupée par la Russie, la plus grande centrale de ce type en Europe. Les deux parties en conflit jouent sur la menace inhérente aux tirs d’artillerie et de roquettes sur une installation nucléaire à des fins de propagande, pour dépeindre l’autre partie comme étant folle : les Ukrainiens décrivent des dirigeants du Kremlin comme étant des terroristes nucléaires et des maîtres chanteurs, les Russes disent que les forces ukrainiennes qui tirent sur la centrale sont des « singes portant des grenades« . Mearsheimer avait certainement à l’esprit, lorsqu’il a formulé son article, les dommages causés à la centrale et le rejet de substances radioactives dans l’atmosphère. Cependant, permettez-moi d’être parfaitement clair : il s’agit d’un faux problème, tout comme le prétendu blocus russe des ports ukrainiens qui aurait forcé à la famine les nations africaines qui ne parvenaient pas à obtenir les céréales qu’elles avaient commandées à l’Ukraine avant le conflit. Le fait est que les réacteurs nucléaires sont encastrés dans des murs de béton d’un mètre d’épaisseur qui sont résistants à tous les projectiles que les Ukrainiens sont capables de lancer. Les risques concernent les bâtiments administratifs et les systèmes de refroidissement. Les Russes sont parfaitement capables d’arrêter les réacteurs nucléaires à tout moment pour éviter une catastrophe.
Permettez-moi maintenant d’attirer l’attention sur le risque nucléaire que Mearsheimer identifie dans son article. Il a repris exactement le même argument que les commentateurs dominants aux États-Unis, à savoir que la Russie pourrait recourir aux armes nucléaires au cas où la campagne se retournerait contre elle en raison d’une intervention plus importante de l’Occident, y compris par l’envoi de troupes sur le terrain. Nous savons tous que des troupes sont déjà sur le terrain, à savoir les « instructeurs » qui dirigent les tirs des HIMARS. Nous savons que des officiers supérieurs américains et d’autres officiers occidentaux assurant la liaison avec leurs homologues ukrainiens ont récemment été réduits en miettes par l’attaque à la roquette russe sur Vinnitsa. Tout cela a été passé sous silence et le seul indice de ce désastre pour Washington a été le licenciement des dirigeants des services de renseignement ukrainiens, dès le lendemain.
Bien sûr, personne ne sait ce qui pourrait encore forcer une escalade. Mais là encore, Mearsheimer passe à côté de certaines considérations importantes. Pourquoi suppose-t-il que les Russes devraient passer aux options nucléaires et pourquoi ces options seraient-elles dirigées contre Kiev et non, par exemple, contre Londres ? Plus précisément, il ne tient pas compte du fait que les Russes ont à peine commencé à se battre, comme Poutine l’a récemment déclaré publiquement. Ils ne se sont pas mobilisés et n’ont pas émis d’avis de conscription, ils n’ont pas mis l’économie sur le pied de guerre. Et ils n’ont pas déployé leurs armes les plus conséquentes. Au contraire, ils se sont retenus, mais sont prêts à les utiliser si nécessaire dans une guerre directe avec l’OTAN. Il s’agit de charges conventionnelles massivement destructrices transportées par des fusées hypersoniques et similaires.
Il y a ensuite une autre dimension du conflit que Mearsheimer n’aborde pas dans son article, alors qu’elle exercera une influence décisive sur la victoire de Washington ou de Moscou dans cette lutte acharnée : les dommages économiques causés par les sanctions contre l’Europe par le biais d’un retour de flamme qui est sur le point de devenir politiquement insoutenable à l’arrivée de la saison de chauffage d’automne et d’hiver. Les pays baltes et la Pologne sont et resteront irraisonnables, dirigés qu’ils sont par des russophobes délirants. Toutefois, lorsque les inévitables manifestations de rue se produiront en France, le plus instable des grands États de l’UE, suivi par l’Allemagne de l’Est et même par la Belgique, un pays plus passif, comme me l’expliquent les élites locales avec qui je parle, alors les politiciens européens partiront dans des directions contradictoires et l’unité s’effondrera. Les Russes sont sûrs de gagner cette guerre psychologique, malgré tous les efforts des médias de l’UE pour l’étouffer. Le jour où Scholz donnera le feu vert à l’ouverture du Nord Stream II marquera la victoire des Russes et mettra un terme aux décisions suicidaires prises par les États-Unis en Europe.
Pour toutes ces raisons, j’exhorte le professeur Mearsheimer et ses disciples à prêter davantage attention à ce que disent les Russes et moins aux babillages de Washington.
Gilbert Doctorow
Traduit par Wayan, relu par Hervé, pour le Saker Francophone
Le conflit en Ukraine précipite la fin de la domination occidentale
Le conflit ukrainien, présenté comme une agression russe, n’est que la mise en application de la résolution 2202 du Conseil de sécurité, du 17 février 2015. Si la France et l’Allemagne n’ont pas tenu leurs engagements lors de l’Accord de Minsk II, la Russie s’est préparée durant sept ans à la confrontation actuelle. Elle avait prévu les sanctions occidentales longtemps à l’avance et n’a eu besoin que de deux mois pour les contourner. Celles-ci désorganisent la globalisation états-unienne, perturbent les économies occidentales en brisant les chaînes d’approvisionnement, en faisant refluer les dollars vers Washington et en provoquant une inflation générale, enfin en créant une crise énergétique en Occident. Les États-Unis et leurs alliés sont dans la situation de l’arroseur arrosé : ils creusent eux-mêmes leur tombe. Pendant ce temps, les recettes du Trésor russe ont crû de 32 % en six mois.
Au cours des sept dernières années, il incombait aux puissances garantes de l’Accord de Minsk II (Allemagne, France, Ukraine et Russie) de le faire appliquer. Ils avaient été avalisés et légalisés par le Conseil de Sécurité des Nations unies, le 17 février 2015. Mais aucun de ces États ne l’a fait, malgré les discours sur la nécessité de protéger les citoyens menacés par leur propre gouvernement.
Alors que l’on évoquait une possible intervention militaire russe, le 31 janvier 2022, le secrétaire du Conseil de Sécurité nationale et de Défense ukrainien, Oleksiy Danilov, défiait l’Allemagne, la France, la Russie et le Conseil de Sécurité des Nations unies en déclarant : « Le respect des accords de Minsk signifie la destruction du pays. Lorsqu’ils ont été signés sous la menace armée des Russes — et sous le regard des Allemands et des Français — il était déjà clair pour toutes les personnes rationnelles qu’il était impossible de mettre en application ces documents » [1].
Lorsqu’à l’issue de sept années, le nombre d’Ukrainiens tués par le gouvernement de Kiev s’éleva à plus de douze mille selon celui-ci et à plus de vingt mille selon la Commission d’enquête russe, et alors seulement, Moscou lança une « opération militaire spéciale » contre les « nationalistes intégraux » ukrainiens (c’est l’appellation qu’ils revendiquent) qualifiés de « néo-nazis ».
La Russie a déclaré dès le début de son opération qu’elle s’en tiendrait à porter secours aux populations et à « dénazifier » l’Ukraine, pas à l’occuper. Pourtant les Occidentaux l’ont accusée de tenter de prendre Kiev, de renverser le président Zelensky et d’annexer l’Ukraine ; ce que manifestement, ils n’ont jamais fait. Ce n’est qu’après l’exécution de l’un des négociateurs ukrainiens, Denis Kireev, par les services de sécurité de son propre pays (SBU) et la suspension des pourparlers par le président Volodymyr Zelensky que son homologue russe, Vladimir Poutine, a annoncé durcir ses exigences. Désormais la Fédération réclame la Novorussia, c’est-à-dire tout le sud de l’Ukraine, historiquement russe depuis la Tsarine Catherine II, à l’exception de trente-trois ans.
Il faut bien comprendre que si la Russie n’a rien fait durant sept ans, ce n’est pas parce qu’elle ait été insensible au massacre des populations russophones du Donbass, mais parce qu’elle se préparait à faire face à la prévisible riposte occidentale. Selon la citation classique du ministre des Affaires étrangères du tsar Alexandre II, le prince Alexandre Gortchakov : « L’Empereur est décidé à consacrer, de préférence, sa sollicitude au bien-être de ses sujets et à concentrer, sur le développement des ressources intérieures du pays, une activité qui ne serait déversée au dehors que lorsque les intérêts positifs de la Russie l’exigeraient absolument. On adresse à la Russie le reproche de s’isoler et de garder le silence, en présence de faits qui ne s’accordent ni avec le droit, ni avec l’équité. La Russie boude dit-on. La Russie ne boude pas. La Russie se recueille ».
Cette opération de police a été qualifiée d’« agression » par les Occidentaux. De fil en aiguille, la Russie a été dépeinte comme une « dictature » et sa politique étrangère comme un « impérialisme ». Nul ne semble avoir lu l’Accord de Minsk II, pourtant validé par le Conseil de Sécurité des Nations unies. Dans une conversation téléphonique entre les présidents Poutine et Macron, révélée par l’Élysée, ce dernier manifeste même son désintérêt pour le sort de la population du Donbass, c’est-à-dire son mépris de l’Accord de Minsk II.
Aujourd’hui, les services secrets occidentaux se portent au secours des « nationalistes intégraux » ukrainiens (les « néo-nazis » selon la terminologie russe) et, au lieu de chercher une solution pacifique, tentent de détruire la Russie de l’intérieur [2].
En droit international, Moscou n’a fait qu’appliquer la résolution de 2015 du Conseil de Sécurité. On peut lui reprocher sa brutalité, mais ni de s’être précipité (sept ans), ni d’être illégitime (la résolution 2202). Les présidents Petro Porochenko, François Hollande, Vladimir Poutine et la chancelière Angela Merkel s’étaient engagés, dans une déclaration commune annexée à la résolution, à faire la même chose. Si l’une de ces puissances était intervenue auparavant, elle aurait pu choisir d’autres modalités d’opération, mais aucune ne l’a fait.
En toute logique, le Secrétaire général des Nations unies aurait dû rappeler à l’ordre les membres du Conseil afin qu’ils ne condamnent pas l’opération russe dont ils avaient accepté le principe sept ans plus tôt, mais qu’ils en fixent les modalités. Il ne l’a pas fait. Au contraire, le Secrétariat général, sortant de son rôle et prenant parti pour le système unipolaire, vient de donner instruction orale à tous ses hauts fonctionnaires sur des théâtres de guerre de ne plus rencontrer de diplomates russes.
Ce n’est pas la première fois que le Secrétariat général contrevient aux statuts des Nations unies. Lors de la guerre contre la Syrie, il avait rédigé un plan d’une cinquantaine de pages sur l’abdication du gouvernement syrien, impliquant la déchéance de la souveraineté populaire syrienne et la dé-baasification du pays. Ce texte n’a jamais été publié, mais nous l’avons analysé dans ces colonnes avec effroi. En définitive, l’envoyé spécial du Secrétaire général à Damas, Staffan de Mistura, a été contraint de signer une déclaration reconnaissant sa nullité. Quoiqu’il en soit, la note du Secrétariat général interdisant aux fonctionnaires de l’Onu de participer à la reconstruction de la Syrie [3] est toujours en vigueur. C’est elle qui paralyse le retour des exilés dans leur pays au grand dam non seulement de la Syrie, mais aussi du Liban, de la Jordanie et de la Turquie.
Lors de la Guerre de Corée, les États-Unis profitaient de la politique soviétique de la chaise vide pour mener leur guerre sous le drapeau des Nations-Unis (à l’époque, la Chine populaire ne siégeait pas au Conseil). Il y a dix ans, ils utilisaient le personnel de l’Onu pour mener une guerre totale contre la Syrie. Aujourd’hui, ils vont plus loin en prenant position contre un membre permanent du Conseil de Sécurité.
Après être devenue une organisation sponsorisée par des multinationales sous Kofi Annan, l’Onu s’est transformée en une annexe du département d’État sous Ban Ki-moon et António Guterres.
La Russie et la Chine sont conscientes, comme tous les autres États, du fait que l’Onu ne remplit plus du tout sa fonction. Au contraire, l’Organisation aggrave les tensions et participe à des guerres (tout au moins en Syrie et dans la Corne de l’Afrique). Aussi Moscou et Beijing développent-ils d’autres institutions.
La Russie ne porte plus ses efforts vers les structures héritées de l’Union soviétique comme la Communauté des États indépendants, la Communauté économique eurasiatique, voire même l’Organisation du Traité de Sécurité collective ; ni même vers celles héritées de la Guerre froide, comme l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. Non, elle se concentre vers ce qui pourra redessiner un monde multilatéral.
En premier lieu, la Russie met en évidence les actions économiques des BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Elle ne les revendique pas comme ses réalisations, mais comme des efforts communs auxquels elle participe. Treize États espèrent joindre les BRICS, mais celles-ci ne sont pas, pour le moment, ouvertes à adhésion. D’ores et déjà, les BRICS ont un pouvoir bien plus important que le G7, ils agissent, tandis que depuis plusieurs années le G7 déclame qu’il fera de grandes choses que l’on ne voit jamais venir et qu’il décerne de bons et de mauvais points à ceux qui sont absents.
Surtout, la Russie pousse à une plus grande ouverture et à une profonde transformation de l’Organisation de coopération de Shanghai (OCS). Jusqu’ici, il ne s’agissait que d’une structure de contact des pays d’Asie centrale, autour de la Russie et de la Chine, pour prévenir les troubles que les services secrets anglo-saxons tentaient d’y fomenter. Petit à petit, elle a permis à ses membres de mieux se connaître. Ils ont étendu leurs travaux à d’autres questions communes. En outre, l’OCS s’est élargie, notamment à l’Inde et au Pakistan, puis à l’Iran. Dans les faits, elle incarne aujourd’hui les principes de Bandung, fondés sur la souveraineté des États et la négociation, face à ceux des Occidentaux, fondés sur la conformité à l’idéologie anglo-saxonne.
Les Occidentaux pérorent, tandis que la Russie et la Chine avancent. J’écris bien « pérorent », car ils croient leurs gesticulations efficaces. Ainsi, les États-Unis et le Royaume-Uni, puis l’Union européenne et le Japon ont pris des mesures économiques très dures contre la Russie. Ils n’ont pas osé dire que c’était une guerre visant à maintenir leur autorité sur le monde et les ont donc désignées sous le vocable de « sanctions », bien qu’il n’y ait pas eu de tribunal, de plaidoirie de la défense, ni de sentence. Bien sûr, il s’agit de sanctions illégales car décidées hors des instances des Nations unies. Mais les Occidentaux, qui se prétendent les défenseurs de « règles internationales », n’ont que faire du Droit international.
Bien sûr, le droit de veto des cinq membres permanents du Conseil empêche que l’on prenne des sanctions contre l’un d’entre eux, mais c’est précisément parce que le but de l’Onu n’est pas de se conformer à l’idéologie anglo-saxonne, mais de préserver la paix mondiale.
Je reviens à mon propos : la Russie et la Chine avancent, mais à un rythme tout différent de celui des Occidentaux. Il s’est écoulé deux ans entre l’engagement russe d’intervenir en Syrie et le déploiement de ses soldats sur place ; deux ans qui furent utilisés à finaliser les armes qui assurèrent sa supériorité sur le champ de bataille. Il aura fallu sept ans entre l’engagement russe de Minsk II et l’intervention militaire au Donbass ; sept ans qui furent utilisés à préparer le contournement des sanctions économiques occidentales.
C’est pourquoi ces « sanctions » ne sont pas parvenues à mettre l’économie russe à genoux, mais atteignent profondément ceux qui les ont émises. Les gouvernements allemands et français prévoient de très graves problèmes énergétiques qui contraignent déjà certaines de leurs usines à tourner au ralenti et bientôt à la fermeture. Au contraire, l’économie russe est en pleine expansion. Après deux mois durant lesquels le pays ne vivait plus que sur ses stocks, le moment est venu de l’abondance. Les recettes du Trésor russe ont connu un boom de 32 % au premier semestre [4]. Non seulement le refus occidental du gaz russe a fait monter les prix au profit du premier exportateur, la Russie, mais cette entorse au discours libéral a effrayé les autres États qui, pour se rassurer, se sont tournés vers Moscou.
La Chine, que les Occidentaux présentent comme un vendeur de camelote faisant tomber ses proies dans une spirale d’endettement, vient d’annuler la plupart des dettes à son égard de 13 États africains.
Chaque jour nous entendons les nobles discours occidentaux et leurs accusations contre la Russie et la Chine. Mais chaque jour aussi nous constatons, si nous regardons les faits, que la réalité est inverse. Par exemple, les Occidentaux nous expliquent sans preuve que la Chine est une « dictature » et qu’elle « a incarcéré un million d’Ouïghours ». Bien que nous ne disposions pas de statistiques récentes, nous savons tous qu’il y a moins de prisonniers en Chine qu’aux USA, alors que ce pays est quatre fois moins peuplé. Ou encore, on nous explique que l’on persécute les homosexuels en Russie, alors que nous voyons de plus grandes discothèques gays à Moscou qu’à New York.
L’aveuglement occidental conduit à des situations ubuesques où les dirigeants occidentaux ne perçoivent plus l’impact de leurs contradictions.
Ainsi, le président Emmanuel Macron vient d’effectuer une visite officielle en Algérie. Il tente de réconcilier les deux nations et d’acheter du gaz pour contrebalancer la pénurie qu’il a contribué à provoquer. Il a conscience d’arriver un peu tard, après que ses alliés (l’Italie et l’Allemagne) ont fait leurs emplettes. Par contre, il s’efforce de croire à tort que le principal problème franco-algérien, c’est la colonisation. Il ne se rend pas compte que la confiance est impossible parce que la France soutient les pires ennemis de l’Algérie, les jihadistes de Syrie et du Sahel. Il ne fait pas le lien entre son absence de relations diplomatique avec la Syrie, son éviction du Mali [5] et la froideur avec laquelle il est reçu à Alger. En définitive, un accord anti-terroriste a été arraché par les Algériens, mais on n’en connaît pas actuellement le contenu.
Il est vrai que les Français ne savent pas ce que sont les jihadistes. Ils viennent de juger, dans le plus grand procès du siècle, les attentats de Saint-Denis, des terrasses de Paris et du Bataclan (13 novembre 2015), sans être capables de poser la question des soutiens étatiques des jihadistes. Ce faisant, loin de montrer leur sens de la justice, ils ont manifesté leur lâcheté. Ils se sont montrés terrorisés par une poignée d’hommes, tandis que l’Algérie en a connu des dizaines de milliers lors de sa guerre civile et en connaît encore autant au Sahel.
Alors que la Russie et la Chine avancent, l’Occident ne fait pas du sur place, il recule. Il continuera sa chute tant qu’il ne clarifiera pas sa politique, qu’il ne mettra pas fin à son double standard de jugement moral et qu’il n’aura pas cessé ses doubles jeux.
A mon tour de mon modeste commentaire.
Comme toujours, d’une façon, d’une autre, ou de multiples façons à la fois, l’Empire anglo-saxon est à l’attaque.
Comme toujours, même si elle paraît (oui, paraît) prendre les initiatives d’une opération militaire dite « spéciale », la Russie est sur la défensive.
L’Empire, le plus souvent, agit via des intermédiaires, des mercenaires, des aboyeurs, des biais commerciaux ou financiers, se gargarisant d’agir et faire agir selon « des règles » qui n’ont rien à voir avec les accords internationaux : pour ceux-là, ils sont toujours et systématiquement bafoués. Est-ce malsain ? Ô combien oui !
Quels sont les enjeux ?
— « à l’ouest » (s’entendre sur les termes EST et OUEST) il s’agit orgueilleusement de maintenir A TOUT PRIX le contrôle du monde entier, dont de l’Eurasie . En vertu de la doctrine de Monroe, l’Amérique latine n’est qu’une arrière-cour où le Géant agit comme il l’entend. L’Afrique n’est qu’une source de ressources, diverses, où le Géant va puiser quand cela lui plaît. Quant à l’Eurasie, les accès sont moins commodes pour y faire « selon son bon plaisir ».
— à l’est il s’agit d’une question archi-essentielle de vie ou de mort. Le droit à la défaite est absolument interdit. Parce que les responsables le sont vraiment, ils savent que s’ils lâchent, c’est le monde entier qui en subit les graves conséquences.
Quand on voit ces enjeux, il est assez patent qu’il s’agit bien d’une confrontation entre la survie du monde, et le bon plaisir de quelques individus pas vraiment humains, absolument indifférents au sort de ceux qui ne sont pas eux : les humains.
Que ces monstres y prennent garde : si certaines lignes rouges sont franchies (et certainement on s’en rapproche), ils seront tout simplement détruits parce qu’il n’y a rien d’autre à faire. Qui sont-ils ? Certains sites ont donné des listes. Une seule certitude en découle : ces entités sont peu nombreuses, mais pour les éradiquer comme de très mauvaises herbes (désolé pour les mauvaises herbes, qui souvent sont utiles) le Heartland risque hélas de devoir aussi s’en prendre à quelques « dommages collatéraux » comme certains dégoisent avec cynisme.
Versão em Língua Portuguesa:
https://queonossosilencionaomateinocentes.blogspot.com/2022/09/a-brincar-com-o-fogo-na-ucrania-os.html
Bonjour Robert,
juste une remarque sur le point de vue de John J. Mearsheimer, celui-ci oubli un « détail », c’est que le congrès américain à donné son accord sur l’emploi de l’arme nucléaire en premier et donc, sans préavis. Voilà qui est un signal très, mais alors, très fort donné aux dirigeants russes et où donc, le risque d’escalade se trouve d’autant plus accrue et où la menace vient toujours du coté de l’Oncle Sam.
Mais la seule véritable solution est que les citoyens de tous les pays opposent leur véto à leurs propre dirigeants, sans cela, ces derniers les utiliseront toujours comme chair à canon selon l’évolution des intérêts de la classe dominante qu’ils servent en priorité.
Bref, le pire ennemi des citoyens US, c’est le gouvernement US, et c’est valable pour tous les autres pays.
@ Hervé
TOTALEMENT D’ACCORD: » Bref, le pire ennemi des citoyens (prolétaires) US, c’est le gouvernement US, et c’est valable pour tous les autres pays. » Voilà résumée en une phrase l’essence de la politique internationaliste prolétarienne…
Le grand capital mondialiste – apatride – sans coeur – qu’il soit sous alliance russo-chinoise ou sous alliance américano-européenne a été – est – et sera responsable de toutes les guerres ou le prolétariat versera son sang pour maintenir son aliénation – son exploitation – son extermination en tant qu’espèce.
C’est le système capitaliste mondialisé qu’il faut renverser – abolir – détruire pour assurer la survie de notre espèce … et moi je crois que seul la classe sociale prolétarienne peut et doit réaliser cette révolution systémique globale.
Merci pour ton commentaire Hervé.
Meyssan fournit un point de vue différent qu’il est bon que nous connaissions voilà tout.
Rpbert Bibeau
Le
certes, mais comme je te l’ai déjà mainte fois dit, le prolétariat n’existe et n’a de sens que dans le système capitaliste et lui seul.
De plus et c’est peut être même l’essentiel à comprendre, c’est que le prolétariat regroupe tout le salariat, c’est à dire, tous ceux qui échangent leur temps de vie contre un salaire, que ce dernier soit en partie fixe, variable ou un mélange de deux. Et qui devrait en fait réunir tous ceux qui considère que la justice économique se fonde sur l’équité économique, c’est à dire, l’équité de l’échange travail/salaire (qui n’implique pas la propriété) où nul ne peut exiger plus de droits (monétaire et immobilier) qu’il n’accomplit de devoirs par lui même et nul ne peut se voir exiger plus de devoirs qu’il ne réclame de droits pour lui même.
A partir de là, c’est tout le modèle qui s’en trouve transformé et où ce n’est plus le dogme de la croissance économique qui prime, mais de son équilibre et où tous les instruments actuels sont reconfigurés dans ce sens.
mais encore et toujours, pas de révolution sans savoir son contenu, car sans ce dernier on obtient seulement une révolte qui finit toujours par être récupéré par les tenants du pouvoir.
Bonne soirée
En effet, le prolétariat est une créature-une création du mode de production capitaliste tout comme le serf-paysan fut la création du mode de production féodal
Tout comme le serf-paysan russe ou chinois ne pouvait « produire-engendrer-mener » la révolution prolétarienne – seul le prolétariat moderne peut et mènera la révolution prolétarienne moderne – qui a déjà commencer soi dit au passage.
OUI en effet, le prolétariat fera disparaitre les conditions de son existence de classe – dans et à travers – ce que nous appellerons LA RÉVOLUTION PROLÉTARIENNE (non pas la révolution socialiste ou communiste). Le prolétariat créera les conditions de sa disparition en tant que classe exploitée…aliénée….opprimée.
Tu écris « mais encore et toujours, pas de révolution sans savoir son contenu, car sans ce dernier on obtient seulement une révolte qui finit toujours par être récupéré par les tenants du pouvoir. » JE NE SUIS PAS D’ACCORD… Pas écrit de cette façon.
La RÉVOLUTION PROLÉTARIENNE débutera par une guerre mondiale destructrice qui se transformera en dizaines de guerres civiles – régionales – locales qui s’étalera sur des dizaines d’années et ou diverses idéologies seront présentées comme fondement de La Révolution
À travers cette destruction totale émergeront – se forgeront – se construiront par avancés – reculs – hésitations les fondements du mode de production communiste – sans classes sociales = sans prolétariat.
La révolution russe – la révolution chinoise – et la révolution française vous paraitront des exercices de faibles amplitudes.
Merci Hervé… tu nous fait réfléchir.
Robert Bibeau
Concernant le réseau Voltaire de Messian, c’est une belle fumisterie et loin, très loin de la pensée de Voltaire dont l’utilisation du nom est une insulte à sa mémoire.
Car Voltaire disait « Quand nous parlons de la sagesse qui a présidé quatre mille ans à la constitution de la Chine, nous ne prétendons pas parler de la populace ; elle est en tout pays uniquement occupée du travail des mains (y compris des intellectuels et autres scientifiques, qui sont les mains du cogito asservie). L’esprit d’une nation réside toujours dans le petit nombre, qui fait travailler le grand, est nourri par lui, et le gouverne.
C’est une suite naturelle de l’inégalité que les mauvaises lois mettent entre les fortunes, et de cette quantité d’hommes que le culte religieux, une jurisprudence compliquée, un système fiscal absurde et tyrannique, l’agiotage, et la manie des grandes armées, obligent le peuple d’entretenir aux dépens de son travail. Il n’y a de populace ni à Genève, ni dans la principauté de Neuchâtel. Il y en a beaucoup moins en Hollande et en Angleterre qu’en France, moins dans les pays protestants que dans les pays catholiques (ou musulmans). Dans tout pays qui aura de bonnes lois, le peuple même aura le temps de s’instruire, et d’acquérir le petit nombre d’idées dont il a besoin pour se conduire par la raison (et non se laisser manipuler par la passion, d’une culture faites pour cimenter la populace à servir les intérêts de ses maîtres). »
Or, la raison étant universelle, les bonnes lois sont les mêmes pour tous les citoyens de tous les peuples. Mais surtout, une loi qui ne dispose pas de la force d’application est un voeu pieux et c’est pourquoi le droit international n’existe que virtuellement, sur le papier mais pas dans les faits, pas tant que les citoyens des pays continuent d’obéir aux intérêts de leur élite dominante et défendent une pseudo souveraineté qui n’a jamais servi leur intérêt de classe, mais seulement du « petit nombre » qui les diriges et se servent d’eux comme chair à canon.
Bref, ce Messian est un idiot utile de l’élite dominante.
@ Hervé Hum
Sauf que je ne suis pas d’accord là-dessus avec Voltaire. Pas plus qu’avec Sieyès. Le petit nombre n’a pas le droit de diriger le grand nombre, il ne peut que gérer selon les grandes idées définies par ce grand nombre. Et s’il le fait contre la volonté du grand nombre, il est ….viré !
https://ti1ca.com/8aawssyi-2022-07-24-2022-07-24.pdf.html
Je suis totalement d’accord avec toi, mais ne te méprend pas, Voltaire commence par dresser le constat de son étude de la formation des nations et des systèmes de pouvoirs faits pour servir une petite minorité et lui permettre d’exploiter la grande majorité, cela ne signifie pas qu’il soit d’accord. Et la suite de son propos va dans ce sens.
Voltaire vivait à une époque où il n’y avait guère de place que pour la pensée nobilière vieillissante face à la pensée bourgeoise préparant sa prise de pouvoir, le prolétariat en tant que tel n’avait pas encore son mot à dire.
Pourtant, Voltaire finit en disant que le peuple s’affranchira de la domination de ce petit nombre de personnes le jour « où le peuple même aura le temps de s’instruire, et d’acquérir le petit nombre d’idées dont il a besoin pour se conduire par la raison » sauf si son temps disponible est occupé à autre chose. Et c’est exactement de cela qu’il s’agit ! Certains diront que Voltaire était un bourgeois et c’est vrai, mais c’est oublier le conteste de son époque et ne prédispose pas de Voltaire placé dans le contexte actuel.
J’ai été très critique envers Voltaire quand je connaissais que la citation où il écrit « L’esprit d’une nation réside toujours dans le petit nombre, qui fait travailler le grand, est nourri par lui, et le gouverne. », mais la suite de son propos a annulé toute ma critique.
En démocratie réelle, le représentant n’a pas de pouvoirs discrétionnaire, il agit sous mandat impératif et le secret dit d’état n’existe pas. Comme je le répète, la transparence est le baromètre de la démocratie où elle est à double sens alors qu’en dictature elle est à sens unique.
Allons nous et devons nous rester spectateurs jusqu’au bout …?
https://wp.me/p4Im0Q-5Fz JdG N° 50 (J + 200)) : Et si on vous proposait d’élire vos ministres et les priorités budgétaires, le feriez-vous
Comme dit l’adage, qui vivra verra
Mais je crois plutôt à une prise de conscience générale agissante comme un électro choc, une révélation agissante comme un raz de marée qui vide la conscience actuelle avec son dogme de la propriété s’effondrer d’un seul coup, pour le remplacer par celui de la responsabilité, avec ses avantages et inconvénients et donc ses risques si le principe de recherche d’équilibre n’est pas placé au coeur du dogme. Equilibre entre souveraineté intérieure et responsabilité extérieure. Où la première doit toujours être tournée vers l’intérieur, car dans le cas contraire celui ou ceux qui détient les moyens de contraintes (donc la force) pour imposer sa souveraineté, impose sa domination sur tous ceux et celles qui sont placés sous sa souveraineté. La souveraineté étant vue comme une liberté de l’être imprescriptible, de ce droit que chacun garantie à l’autre pour que celui-ci lui donne la même garantie en retour. C’est le principe de coopération fondamentale, mais qui ici repose sur l’équité de l’échange sans exploiteurs prélevant un impôt mafieux. Où chacun doit recevoir à la mesure de son apport, de son utilité à atteindre les objectifs visés d’abord pour chaque individu et ensuite pour des objectifs collectifs. Plus de recherche de croissance de production, mais recherche d’équilibre de production et d’économie des moyens pour permettre la satisfaction des besoins primaires et définition des limites écologiques pour connaître la marge de liberté de production au delà des besoins primaires.
Le principe est simple, l’intérêt général est la somme des utilités particulière à l’accomplissement de la volonté générale, c’est à dire, la satisfaction des besoins primaires d’abord et selon les disponibilités, la satisfaction des aspirations libres.
Tous les outils actuels du système capitaliste sont conservés, mais reconfigurés en conséquence du nouveau dogme.
Le problème n’est pas qu’il y ait un dogme, mais son contenu et sa cohérence avec les conditions de l’environnement présent.
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